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Congolité : le politologue Jean-Claude Mputu alerte sur la division du pays

Politologue congolais rattaché à la Cellule d’appui politologique Afrique Caraïbes (Capac) et porte-parole du collectif anticorruption Le Congo n’est pas à vendre, l’activiste Jean-Claude Mputu se montre hostile à la loi. Dans une interview au journal Lemonde, il considère que cette proposition de loi viole la Constitution de maniere flagrante.

Jean-Claude Mputu, politologue congolais rattaché à la Cellule d’appui politologique Afrique Caraïbes (Capac) et porte-parole du collectif anticorruption Le Congo n’est pas à vendre @Photo Droits tiers.

publié le 29 mars 2023 à 11:24:20

Pourquoi estimez-vous que la proposition de loi Tshiani viole la Constitution congolaise ?

Jean-Claude Mputu : Cette proposition de loi instaurera une division entre les Congolais qui seront nés d’un père et d’une mère congolais et les autres. C’est une violation flagrante de la Constitution. En effet, celle-ci, dans sa lettre et son esprit, insiste sur l’égalité entre tous les Congolais et interdit toute forme de discrimination entre ces derniers. M. Tshiani sème la zizanie et tente de faire renaître les démons du passé de notre pays. Tous ces Congolais qui sont nés d’un parent étranger se sentiront-ils encore Congolais demain si cette loi est votée ?

Noël Tshiani justifie cette loi par la nécessité de « sauvegarder la souveraineté nationale »… ?

Depuis les indépendances il y a soixante ans, ceux qui ont dirigé la RDC – de Kasavubu, le premier président du pays, à Mobutu ou Laurent-Désiré Kabila – sont tous nés de père et de mère congolais. Ont-ils pour autant protégé la souveraineté du pays ? L’état actuel de la RDC prouve que non. C’est donc un faux débat. Etre né de parents congolais n’est pas une garantie de patriotisme. Cette loi repose sur des arguments populistes.

Noël Tshiani a déclaré : « Nous avons été victimes de plusieurs infiltrations au sommet de l’Etat depuis une vingtaine d’années. » De quoi parle-t-il ?

Il cible clairement le Rwanda. Ce pays a joué un rôle actif dans les deux guerres du Congo (1996-1997 et 1998-2002), en soutenant rebelles et groupes armés dans l’est de la RDC. Un Rwandais, James Kabarebe, avait même été nommé chef d’état-major au sein du régime de Laurent-Désiré Kabila qui avait fait chuter Mobutu. Kabarebe est ensuite devenu ministre de la Défense du Rwanda, de 2010 à 2018. Ces deux guerres au cours desquelles massacres, viols et pillages des ressources ont été perpétrés ont traumatisé les Congolais. L’autre conséquence est que les populations congolaises rwandophones sont depuis soupçonnées d’être déloyales vis-à-vis de la RDC. Face à un gouvernement qui n’arrive pas à ramener la paix et à empêcher les tueries, la hantise d’une histoire qui se répéterait est encore présente dans les mémoires. Noël Tshiani joue sur cette peur-là en insinuant que sa loi protégera les Congolais. C’est inadmissible d’instrumentaliser, à des fins politiques, la souffrance des Congolais !
En plus de vouloir écarter les populations assimilées comme rwandaises, cette proposition de loi permet aussi d’éliminer certains candidats à la présidentielle de 2023. Je pense à Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la riche province du Katanga, déjà empêché de se présenter à la présidentielle de 2018 et qui est né d’une mère congolaise et d’un père grec juif. N’oublions pas que le président de la République est élu par 80 millions de Congolais. Laissons donc à ces derniers la liberté de choisir la personne qu’ils veulent plutôt que d’éliminer des adversaires à l’avance.

Dans un rapport publié en mars, l’ONU alertait sur un regain de discours de haine visant certaines communautés. L’envoyée de l’ONU en RDC, Bintou Keïta, s’en est à nouveau inquiétée le 7 juillet devant le Conseil de sécurité. La proposition de loi Tshiani s’inscrit-elle dans ce climat ?

Absolument, ce texte en est l’expression. Aujourd’hui, en RDC, le discours haineux tend à s’exprimer ouvertement. Des politiques ne se cachent plus pour dire à voix haute ce qui auparavant se disait tout bas. Cette haine vise ceux qui parlent swahili, les Luba, les gens de l’est… Noël Tshiani vient dangereusement « habiller » cette haine latente avec une loi. Prenons garde, nous risquons de perdre la force du Congo, ce qui l’a sauvé de la balkanisation : son unité nationale.

Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a toutefois réfuté le terme de « congolité ». Comment interprétez-vous la position des autorités congolaises ?

Je m’étonne que, plutôt que d’appeler à ne pas utiliser le terme « congolité », le porte-parole du gouvernement n’ait pas condamné cette proposition de loi injuste. Il s’est contenté de renvoyer dos à dos les partisans et les opposants ! Par ailleurs, quand le président Félix Tshisekedi affirme pour toute réponse ne pas se sentir concerné par cette loi, cela pose question car elle va continuer à fracturer la société qu’il prétend vouloir pacifier.

D’autres députés ont également fustigé la proposition de loi. A-t-elle une chance d’être votée ?

Oui, car la loi Tshiani a des soubassements éminemment politiques. La majorité au pouvoir a largement les moyens de la faire adopter. Une partie de la population peut aussi la soutenir. Le Congolais lambda se dit : « Cette loi va nous protéger des Rwandais. Ils ne pourront jamais être président. »

N’oublions pas que pendant tout son règne, l’ancien président Joseph Kabila (2001-2019) a été accusé de ne pas être Congolais, mais Rwandais. Qu’il n’aurait donc pas été patriote, ce qui expliquerait sa mauvaise gouvernance. A cela s’ajoutent les propos du président rwandais Paul Kagame qui a récemment nié l’existence de crimes commis par des Rwandais contre des Congolais dans l’est après le génocide de 1994. Cette période de l’histoire a laissé des traces profondes que des populistes instrumentalisent avec cette loi. Aujourd’hui, la RDC a besoin de chacun de ses enfants pour entamer un processus de reconstruction et de réconciliation avec notre histoire et nos valeurs.

Coumba Kane – Le Monde

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