Et si Patrick Muyaya Katembwe passait aux Affaires étrangères… Et si la Coopération internationale devenait un appendice de la Communication & médias. Jamais Muyaya ne se serait résolu de demeurer à quia, de faire impasse, d’ignorer les balbutiements, les tâtonnements du futur commissaire européen aux partenariats internationaux, Jozef Sikela, sur le deal conclu entre l’UE et le régime de Paul Kagame pour la livraison des matières premières par le Rwanda aux 27.
Patrick Muyaya, le ministre congolais de la Communication et médias et Jozef Sikela, commissaire européen aux partenariats internationaux. @Photo montage Ouragan.
Dans son audition au Parlement européen à Strasbourg (France) fin octobre, Jozef Sikela a soutenu “ne pas vouloir s’inscrire dans le modèle chinois des partenariats qui débouchent sur des violations de droits fondamentaux”, lui a rappelé un député européen, avant de poursuivre sa protase, ” la Commission [européenne] a passé un accord avec le Rwanda pour lui fournir des matériaux que le Rwanda ne dispose pas. Et du coup, l’armée rwandaise va en RDC chercher ces matériaux, ces matières premières !”. Et le parlementaire européen d’appeler le commissaire aux partenariats internationaux d’assumer les conséquences de ce deal avec Paul Kagame. “Le prix de ça, ce sont des violations des droits de l’homme ! Le prix de ça, ce sont des crimes commis par l’armée rwandaise ! Le prix de ça, ce sont des enfants soldats qui sont utilisés !”. Et le député d’interroger l’Europe : “Est-ce qu’on va enfin relier les valeurs aux pratiques ? Est-ce que vous allez arrêter cet accord avec le Rwanda ? (…) Est-ce qu’enfin, vous allez reconnaître que le prix de notre autonomie stratégique, ne peut pas être la violation des droits de l’homme ! Ça ne peut pas être la complicité avec des crimes de guerre!”.
Plus surprenant, le commissaire européen s’est efforcé de balayer de revers de la main tous ces faits repris notamment dans des rapports répétitifs des experts des Nations unies. Jozef Sikela y va en s’emmêlant des thèses. “Les informations disponibles ne disent pas la même chose : le Rwanda est un de nos partenaires les plus importants en Afrique. Nous développons là-bas des projets fructueux”. Et le commissaire en charge des partenariats internationaux pour les 27 de se dédire : “Je vais me renseigner et je vous apporterai des réponses. Et Jozef Sikela, qui dit devoir se renseigner, soutient ensuite que “les informations que je détiens ne sont pas aussi dramatiques que ce que vous venez de dépeindre (…) Lorsqu’il s’agit des projets au Rwanda, je peux vous dire que c’est l’une des coopérations les plus réussies que nous ayons en Afrique”.
Puis, derechef, l’homme se rebiffe, “Je ne suis pas à mesure de réagir directement!”. Qu’il est étonnant que le ministère d’État des Affaires étrangères n’ait point donné de la voix face aux tâtonnements du futur commissaire européen aux partenariats internationaux qui a simultanément soufflé le chaud et le froid, tout en épargnant le régime de Kagame. Nul doute que la RDC ne serait pas restée aphone, si la diplomatie sinon son appendice la coopération internationale était menée par un Patrick Muyaya très percutant comme Fatshi lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts vitaux du pays. “Avec un attaquant de pointe dans la délégation, écrit Le Potentiel à propos du ministre de Communication & Médias et porte-parole du gouvernement, la RDC a démonté point par point, mardi 5 novembre à Genève, en Suisse, devant la Conseil de sécurité, les inquiétudes soulevées, sur la situation des droits de l’homme en RDC”. Et Africanews de renchérir , Muyaya malmène le délégué de Kigali”.
Nul doute, l’attaquant de pointe du gouvernement Suminwa aurait réuni tous les diplomates des 27 avec le représentant de l’UE à Kinshasa pour désapprouver, urbi et orbi, les prises de position de Jozef Sikela. Hélas. Comment comprendre que la diplomatie congolaise n’a même pas eu écho des commentaires en Belgique sur les difficultés, soutient-on, éprouvées par Jozef Sikela sur la question de la coopération UE-Rwanda.
