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Carmen Egger : “les marais sont un lieu de travail, mais aussi d’insécurité à Kinshasa”

Carmen Maria Egger est doctorante à l’Université d’Innsbruck, en Autriche. Son projet de thèse, intitulé “La cité de la foudre”, prend Kinshasa comme toile de fond pour repenser l’habitat périurbain. Inspirée par ses expériences en tant que volontaire pour l’ONG « Avenir pour Tshumbe » en 2019 dans la région du Sankuru, Carmen a découvert l’importance de s’adapter aux réalités locales : les phénomènes naturels et l’absence d’infrastructures adaptées, tels que les paratonnerres, qui affectent la sécurité des habitants. Dans son travail, elle propose une vision où architecture et nature coexistent.

Par Mugisho Bashomba

Carmen Egger travaille sur un projet de thèse intitulé “La cité de foudre”. Il porte sur une approche de l’habitat périurbain à Kinshasa au RDC @Photo Özgül Coban-Nagels.

publié le 5 novembre 2024 à 06:02:00

Ses six structures verticales, chacune inspirée d’animaux ancrés dans la mythologie et les rituels congolais, allient esthétique animiste et science atmosphérique. De la tour « Araignée sur le fil de soie », qui guide les pirogues, à la tour « Escargot paresseux », dédiée à l’épuration des eaux, ces créations se veulent des repères multifonctionnels et symboliques. Pour Carmen, Kinshasa est à la fois un défi et une inspiration.

À travers Counter City, elle imagine des espaces de vie intégrés aux marais, entre agriculture et célébrations, visant à renforcer la cohésion sociale par une « acupuncture » architecturale. Ses propositions incarnent une vision d’avenir où l’urbanisme devient un art de la connexion, un pont entre l’homme, son habitat et son environnement. Actuellement, elle est à Kinshasa en tant que curatrice adjointe et exposante dans le cadre du salon international du design “Kindeswe”, lequel aura lieu à partir du 8 novembre. Egger a accepté de répondre à nos questions.

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir Kinshasa comme cadre pour son projet de thèse La cité de la foudre ?

Quand j’étais volontaire pour l’ONG « Avenir pour Tshumbe » dans la région du Sankuru en 2019, je me suis particulièrement intéressée aux conditions météorologiques extrêmes et à la perception des phénomènes naturels par les locaux. De plus, il y avait un manque de protection, comme les paratonnerres, ce qui rendait la vie et les habitations plus difficiles pour la population. Deux ans plus tard, lorsque j’ai décroché mon diplôme en architecture, je souhaitais précisément concevoir des lieux qui protégeraient les habitants du Congo. J’ai choisi Kinshasa parce que c’est une ville en pleine croissance et que sa localisation, à côté du fleuve Congo, la rend exposée aux catastrophes naturelles telles que les inondations et les orages.

Comment les six structures verticales de La cité de la foudre intègrent-elles les phénomènes météorologiques et le caractère animiste dans leur conception ?

Dans mon projet, il y a six tours. Chacune s’inspire dans sa conception d’animaux également présents dans les mythes, rituels et masques congolais (l’araignée, l’escargot, le serpent, la colombe, la libellule et la chauve-souris). Lorsque je réalisais un croquis ou une maquette, je m’inspirais toujours de ces animaux dans toutes les parties du corps : les jambes (fondation), le corps (habitation) et une tête (connexion avec le ciel et la météo). Les six structures ont des capacités et des liens différents avec la science météorologique et atmosphérique. Par exemple, la 6e tour, « Batman ludique », sert d’observatoire la nuit pour regarder les étoiles et le jour de terrain de jeu pour les enfants qui accompagnent leurs parents. Une autre, la 2e tour, « Escargot paresseux », sert de salle à manger pendant la journée et de tour d’épuration des eaux de rivière et de pluie. La 1re tour, « Araignée sur le fil de soie », marque le départ où stationnent les pirogues. C’est une boussole qui guide les bateaux et un atelier ouvert où sont fabriquées des pirogues supplémentaires.

En quoi le projet Counter City redéfinit-il l’usage des zones périurbaines et des marais autour de Kinshasa ?

