CARTES – Depuis la contre-offensive réussie des Ukrainiens à l’automne 2022, la ligne de front suivait cet affluent de la rivière Donets. Les Russes ont établi une tête de pont sur la rive droite.
C’est un nouveau coup de canif dans la stratégie russe des «mille entailles », qui consiste à démultiplier les attaques le long de toute la ligne de front pour éparpiller les forces ukrainiennes. Le 24 novembre, les Russes ont franchi une importante rivière dans l’est de l’Ukraine, l’Oskil, affluent de la Donets. La tête de pont à ce stade modeste, puisqu’elle s’étire sur environ 5 kilomètres de long et environ 1 à 2 kilomètres de large, a été confirmée par la carte «Deep State Map», proche de l’armée ukrainienne, qui géolocalise les images du conflit. Les forces russes seraient aux portes d’une petite ville, Dvorichna, que traverse une importante route menant vers la ville de Koupiansk, située 15 kilomètres plus au Sud et à cheval entre les deux rives de l’Oskil.
GUERRE EN UKRAINE : SITUATION SUR LE FRONT NORD
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Guerre en Ukraine : les Russes franchissent une importante rivière, l’Oskil, au nord de Koupiansk
La traversée de cette «coupure humide» peut paraître anecdotique à première vue, mais elle ne l’est pas. Depuis la contre-offensive ukrainienne réussie de l’automne 2022, les Russes ont été chassés d’une vaste zone de plus de 10.000 km2, qui formait un «balcon» au-dessus de la région stratégique du Donbass, épicentre des combats de la guerre en Ukraine. Depuis cette avancée, ils menaçaient de prendre à revers par le Nord les deux grandes forteresses ukrainiennes – Kramatorsk et Sloviansk – de l’oblast de Donetsk. Or, concrètement, en septembre 2022, les Ukrainiens ont repoussé les Russes sur la rive droite de deux rivières courant du Nord au Sud : schématiquement, les Russes sont retenus sur la rive gauche de l’Oskil au-dessus de la ville de Koupiansk et sont retenus sur la rive gauche de la Zherebets (rivière située 30 km plus à l’Est) en dessous de cette ville logistique clé.
– Balcon au-dessus du Donbass –
Autrement dit, les Ukrainiens tiennent une zone d’environ 1800 km2 située entre les rivières Oskil et Zherebets. Depuis deux ans, les Russes qui sont repassés lentement à l’offensive, tentent de réduire ce large saillant ukrainien qui est une gageure logistique pour Kiev puisqu’il nécessite pour l’approvisionner de franchir l’Oskil, dont les ponts sont régulièrement visés par les forces russes. Jusqu’à présent, cette offensive de Koupiansk était donc une lente course à l’Oskil, cette rivière pouvant servir de frontière potentielle à la Russie pour protéger naturellement le flanc Nord de son dispositif. Jusqu’à l’Oskil, donc, mais pas au-delà. En traversant cette rivière, les Russes pourraient indiquer des objectifs plus vastes. «Ils pourraient vouloir éviter justement que l’Oskil soit une frontière», observe une source militaire française, alors que l’hypothèse de négociations se renforce avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain.
Néanmoins une simple tête de pont n’est pas suffisante pour conclure que les Russes cherchent derechef à bâtir un grand «balcon» au-dessus du Donbass. Il leur faudrait conquérir plusieurs milliers de km2, alors que les gains russes sur le front de Koupiansk sont plutôt de 1 à 2 km2 par jour ces derniers mois. Il leur faudrait également créer une voie logistique sur la rive droite de l’Oskil pour approvisionner un volume de forces suffisant pour étendre la tête de pont et ainsi l’exploiter.
– GUERRE EN UKRAINE : SITUATION SUR LE FRONT –
Plus simplement, à l’échelle opérative et non plus stratégique, les Russes pourraient surtout vouloir franchir l’Oskil pour menacer 15 kilomètres plus au Sud la ville de Koupiansk, qui constitue un nœud logistique vital pour les Ukrainiens, qui y passent pour approvisionner leurs forces situées sur la rive gauche de la rivière. Or, sur cette même rive, les Russes ne sont plus qu’à 4 kilomètres de la partie Est de Koupiansk. Il y a 15 jours, ils ont même lancé un assaut, parvenant à proximité du cœur de la ville. «C’était une initiative tactique d’une patrouille mécanisée, mais les enjeux sont opératifs», glissait alors un autre officier français au Figaro. Cette semaine, les Ukrainiens ont réussi à résorber cette dangereuse pointe russe dans le dispositif défensif. «Le franchissement de la rivière Oskil permet cette fois aux Russes de tenter de déborder par le Nord l’ouest de Koupiansk», explique un officier supérieur, qui estime que cette nouvelle tête de pont constitue «la relève de la première manœuvre offensive sur la ville».
Alors que les Russes progressent désormais dans le Donbass, plus au Sud, de 200 km2 par semaine, ce nouveau point de fixation, loin du centre de gravité du conflit, pose en tout cas un défi sérieux aux Ukrainiens, qui manquent d’hommes. «L’objectif de Moscou est de multiplier les secteurs de crise pour mieux provoquer la congestion des forces ukrainiennes», décrit notre première source militaire. Cette nouvelle «entaille» russe force donc les Ukrainiens à dépêcher des troupes pour la résorber. «La tête de pont russe sur l’Oskil rappelle qu’une coupure humide mal défendue et non battue par les feux n’a qu’une valeur de ralentissement temporaire», analyse l’historien et officier de réserve Stéphane Audrand sur X. D’autant plus que la région de Koupiansk est peu fortifiée et peu urbanisée : en cas d’exploitation réussie, les Russes risqueraient d’avancer rapidement, à l’image de l’avancée ukrainienne dans cette même région à l’automne 2022