Une image vaut mille mots, dit-on. Le temple de l’Église Philadelphie à Kinshasa s’est transformé, le soir du dimanche 24 novembre, en une scène politique inattendue. Le président Félix Tshisekedi, fidèle parmi les fidèles, s’est joint à la clôture de « Bunda 21 », événement religieux phare qu’organise le pasteur Roland Dalo. Une image qui contraste avec les récentes polémiques autour des propos incendiaires du leader spirituel, jetant un doute sur les relations entre foi, pouvoir et responsabilité dans une République démocratique du Congo, très hostile à la mauvaise gestion, au détournement de fonds publics et à la corruption.
Devant une assemblée de plusieurs centaines de fidèles, Félix Tshisekedi et Roland Dalo ont échangé une accolade, scellant ainsi la fin de la controverse @Photo Droits tiers.
Dans un sermon au ton prophétique, Roland Dalo, tel un Ezéchiel des temps modernes, avait fustigé la corruption endémique qui gangrène le pays : « Je suis triste et honteux d’être citoyen de la RDC ». L’apôtre ne s’est pas arrêté là. Il s’est, ensuite, fendu d’une déclaration devenue virale : “Je ne mange pas à cause de cette personne-là. Ça fait 6 ans que je le côtoie, je n’ai jamais mangé son argent. Je ne mange pas sa dîme”, avait-il rouspété, comme pour répondre à ceux qui voyaient en lui un opportuniste spirituel. Si l’allusion au chef de l’État était implicite, elle n’en a pas moins déclenché une avalanche de réactions, allant des critiques les plus virulentes aux défenses passionnées. En réalité, ces mots crus ont fait craquer les partisans du pouvoir qui ont dépiécé l’homme de Dieu sur les réseaux sociaux.
Même des leaders religieux comme l’abbé Blaise Kanda et le pasteur Paul Mukendi n’ont pas tardé à monter au créneau. Le premier, acerbe, a questionné : « Êtes-vous pasteur de dîmes ? » ; le second a tempéré, rappelant l’impératif du respect dû à l’institution présidentielle. Dans un geste rare, l’archevêque Ejiba Yamapia a présenté des excuses officielles au nom des Églises du réveil, cherchant à désamorcer une crise naissante. Les partisans du parti au pouvoir voyaient déjà le numéro un de l’Église Philadelphie comme une autre personne qui venait de rejoindre la barque des opposants. Une erreur de jugement.
— Un spectacle qui les a tous surpris —
Et pourtant, le dimanche a offert un spectacle surprenant : un président accueilli avec chaleur par le même pasteur critique. Chaise d’honneur, chaleureuses accolades, échanges feutrés devant plusieurs fidèles et téléspectateurs. Félix Tshisekedi, loin de se laisser happer par les querelles enflammées sur les réseaux sociaux, a préféré répondre par la sagesse, la présence, un geste hautement symbolique : son offrande déposée dans le panier du culte. Une manière, peut-être, de rappeler que les divisions artificielles n’entament pas les relations personnelles.
Cette rencontre sonne aussi comme un appel à transcender les polémiques, a dit un internaute. Si Roland Dalo dénonce une société minée par l’impunité, Félix Tshisekedi semble avoir écouté son pasteur. Mais ce rapprochement laisse ouverte une question clé : l’indignation prophétique du pasteur peut-elle réellement influencer les pratiques politiques, ou s’agit-il d’un feu de paille ?
– Un symbole –
Le geste présidentiel à l’Église Philadelphie, a été largement critiqué et salué par certains journalistes. “Quand on arrive pas à obtenir de victoire politique, incapable d’incarner une opposition face au pouvoir, on s’accroche donc à une prédication détournée. Voilà maintenant que de simples images vous déshabillent. Vous, et ceux qui ont insulté le pasteur”, a écrit sur X le DG de Politico.cd avant que Peter Tiani, le patron de Perfect TV encense : “En se comportant ainsi, le président de la République a transcendé les polémiques et s’est mis au-dessus de la mêlée”.
Un fait inattendu. Malgré tout, le geste du président reste ambivalent, analyse le théologien Léopold Matinga. D’un côté, il réaffirme sa capacité à désamorcer les conflits et à conserver des alliés dans la sphère religieuse. De l’autre, il expose l’extrême sensibilité du pouvoir face aux critiques, même issues de milieux réputés proches.
— L’image d’un président humble —
En déposant sa dîme avant de partir devant des centaines de fidèles, Félix Tshisekedi n’a pas seulement répondu à la polémique. Il a rappelé, de manière implicite, son attachement aux valeurs chrétiennes. Mais surtout, sa volonté manifeste de rester au contact avec Dieu, son créateur. Cependant, la participation de Fatshi au culte après le volcan, intervient dans un contexte où les exigences des Congolais se recentrent sur des sujets clairs : la lutte contre la corruption, la gestion de la res publica et la moralisation des élites. A lui d’intégrer toutes ces doléances.