La proposition vise à modifier l’utilisation des champs marécageux, car actuellement les marais sont un lieu de travail, pour gagner de l’argent, mais aussi un lieu d’insécurité. Les marécages sont importants car ils fournissent du travail aux habitants et produisent des fruits – une ressource vitale pour tout le monde à Kinshasa. Comme nous le savons, la ville de Kinshasa s’agrandit chaque année, et il existe un besoin urgent de logements supplémentaires pour ses habitants. D’autres propositions prévoient de construire de nouveaux quartiers le long du fleuve. Mais ces nouveaux quartiers entraînent la destruction des marais, donc de l’agriculture, et ils ne sont accessibles qu’aux personnes ayant les moyens financiers pour y vivre. Ma proposition s’adresse spécifiquement à ceux qui travaillent comme agriculteurs et qui n’ont pas les moyens de déménager en ville. Ceux qui connaissent bien la nature et les plantations. Ça ne doit pas seulement être un lieu de travail, il faut aussi pouvoir y vivre car c’est un endroit très agréable.

Comment envisagez-vous la transition des terres agricoles périurbaines de Kinshasa vers des espaces à vocation mixte, mêlant agriculture et culture ?

Je pense que c’est déjà connecté. Les agriculteurs ont déjà leurs cultures. Ils organisent également des fêtes, des mariages, etc. D’autres habitants de Kinshasa, comme des artistes, des musiciens ou des banquiers, ont aussi besoin d’acheter et de consommer des fruits, des légumes, etc., pour vivre. Cela signifie que tout le monde à Kinshasa est déjà interconnecté, mais pas encore par l’architecture. L’architecture sépare actuellement les groupes de personnes. Cela est visible dans l’espace de vie près des marais, un espace de vie très pratique et pragmatique. Cela se voit aussi dans des salles avec une scène, beaucoup de lumière, de chaises, etc., utilisées pour des événements mais pas pour l’agriculture. Mon projet combinera les deux. Pourquoi ne pas construire un bâtiment festif, avec des couleurs, des lumières, de la musique, etc., sur la place de la ferme ? Il s’agit d’une mixité plus visible qui peut faire la différence pour la population de Kinshasa. Un lieu de travail, de récolte, de sécurité et de joie.

En quoi l’approche “acupuncture” de Counter City se distingue-t-elle des modèles urbains conventionnels ?

L’acupuncture signifie que l’on crée des constructions autonomes qui fonctionnent indépendamment tout en étant lié à un environnement neutre et non construit (comme les champs agricoles). L’opposé de l’acupuncture serait une communauté dense et planifiée où tout est nouveau : les chemins, les bâtiments, le terrain. Dans ma conception, les terres agricoles restent inchangées, et seules de petites zones habitables y sont ajoutées.

Vous avez participé aussi à plusieurs projets à propos de l’architecture. Quels défis avez-vous rencontrés lors de votre travail sur des projets en Guinée, en Syrie et au Ghana ? Et comment cela a-t-il influencé votre approche architecturale ?

Je dirais que le plus grand défi réside dans les différentes cultures. Étant Autrichienne, j’ai grandi avec certaines habitudes de travail, de communication et de planification. Lorsque je collabore avec quelqu’un, il est important de commencer calmement, d’observer et d’instaurer la confiance. Une bonne communication est essentielle, et il faut être flexible, ouvert et spontané. Comme je voyage beaucoup pour mes projets, je garde vraiment les yeux ouverts lors de mes déplacements. Cela signifie que je prends des photos, fais des croquis et écris sur les différentes régions et maisons que je découvre. Pour moi, il est toujours important de connaître le contexte avant de proposer une idée. J’ai besoin de voir, de sentir, de toucher l’endroit et de me connecter à la communauté. Je ne suis pas prête à concevoir un projet à l’avance.

Cette année, vous êtes également curatrice adjointe de Kindeswe qui aura lieu à partir du 8 novembre à Kinshasa. Le thème choisi pour cette année « Kin Kiese, la ville créative » vous inspire-t-il ? A-t-il un lien avec votre travail ?

Mon projet La cité de la foudre est un projet périurbain qui concerne un vaste territoire à la périphérie de Kinshasa. C’est pourquoi le projet est toujours connecté au thème de l’urbanisme. Kinshasa est une ville qui grandit très vite, et il faut trouver des solutions urbaines alternatives et créatives. Mon projet offre une nouvelle perspective pour le développement d’une ville en Afrique centrale.

Comment s’est déroulée l’avant-première de Kindeswe à Paris ?

Exposer à Paris avec une équipe congolaise a été une nouvelle expérience pour moi. Nous avons exposé une grande variété d’œuvres différentes telles que des meubles, des céramiques, des textiles et de l’architecture. Et nous avons eu de nombreux visiteurs très intéressés. Mon projet a été bien accueilli et a attiré beaucoup de personnes, notamment de jeunes étudiants. Je pense que c’est une nouvelle approche de l’architecture en Afrique, qui n’est pas encore bien connue et qui suscite la curiosité et l’enthousiasme. C’était une belle expérience d’être là.

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