Scandale à Kinshasa, des religieuses catholiques illégalement expulsées de leur monastère
Sous l’apparence d’une exécution judiciaire, les sœurs Carmélites de Kisantu et leurs voisins ont été expulsées le samedi 21 décembre 2024 à Kinshasa. Le triste événement s’est déroulé dans la concession Mont-Carmel, située sur l’avenue Chrétienne, dans le quartier Jamaïque à Kintambo. L’acte révèle l’ampleur des dysfonctionnements au sein du système judiciaire congolais.
Par Rebecca Bekombe
Les sœurs Carmélites de Kisantu, victimes d’un déguerpissement choquant, assistent impuissantes au déguerpissement forcé de la concession Mont-Carmel @Photo Ouragan.
publié le 24 décembre 2024 à 06:05:00
Des policiers armés, accompagnés de civils aux allures intimidantes, ont investi les lieux vers 8h45, témoigne à Ouragan l’une des victimes. « Pas de bulletin de service, pas d’ordre de mission officiel », raconte-t-elle. Pourtant, a-t-elle poursuivi, le huissier de justice, Nestor Mubaya, épaulé par un officier supérieur (colonel de la police), ordonne brutalement le déguerpissement. Curieusement, s’étonne l’oppressée, l’agent d’exécution judiciaire a fondé sa démarche sur un document entaché d’irrégularités manifestes.
– Déguerpissement prématuré et illégal –
Le document présenté par l’officier autorisait cette expulsion le 26 décembre, soit cinq jours plus tard. Malgré cela, les opérations ont eu lieu, plongeant les occupants dans la désolation. Sur le mur et le portail d’entrée, le représentant judiciaire n’a indiqué ni son cabinet, encore moins le numéro RHJ (Registre des huissiers de justice).
Outrée, la veuve Viviane Saidi, l’une des persécutées, a déploré la destruction de ses biens, le pillage et de l’abandon brutal des lieux par les auteurs. « Lorsqu’ils sont entrés chez moi, je leur ai demandé la réquisition, et le colonel m’a répondu que celle-ci suivrait après. Ils ont tout cassé et volé avant de jeter nos affaires dehors. Quand nous avons exigé les documents, ils sont partis à moto, laissant notre vie en lambeaux », a relaté, en larmes, la mère de quatre enfants.
– Comme dans un rêve –
Derrière cette ignoble opération se cache un ex-résident temporaire de la concession, Raphaël Ngemina, qui revendique la propriété sans aucun titre légal. Les hommes en uniforme, quant à eux, affirment avoir reçu l’ordre d’expulser les occupants suite à la plainte de celui-ci. En arrière-plan, certaines indiscrétions évoquent l’implication de personnalités politiques influentes, prêtes à s’approprier le domaine en manipulant cet homme.
Raphaël Ngemina et sa famille revendiqueraient la propriété, sans pour autant détenir le moindre document légal. Ngemina est un ancien ami de l’ancienne sentinelle du monastère. N’ayant nulle part où vivre avec sa famille, il avait imploré l’indulgence des sœurs pour l’héberger temporairement, le temps de trouver un endroit où s’installer. Fidèles à leur bienveillance et aux principes de l’Église catholique, les sœurs avaient consenti à lui accorder cette faveur, d’autant plus que le monastère était alors en pleine rénovation. À la fin des travaux, Raphaël Ngemina fut remercié et prié de quitter les lieux. Par souci d’accompagnement, les sœurs lui avaient même offert une généreuse somme de 1 000 dollars pour l’aider à recommencer sa nouvelle vie avec sa famille.
– Les cris de détresse des religieuses –
Pour les sœurs Carmélites, cette épreuve constitue un véritable affront spirituel. « En cette période de fêtes, nous devrions méditer et célébrer la naissance de notre Seigneur, pas nous battre contre des actes injustes », désapprouve Mwamini (Mama Koko), sœur supérieure du monastère, le regard vidé par l’amertume. Sa consœur Sylvie, sollicite l’intervention des autorités publiques : « Nous sommes en règle avec tous nos documents. Nous sollicitons le soutien du président de la République, de la Première dame et du ministre de la Justice pour mettre fin à ce calvaire », a-t-elle exhorté. « Comment comprendre que vous soyez en ordre avec tous les documents qui attestent que vous êtes propriétaires, mais des personnes de mauvaise foi, et sans document, vous font subir la pression, ce n’est pas normal », a-t-elle regretté.
Au-delà de l’indignation populaire, cet acte révèle un sombre tableau : instrumentalisation politique, violation flagrante des règles de droit, et défiance aux institutions de la République.
– Des irrégularités criantes –
De nombreuses irrégularités ont entaché cette opération commando. D’une part, elle bafoue une circulaire signée par le premier président de la Cour de cassation, suspendant tout déguerpissement entre le 15 décembre 2024 et le 15 janvier 2025. D’autre part, plusieurs exigences légales ont été ignorées. Il s’agit de l’absence d’autorisation du ministère de la Justice, aucun ordre de mission pour les policiers ayant participé à l’opération, le non-respect de l’obligation de sommation préalable ou l’avis de déguerpissement adressé aux victimes. Pire encore, l’opération a été menée un samedi, jour férié en vertu de la semaine anglaise instituée par la nouvelle législation.
– L’Église catholique, la cible –
Le choix de la cible, les sœurs Carmélites de Kisantu, est loin d’être anodin. En s’attaquant à une communauté religieuse étroitement liée à l’Église catholique, certains observateurs y voient une tentative de saboter les efforts de réformes du président Tshisekedi. L’Église catholique, acteur influent, a souvent dénoncé les dérives du régime et milité pour la justice sociale.
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