La présence du chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, avait même été annoncée au port maritime de Boma pour la réception de trois premiers navires. C’était donc du sérieux. Hélas, pratiquement 5 ans se sont écoulés. Avis d’experts, les grands transporteurs mondiaux, dont Maersk, CMA-CGM, PIL, feraient subtilement blocage.
Un gros navire qui transporte plusieurs conteneurs MAERSK. @Photo Droits tiers.
Pour d’aucuns, la volonté politique sinon le souci de sauvegarde des intérêts personnels chez les privés expats, contraignent les Lignes maritimes congolaises (LMC) à continuer à louer, dans le cadre d’un partenariat avec le Belge Marinvests, des navires au coût de 10 000 dollars le jour. En d’autres termes, les LMC dépenseraient environ 150 000 dollars à chaque voyage Anvers-Boma-Matadi. L’armateur public organise deux rotations le mois.
À la suite de la hausse de la taxe du trafic maritime, les LMC taxent un container de 20 pieds (soit 28 t environ), 40 dollars ; celui de 40 pieds, 80 dollars ; voiture et minibus, 20 dollars ; voiture utilitaire (fourgon, pick-up, camion, camionnette, véhicule frigorifique, benne…), 35 dollars ; engins lourds et de génie civil, 70 dollars l’unité. Pour ce qui est des hydrocarbures, les LMC taxent le m3, 2 dollars ; les produits miniers exportés, 2 dollars la tonne, tout comme le cargo général (sac de ciment, sac de riz, etc.).
L’on se rappellera que la Fédération des entreprises du Congo (FEC), principal patronat, s’était opposée, sans succès, à la nouvelle grille des LMC. Pour le Comité professionnel des agents maritimes de la FEC, l’application de cette mesure devrait continuellement entraîner la hausse de prix des biens et services d’importation. Cependant, la direction générale des LMC a estimé que les droits des trafics n’interviennent pas dans la structure de prix sur le marché intérieur, mais dans le fret maritime payé par l’armateur et non par l’opérateur économique national.
Et le fret n’est pas influencé par le marché intérieur d’un pays quelconque. D’après les LMC, les droits de trafic visent les revenus que le transporteur tire de son activité sur le domaine maritime national et qui demeurent à l’étranger sans que la RDC puisse en profiter. Les devises générées par le commerce extérieur de la RDC échappent donc au circuit économique national, laissant à l’étranger une importante masse monétaire. Les droits de trafic constituent une rétribution pour jouissance d’un droit patrimonial appartenant à la RDC, notamment l’espace maritime.
À défaut de cette rétribution, il y a enrichissement sans cause du bénéficiaire de la jouissance au détriment du titulaire du droit, soutient l’armateur public. Dans ce cas, le préjudice causé est réparé par restitution de l’indu et l’allocation des dommages et intérêts adéquats, sans omettre la sanction pénale pour violation des lois maritimes congolaises.
– Shipping royalty –
Les LMC se réfèrent à l’article 383 du Code maritime en RDC. Les droits évoqués sont un mécanisme international de constitution, par récupération, des moyens nécessaires au développement du « domaine maritime » d’un État. En clair, la législation congolaise s’aligne tout simplement sur celles en vigueur en Afrique de l’Ouest et du Centre. Dans de différents pays africains, les mêmes transporteurs maritimes qui prestent en RDC, payent les droits de trafic sans problème.
Comme il est recommandé dans les différentes assises internationales, le transporteur maritime doit participer au développement du secteur maritime des pays où il escale, spécialement lorsqu’il s’agit d’un pays en développement. Sous d’autres cieux, les droits de trafic sont nommés « redevance armatoriale » ou « shipping royalty » ou encore « commission de développement du secteur maritime ». C’est l’idée-force de la Charte africaine des transporteurs maritimes de 2010 que les mêmes transporteurs tenteraient de violer en RDC.
Expert maritime, auteur de « Le guide de la conteneurisation et du transport multimodal », paru en 2011 aux Éditions Shipping Guides/Ghana, Gabriel Mukunda Simbwa n’accorde guère de chance de survie à l’armateur public face aux enjeux internationaux actuels. « Depuis le retrait des armements européens des conférences maritimes, le glas venait de sonner pour les armements africains qui n’ont pas pu faire face à la libre concurrence devant désormais régner dans l’industrie maritime mondiale », note-t-il.
Et d’ajouter : « les armements africains tels que Black Stars du Ghana, CMZ de l’ancien Zaïre (RDC), SITRAM de la Cote d’Ivoire et CAMSHIP du Cameroun ont été liquidés, car n’ayant pas été capables de sortir la tête hors de l’eau suite à la concurrence féroce des armements de grandes puissances maritimes sur diverses lignes. Après l’élimination du circuit de l’Afrique, les géants de la conteneurisation se sont jetés sur l’Afrique, comme un fauve sur une proie, pour y asseoir le contrôle et l’exploitation du fret entrant et sortant ».
L’expert maritime congolais relève que le commerce international se réalise à 80 % par voie maritime. Les biens produits dans certains pays du monde sont transportés à l’aide des navires vers les pays de consommation. D’où tout l’intérêt de la conteneurisation. « C’est une activité qui consiste à transporter les marchandises au moyen des conteneurs par voie routière, maritime ou par la navigation intérieure. La conteneurisation permet donc le transport multimodal des marchandises : les différents modes de transport peuvent être combinés pour réaliser le transport porte-à-porte », a-t-il brillamment expliqué.