Le Parlement européen a tenu jeudi une session d’urgence sur la situation sécuritaire et humanitaire au Nord-Kivu. Face à l’aggravation du conflit et à l’implication du Rwanda aux côtés du M23, des sanctions fortes sont envisagées contre le régime de Kagame.
La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola @Photo Droits tiers.
Le Bureau propose la suspension du mémorandum de coopération UE-Rwanda signé en février 2024. Cet accord concernait cinq domaines stratégiques, dont l’exploitation durable des matières premières. Une rupture qui pourrait lourdement impacter Kigali, très dépendant de ses partenaires occidentaux. L’Union européenne pense aussi au gel de la coopération dans d’autres domaines mais aussi le refus d’octroi des visas aux dirigeants rwandais. L’organisation veut aussi frapper sur le plan symbolique. Elle envisage de suspendre toutes les compétitions sportives internationales prévues cette année au Rwanda. Objectif : contraindre Kigali à revoir sa position sur le conflit meurtrier congolais. En plus, il y a la Formule 1 pour laquelle le régime Kagame se bat pour être l’unique représentant en Afrique. Kigali se positionne depuis août pour l’organisation d’un Grand Prix en 2026. Paul Kagame l’a d’ailleurs officiellement confirmé en déclarant que « le Rwanda souhaite ramener le frisson de la course automobile en Afrique ». Jusqu’à présent, seuls l’Afrique du Sud (1993) et le Maroc (entre 1925 et 1958) ont accueilli ce type de compétition. Si le « pays des mille collines » venait à être choisi, un circuit devra être construit près du nouvel aéroport de Bugesera, encore en construction , à 40 kilomètres à l’est de Kigali. Le coût est estimé à plusieurs dizaines voire centaines de millions de dollars. Les eurodéputés mènent le plaidoyer pour que la Fédération des sports automobiles zappe le Rwanda. Un coup dur pour Kagame dont l’ambition est de vendre l’image de son pays.
– “Ne trahissons pas le peuple congolais” –
Lors de la session, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola a été catégorique : l’UE ne peut plus rester spectatrice. « L’Europe doit défendre la paix et ne pas être une simple observatrice. Ce conflit nous impactera, que ce soit à travers les migrations ou la guerre économique pour les minerais critiques ».
Johan Borgstam, représentant spécial de l’UE pour la région des Grands Lacs, a dénoncé l’inaction de Bruxelles : « La présence des troupes rwandaises en RDC est intolérable. Le Rwanda exploite les richesses minières du Nord-Kivu bien avant le M23 ».
– Goma en état d’urgence, la Monusco dépassée –
En visioconférence, Bintu Keita, la cheffe de la Monusco, a tiré la sonnette d’alarme. « Le M23 et l’armée rwandaise avancent. Kalehe est sous leur contrôle, Goma est en danger. Nos capacités sont insuffisantes pour protéger la population ». Elle a également dénoncé des exactions de masse, notamment des viols contre une centaine de femmes. “Nous faisons face à une catastrophe humanitaire. Sans intervention rapide, la situation risque de s’aggraver ». Les prochains jours seront décisifs. L’UE franchira-t-elle le cap des sanctions ? Kigali est au moins prévenu. Déjà que la Belgique sollicite auprès de l’UE des mesures fortes notamment la suspension du Dialogue sécuritaire entre l’UE et Kigali, le gel du versement de 20 000 0000 € que l’organisation donne au Rwanda pour sa mission militaire au Mozambique afin de lutter contre les terroristes et la mise en suspens de l’accord entre l’UE et le Rwanda sur les matières premières critiques.