Mustache Muhanya : “Ces fantômes sont les vestiges de la colonisation”
Le talentueux artiste visuel, Mustache Muhanya a choisi de se servir de la photographie pour rendre visibles les traces invisibles laissées par la colonisation. Son exposition Kimia à l’Institut français de Kinshasa, qui se poursuit jusqu’au 21 décembre, interpelle les consciences. En photographiant par exemple des enfants jouant dans des carrières abandonnées, exposés à des poussières toxiques, il perçoit l’héritage colonial toujours vivant à travers leur regard et leur environnement.
Par Mugisho Bashomba
A travers son exposition Kimia, Mustache capture les fantômes, c’est-à-dire les vestiges de la colonisation @Photo Droit tiers.
publié le 19 novembre 2024 à 06:09:00
Pour parvenir à capturer les clichés des enfants dans les carrières délaissées de Lubumbashi, ce n’était pas une mince affaire. Muhanya a été brutalisé, voire arrêté, sous prétexte qu’il “n’avait pas l’autorisation”. Un paradoxe. Ce n’est pas tout : le thème de l’identité, cher au lauréat du prix Laure Moonens en 2015, occupe également une place centrale dans l’exposition.
Ouragan : En voyant vos œuvres, on est un peu dérangé, elles perturbent d’une certaine manière. Qu’est-ce que vous vouliez transmettre à travers cette exposition ?
Mustache : Certains trouvent que cela dérange, mais moi je ne pense pas que ça dérange. J’ai photographié des enfants, des personnes un peu partout au Congo, dans des endroits chaotiques. C’est ce chaos dont on parle peu, qu’on laisse sous silence. Même si des bruits sont faits, il n’y a pas de changement. Il faut s’interroger sur les enfants dans la rue, ceux qui ne vont pas à l’école, qui sont dans des situations très compliquées. Ces enfants-là, c’est un peu le futur du Congo. “Kimia” ? C’est l’objectif de cette réflexion. Certains pourraient dire que “Kimia” évoque la paix, le silence. Tu peux rester silencieux sans rien dire, mais à l’intérieur, tu es perturbé.
Est-ce donc un silence dérangeant ?
Exactement. Il y a des choses qu’on ne peut pas dire, qu’on ne peut pas accepter. Et c’est dans les regards des enfants que j’ai cherché à capter cela. Pour moi, la photographie sert à figer un moment, capturer des instants qui interrogent et nous poussent à penser au futur.
Dans cette exposition, il est question aussi de fantômes. Comment symbolisent-ils l’héritage de la colonisation ?
Ces fantômes, ce sont les vestiges de la colonisation. Lorsque je photographie des enfants jouant dans des carrières abandonnées, exposés à des poussières toxiques, je vois l’héritage colonial encore vivant. Ces carrières, laissées depuis l’époque coloniale, ne sont pas protégées. Les enfants y jouent, et cela détruit déjà leur futur. C’est un chaos qui perdure sans changement, et ce sont ces fantômes-là que je questionne. Ce passé qui nous rattrape. Par exemple, la photo d’une jeune fille traversant une zone polluée par les résidus de l’industrie. Avant, cette zone était un poumon du Congo. Aujourd’hui, elle pollue. Les fantômes de la colonisation, ce sont ces héritages qu’on n’a pas réglés, qui persistent et détruisent notre futur. Malheureusement, nous vivons une nouvelle forme de colonisation.
L’Afrique et la RDC en particulier, sont remplies de ressources. Mais ces ressources sont pillées, et le peuple congolais est dans la misère. Nous devons changer cela. Nous devons éduquer les jeunes, les préparer à être les futurs bâtisseurs. Nous devons nous reconnecter avec notre culture, prendre notre avenir en main, et arrêter d’attendre que le changement vienne d’ailleurs.
Peut-on dire que votre exposition est un appel à la prise de conscience ?
La conscience doit déranger. Si quelque chose ne te dérange pas, cela signifie que tu t’y es habitué. Si tu vis dans un environnement sale, tu finiras par ne plus sentir l’odeur. Mais il faut sortir de cette zone de confort, il faut agir. Quand quelque chose te dérange, c’est que cela a un impact, et cela peut nous pousser à changer. C’est une invitation à la prise de conscience, à questionner la réalité, à ne pas attendre que les choses viennent de l’extérieur. La vraie révolution viendra lorsque la génération actuelle prendra ses responsabilités et cessera d’attendre des changements politiques extérieurs.
Est-ce que l’art, selon vous, c’est aussi une manière de rendre visibles ces cicatrices historiques ?
Oui, l’art est un moyen de communiquer la vérité. Ces enfants, ils ne peuvent pas dire ce qu’ils vivent, mais l’artiste peut les aider à exprimer cette vérité en la mettant en lumière. L’art, c’est cela : illuminer ce dont on ne parle pas, c’est rendre visible ce qui est caché. Parce que la vérité, peu de gens l’aiment. Ils préfèrent le mensonge, les illusions. Mais les mensonges voyagent vite, tandis que la vérité prend du temps à se faire entendre.
Vous avez pris beaucoup de risques pour ce travail. Quels défis avez-vous rencontrés ?
Oui, il y a eu des obstacles. Par exemple, pour prendre des photos des enfants dans les carrières, on m’a arrêté, disant que je n’avais pas l’autorisation. Mais la zone n’était même pas clôturée, il n’y avait pas de panneaux. Il y a aussi eu des moments où je me suis retrouvé face à des situations où la réalité était difficile à accepter. Mais ce n’est pas une raison pour arrêter. Le plus grand risque, c’est de ne pas prendre des risques.
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