« Le dialogue est le maître mot ». C’est ainsi que le cardinal Fridolin Ambongo a conclu dimanche, son homélie à la cathédrale Notre-Dame du Congo. Une messe particulièrement attendue, car il s’agissait de la première célébrée par le prélat depuis l’incursion du M23 soutenu par le Rwanda à Goma. « Notre nation est en danger, ne perdons pas de temps si nous voulons sauver le Congo », a-t-il éveillé, son regard scrutant la foule.
Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque métropolitain de Kinshasa. @ Photo Droits tiers.
Ses mots, forts et percutants, ont fait écho au sentiment d’urgence palpable ressenti par la population congolaise, face à l’escalade de la violence dans l’est du pays. Mais au-delà du constat alarmant, l’archevêque de Kinshasa a orienté son discours vers une solution durable : « le dialogue ». Un chemin, explique-t-il, qui passe par la rencontre, « même avec ceux considérés comme des ennemis ». Mais, la phrase énoncée d’une voix calme mais ferme, a fait naître un murmure dans l’assemblée, car elle allait à l’encontre de l’aspiration de plusieurs congolais qui préconisent la confrontation plutôt que la négociation.
– L’inaction de la communauté internationale critiquée –
Fridolin Ambongo n’a pas seulement adressé un message aux Congolais, mais a également pointé du doigt les Nations unies. Il a réprouvé l’inaction et le double discours de certaines puissances mondiales. « Nous avons l’impression que la communauté internationale tient un double langage alors qu’elle a les moyens pour faire avancer la paix dans la région», a-t-il déploré à la presse à la fin de la célébration eucharistique.
L’homme de Dieu a vivement réitéré son appel à une exploitation équitable des ressources de la RDC, qui profiterait à la fois aux investisseurs et aux Congolais. « Nous ne sommes pas pour des solutions sanctions. Nous sommes plutôt pour des solutions constructives », a-t-il ajouté, en mettant l’accent sur la nécessité de trouver des accords qui bénéficient à tous, « un accord gagnant-gagnant ».
– Pacte social, un projet pour la paix –
Deux institutions religieuses ont lancé un projet ambitieux : l’organisation d’un Forum national sur le consensus, la cohésion et l’unité nationale pour aboutir à un pacte social. Contrairement aux dialogues politiques passés, souvent marqués par des intérêts partisans, celui-ci, d’après ses initiateurs – catholiques et protestants, se veut un espace de rencontre neutre, porteur d’une nouvelle vision pour la paix. L’objectif est de rassembler les acteurs sociopolitiques face aux menaces extérieures, et surtout, face à l’agression du Rwanda et de ses alliés du M23.
– Plateforme de réconciliation, loin des intérêts politiques –
À travers cette initiative, les chefs religieux souhaitent dépasser la simple diplomatie et offrir une véritable plateforme de réconciliation. Ce forum, selon la CENCO et l’ECC, ne sera pas influencé par l’agenda des politiciens, mais visera à renforcer les liens entre la société civile, les partis politiques et les acteurs du conflit, y compris les rebelles du M23.
Plusieurs consultations ont déjà eu lieu, impliquant des acteurs majeurs, dont le chef de l’État, Félix Tshisekedi, le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe et son collègue du Sénat, Sama Lukonde. Les échanges se sont également étendus à d’autres acteurs de l’opposition, tels que Martin Fayulu, Delly Sesanga et Adolphe Muzito.
– Élan de solidarité –
La solidarité des Congolais est manifeste. Une collecte de fonds a été organisée pour soutenir les victimes de la guerre, et plusieurs initiatives de solidarité ont été mises en place par les Églises catholique et protestante. Loin de se limiter à des actions de charité, les deux confessions se sont aussi engagées activement pour une décrispation politique durable.
– Soutien régional –
Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, lui-même défenseur des solutions africaines aux crises africaines, a salué la reprise prochaine des négociations inclusives entre toutes les parties concernées, y compris le M23, dans le cadre du processus de paix fusionné Luanda-Nairobi. Cette approche, a-t-il indiqué, marque une avancée majeure vers une solution durable à la crise. « En tant qu’Afrique du Sud, nous avons toujours soutenu que la diplomatie était la solution la plus durable à ce conflit. Tout en participant à des missions de maintien de la paix, l’Afrique du Sud prend une part active aux divers efforts diplomatiques visant à mettre fin au conflit dans l’est de la RDC. Il s’agit notamment du cadre de paix, de sécurité et de coopération pour la RDC et la région des Grands Lacs, du processus de paix de Luanda mené par le président de l’Angola et du processus de Nairobi mené par la CAE et facilité par l’ancien président du Kenya, le président Uhuru Kenyatta », a soutenu Ramaphosa.
Pour lui, l’Afrique du Sud, qui a perdu 14 soldats membres de la force régionale de la SADC, SAMIRDC, déployée au Nord-Kivu, s’aligne derrière la proposition des négociations directes entre les parties prenantes au conflit, y compris le M23. Une position qui semble totalement en phase avec celle du cardinal Ambongo, qui voit dans la rencontre des acteurs en conflit la clé pour éviter une guerre prolongée.