Myra Dunoyer : « le conte interpelle sans juger, sans frustrer »
Myra Dunoyer Vahighene, la conteuse panafricaine aux multiples talents, incarne un art du récit qui transcende les frontières culturelles et temporelles. De son enfance bercée par les contes de Butembo à sa carrière autodidacte, la fondatrice d‘Eleza Masolo puise dans ses racines profondes pour éveiller les consciences et préserver les traditions orales africaines.
Par Mugisho Bashomba
Myra Dunoyer est conteuse professionnelle. En 2025, elle offrira un spectacle intitulé « La chose » @Photo Droits tiers.
publié le 17 décembre 2024 à 05:41:00
Dunoyer présentera en 2025 son premier spectacle solo intitulé « La chose ». Celui-ci abordera les sexualités africaines et les rites d’initiation, des sujets qu’elle considère essentiels à traiter aujourd’hui, car souvent perçus comme des tabous. En attendant ce spectacle, Myra a récemment publié un livre de contes intitulé « Nyuma », le poisson qui avait soif. Nyuma est un poisson curieux, doté de pouvoirs magiques, qui vit des aventures extraordinaires pour comprendre pourquoi il a soif, malgré l’eau qui l’entoure.
Ouragan : Vous avez étudié l’architecture intérieure et la photographie, mais comment êtes-vous devenue conteuse professionnelle ?
Myra Dunoyer : C’est une bonne question. J’ai choisi l’architecture intérieure car, après mon diplôme d’État, je voulais faire un métier artistique et culturel, un métier qui met en valeur ma créativité et mon expertise, pour que cela ne disparaisse pas. J’avais donc choisi l’architecture intérieure en espérant pouvoir étudier le design et créer des objets, par exemple. La photographie, qui faisait partie de mes passions depuis l’adolescence, a aussi été un moteur. À l’Académie, j’ai eu l’opportunité de participer à une masterclass photo de deux ans. Ensuite, je n’ai pas passé mon diplôme, je n’ai pas suivi la licence, car je ne me suis pas vraiment intéressée aux designs, alors j’ai abandonné cette voie. Je me suis arrêtée au diplôme de graduat, et après, j’ai commencé à apprendre la communication pour mieux communiquer en tant qu’artiste. La photographie m’a ouvert de nombreuses portes et j’ai commencé à travailler avec l’Institut français. De fil en aiguille, je suis devenue conteuse. Mais je ne suis pas devenue conteuse du jour au lendemain, c’était un processus progressif. Quand j’étais enfant, ma tante nous racontait des histoires autour du feu. J’ai été bercée par ces milliers de contes à Butembo. Puis, quand je suis arrivée ici, je racontais les films que je suivais à mes amis. Je paraissais un peu comme un « spoiler », mais aujourd’hui, quand ils m’entendent raconter, ils me disent que j’ai l’air de vivre les histoires et préfèrent m’écouter plutôt que de regarder les films. Et en 2021, lors de la première édition de mon festival Y’Afrika, j’ai raconté l’histoire du samouraï noir. À ce moment-là, je ne savais même pas que j’étais conteuse, je ne savais pas que c’était un métier. Ce n’est qu’en 2022 que je me suis lancée professionnellement. Ici, à l’Institut français, la directrice m’a dit : « Myra, on cherche deux conteuses« . Je lui ai suggéré une autre personne, mais elle m’a répondu : « Mais toi, tu peux le faire, vu ton enthousiasme. » C’est ainsi que je me suis lancée, en autodidacte, dans le métier de conteuse.
Est-ce que votre enfance a influencé votre manière de raconter ?
Exactement, mon enfance a beaucoup influencé ma démarche. Il y a un conte que je n’ai jamais oublié, celui de Bibi Nyota, une femme qui voulait épouser un homme avec une étoile incrustée dans le front. Cette histoire est restée gravée dans ma mémoire. Et puis, Myra Dunoyer, comme j’aime le dire, c’est comme si c’était ma destinée. C’est un prénom que ma mère a trouvé dans un roman, pour moi, c’est plus qu’un nom, c’est une histoire. Aujourd’hui, je raconte des histoires, et cela me semble presque prédestiné.
Vous vous définissez comme conteuse panafricaine. Comment définiriez-vous le rôle d’une conteuse panafricaine dans les contextes culturels contemporains ?
Une conteuse panafricaine est une gardienne des coutumes et des cultures. Elle a aussi pour rôle d’éveiller les consciences. L’objectif n’est pas forcément de revenir aux traditions anciennes, mais plutôt de les faire découvrir. On ne peut pas critiquer ce qu’on ne connaît pas, et on ne peut pas refuser ce qu’on ne connaît pas. Il faut d’abord que les gens connaissent, et après, ils peuvent choisir s’ils veulent suivre le chemin de leurs ancêtres ou en choisir un autre. Ils doivent avoir le choix. C’est ce que je veux offrir : l’opportunité de connaître et de choisir. Donc, je suis une gardienne des traditions, une éveilleuse des consciences, celle qui promeut la culture et œuvre pour que les gens ne soient plus complexés et que la relation culturelle ne soit plus un obstacle.