– Menaces sans voile sur la RDC –
Le futur commissaire européen est revenu sur l’Afrique devant les médias. Jozef Sikela soutient que “le néocolonialisme ne vient pas de l’Europe, ce sont des choses que nous subissons de la part de la Chine et de la Russie », a-t-il ajouté, employant des mots bien plus durs que dans ses réponses aux questions des eurodéputés, lors de son audition, écrit euractiv.fr. Et le commissaire européen aux partenariats internationaux est plus menaçant sur la RDC dont il a pourtant déclaré ne rien savoir sur les crimes y commis par les troupes rwandaises. Selon le même média, Sikela a rappelé à plusieurs reprises que les investissements chinois en République démocratique du Congo pourraient permettre à Pékin de contrôler d’ici 2030 la moitié de l’approvisionnement mondial en cobalt , un élément utilisé pour fabriquer des batteries lithium-ion et d’autres produits d’importance stratégique”.
Il a poursuivi en disant que « les régions qui produisent ces matières premières sont donc un objectif pour de nombreuses puissances mondiales. Ceux qui proposeront la meilleure offre auront une longueur d’avance dans la réalisation de leurs objectifs de décarbonation et de développement durable, et bénéficieront de retombées économiques ». Même si dans son communiqué du 6 novembre 2024, www.europarl.europa.eu, le site infos du Parlement européen n’a rien repris sur le Rwanda ou la RDC de l’audition de Jozef Sikela, les diplomates congolais ne s’en ont guère intéressé ? « Nous avons besoin de nos partenaires … », a ajouté le prochain commissaire européen aux partenariats internationaux. Parlait-il du Rwanda? Ça paraît évident.
– Global Gateway, le gouvernement mise sur le projet congocidaire –
Pourtant, à la faveur du 19e Conseil des ministres tenu le vendredi 25 octobre 2024 à Kisangani, chef-lieu de la Tshopo, le gouvernement a mis en place une task Force spéciale sur l’attractivité des investissements européens en RDC dans l’optique de mieux positionner la RDC face aux opportunités qu’offre le projet Global Gateway. En fait, c’est le projet que Jozef Sikela a présenté pour être nommé commissaire aux partenariats internationaux! Il est évident qu’avec l’approche que Sikela a sur le Rwanda, la RDC n’aura que du menu fretin! La verve, le brio, la perspicacité de Patrick Muyaya doivent être mis à contribution pour que les rapports des Nations unies sur la présence des RDF, forces rwandaises dans des zones minières, dans l’est congolais, aux côtés des terroristes du M23 et la bande de Corneille Naanga soit officiellement portée à la connaissance des 27, avant le 21 novembre quand la conférence des présidents des groupes politiques sous la direction de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, ne procède à l’évaluation finale des auditions de 26 et les lettres d’évaluation seront publiées. L’élection par les députés de l’ensemble du collège des commissaires est prévue lors de la session plénière du 25 au 28 novembre à Strasbourg, en France.
Banquier, homme d’affaires tchèque fourre-tout, évoluant dans les mines, notamment aux USA, Jozef Sikela a relié ses affaires avec la politique, en 2021 quand il est nommé ministre de l’Industrie et du Commerce. Sur la RDC, il a notamment été cité déjà du temps de la CNS, en 1992, sur la crise au sein des FAZ, puis dans la débâcle de la Belgolaise, ainsi que dans la collection frauduleuse des arts congolais. En 2016, des médias italiens ont repéré ses traces au Rwanda où Kagame venait de prendre le pouvoir au terme d’un bain de sang intercommunautaire. Sur la toile, l’armée numérique de Kigali déverse non seulement des espiègleries sur l’eurodéputé qui a posé des questions sur la RDC, soutenant qu’il “a été payé par Tshisekedi” mais aussi des salves de propos ostrogoths sur les autorités de la RDC.