Syndrome d’hubris, orgueil démesuré, Kazadi a dérapé dans sa dernière sortie médiatique. Il a ôté sa casquette d’homme d’État, mettant à la place publique une conversation qu’il a eue en privé avec le chef de l’État. Le tout pour se justifier, pour se blanchir alors que des poursuites judiciaires étaient engagées contre lui. L’ex-argentier n’a pas manqué non plus d’égratigner le brillant ministre de la Justice qui, selon lui, voulait l’empêcher, à l’époque, de sortir du pays. Après avoir été disculpé par le parquet dans le dossier “Forages” dont il se bombe d’ailleurs le torse, Alingete a juste interpellé la conscience collective : « Tous ceux qui sont déclarés innocents par le ministère public ou le tribunal ne sont pas forcément innocents ».
Jules Alingete, l’Inspecteur général des finances-chef de service. @ Photo Droits tiers.
Réponse du berger à la bergère. Devant les journalistes, Kazadi a vanté ses qualités de meilleur gestionnaire. Il a nié en bloc son implication dans le détournement ou la surfacturation des stations mobiles de traitement d’eau dans le marché conclu entre l’Etat congolais et la société Silver Construct de l’homme d’affaires Mike Kasenga, aujourd’hui au gnouf à Makala. L’ancien ministre des Finances a brandi la correspondance du parquet le disculpant. Un brocard à l’endroit des militants anti-corruption qui l’accusent d’être le chef d’orchestre dans cette opération. Pour se couvrir de son ignominie, il reprend fréquemment le nom du chef de l’État, seule manière de dire à l’opinion qu’il jouit encore de sa totale confiance, après sa mise à l’écart douloureuse du ministère des Finances. L’homme qui multiplie les serments de loyauté à son boss, peine pourtant à convaincre. Des doutes persistent sur sa gestion. Il ne serait pas surprenant de le voir être cité lors du procès. Voulant laver leur honneur, l’entrepreneur Mike Kasenga et l’ex-ministre de Développement rural, François Rubota, ne manqueront pas de l’indexer. “Leurs proches n’hésitent pas à l’affirmer haut et fort”, glisse un avocat proche du dossier.
– Alingete contre-attaque –
Aux états généraux de la justice, le gendarme des finances publiques a tranché sur le cas Kazadi en le chargeant mais sans le citer. Une réponse intelligente à une question d’un participant qui lui a valu un torrent d’applaudissements dans la salle du centre financier de Kinshasa dont une partie du bâtiment demeure inachevée. Dans le cadre de la lutte contre la corruption et le détournement de deniers publics, « tous ceux qui sont déclarés innocents par le ministère public ou le tribunal ne sont pas forcément innocents », a soutenu Alingete, ajoutant qu’il y a beaucoup d’évadés judiciaires. Une flèche enflammée en direction de Kazadi. Il s’agit, détaille-t-il, « des prédateurs déclarés « innocents » parce qu’ils ont été plus habiles en matière des finances publiques que le ministère public ou que ce dernier n’a pas pu convaincre le tribunal de leur culpabilité alors qu’ils sont coupables ».
L’argumentaire du chef de l’IGF démolit toute une émission où l’invité Kazadi a tenté de se défendre sur de nombreuses accusations qui pèsent sur lui autour des dossiers “forages et lampadaires”. En plus, Alingete a cogné fort. Il a décrié les dépassements budgétaires comme l’a soulevé avec brio un magistrat lors du débat, pointant du doigt le paiement en mode d’urgence reconnu comme le mode opératoire des prédateurs. “Ils ont tout fait pour contourner la chaîne de la dépense afin de saigner le Trésor public”, a désapprouvé un membre de la société civile qui a rejoint la thèse d’Alingete, l’encourageant à bloquer le système de paiement en mode d’urgence.
– Il faut réprimer davantage la criminalité financière –
Dans ses propositions pour bien combattre la criminalité financière et éviter à la nation d’autres scandales du genre “Forages et lampadaires”, Jules Alingete soutient la création d’un parquet financier. Un mécanisme de renforcement de la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics. Des infractions, à ses yeux, que les magistrats des juridictions ordinaires peinent à réprimer, faute parfois, de formation. « Nous avons affaire à des magistrats qui, dans leur profil de formation, avaient peur de la comptabilité, des finances publiques et des chiffres. Aujourd’hui, la réalité est que le détournement et la corruption c’est au travers de la comptabilité, les finances publiques et les chiffres, voilà pourquoi nous avons dit qu’il faut créer un parquet financier où on aura des magistrats spécialisés et formés dans les infractions sur la criminalité financière ».
L’inspecteur général des finances-chef de service veut faire payer cash, soit sanctionner les membres du gouvernement qui versent dans la corruption ou le détournement. Le flic est persuadé que la justice est mise à mal par l’immunité dont profitent les ministres. « Les membres du gouvernement gèrent 80% des ressources. Par conséquent, ils deviennent des cibles de contrôle mais ces gens là sont immunisés. A ce moment-là, ça rend tout inefficace, même la justice et les organisations. Nous devenons de plus en plus impuissants face à cela, il faut penser à régler ce problème ».
Mais avant l’avènement du parquet financier, Alingete se contente du “contrôle a priori”, mieux connu sous le nom de la “patrouille financière”. Un contrôle préventif qui limite la casse. La patrouille financière empêche tout détournement et alerte à la moindre détection d’actes de corruption. Ce contrôle a démontré ses preuves contrairement au contrôle a posteriori où les délinquants financiers opèrent d’abord et se battent, par la suite, pour se couvrir après avoir commis le forfait. Là, les efforts de l’lGF pour prévenir la corruption sont parfois plombés. D’où, l’importance du “contrôle a priori” pour bloquer en amont la mafia.