Au début, c’était beaucoup plus difficile, comme on dit, tous les commencements sont difficiles. Il fallait expliquer aux gens ce qu’était le métier de conteur. Mais aujourd’hui, cela complète mes autres métiers. À un moment donné, être conteuse est devenue une manière de faire la publicité de mon entreprise, Eleza masolo. J’ai raconté dans plusieurs événements, je me suis livrée devant le public, car être conteuse, c’est aussi se livrer. On ne sait jamais si l’histoire va captiver le public. Il faut accepter cela, même si l’histoire ne plaît pas. Mais curieusement, cela fonctionne bien. En tant qu’autodidacte, je me démarque, et mes efforts personnels portent leurs fruits.
Vous effectuez beaucoup de recherches pour cela ?
Oui, exactement. C’est pour cela que je fais beaucoup de voyages, que je vais dans des musées, que je rencontre des gens, que je m’inspire. Je vais sur le terrain, je cherche à comprendre comment vivent les gens. Je ne raconte pas seulement des histoires anciennes, je peux aussi raconter des histoires actuelles en m’inspirant du passé, car rien n’est nouveau sous le soleil. J’ai beaucoup de livres chez moi, je n’ai pas encore tout lu, mais ils m’inspirent. Les terrains m’inspirent aussi énormément.
Vous avez parlé de traditions orales africaines, comment les intégrez-vous dans votre art du conte ?
Généralement, à part les spectacles que je livre moi-même, quand des clients font appel à moi, ils me donnent souvent une thématique. Par exemple, j’ai raconté l’histoire de Dawa et le Nyiragongo lors d’un gala pour les déplacés de l’est. C’était une manière de traiter de la guerre dans l’est en me basant sur la légende selon laquelle, dans le passé, les ancêtres offraient des jeunes filles en sacrifice au volcan Nyiragongo. Tout est parti de cette histoire. Je me suis aussi inspirée de Mansa Moussa, l’homme le plus riche de la Terre, pour un événement sur la richesse et l’entrepreneuriat. Tout cela me sert d’inspiration.
Quel est l’impact des contes sur la conscience collective africaine ?
Les contes sont vraiment importants. Ils sont thérapeutiques, éducatifs, informatifs et aussi divertissants. Ils permettent de perpétuer les histoires. Le conte interpelle sans juger, sans frustrer. Par exemple, l’histoire de David et du prophète Nathan : Nathan n’a pas réprimandé directement David pour ses péchés, il lui a raconté une histoire, ce qui a fait réfléchir David et l’a amené à se juger lui-même. C’est là que le conte devient puissant.
Comment parvenez-vous à capturer l’attention d’un public de cultures diverses tout en restant fidèle à vos racines panafricaines ?
Je pense que c’est ma manière d’être. Je suis une personne naturellement chaleureuse, aimable, passionnée, et je fais tout avec mon cœur. Quand je conte, j’aime toujours mettre de l’ambiance. Mais il y a un petit ingrédient secret que j’aime laisser, c’est l’improvisation. Je laisse de l’espace à la créativité et à l’interaction avec le public. Même si on me demande de raconter une histoire précise, je m’adapte au feeling avec le public. C’est cela qui crée une véritable connexion.
Certains disent que les contes sont pour les enfants. Que répondez-vous à cela ?
Non, c’est faux. Je raconte plus pour les adultes que pour les enfants. Et quand je conte pour les enfants, c’est à partir de 7 ans. Les contes sont nécessaires pour tous, car nous devons écouter les histoires pour les transmettre à la génération suivante. C’est un schéma répétitif, essentiel à la transmission des savoirs.
Et déjà vous préparez un spectacle en 2025 ?
Oui, je prépare un spectacle en solo, qui pourrait durer entre une heure et une heure trente. Le thème portera sur les sexualités africaines et les rites d’initiation. Je me suis déjà rendue au Mali pour faire des recherches. C’est un sujet tabou, mais je pense qu’il est important d’en parler, car nos parents nous disent souvent qu’il faut se marier sans nous préparer réellement à être de bons époux ou épouses. Le spectacle abordera ces thèmes sans tabou. En attendant ce spectacle, j’ai sorti il y a quelques jours un livre intitulé « Nyuma, le poisson qui avait soif ». Nyuma, est un poisson curieux avec des dons magiques. Il vit des aventures extraordinaires pour comprendre pourquoi il a soif malgré l’eau qui l’entoure. Accompagné par Ngema, un sage humain, et Nguvu, un jeune homme courageux, il explore les rivières, la terre et même la galaxie pour sauver les eaux et apprendre à protéger la vie. À travers ses rencontres, il découvre que sa soif est aussi une quête de justice, de savoir et d’équilibre pour le monde.
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