Le cancer des marchés de gré à gré, la budgétisation non exhaustive, la corruption et les détournements, de l’irréalisme et non-crédibilité du budget aux dépassements irrationnels en passant par l’absence d’un plan de développement; la gestion de la chose publique par l’administration Tshisekedi, partant de l’exercice 2022, crie gâchis, selon l’Observatoire de la dépense publique (ODEP). Et l’horizon 2025 ne donne guère des signaux avant-coureurs rassurants.
L’immeuble du gouvernement sur le boulevard du 30 juin @Photo Droits tiers.
Dans sa récente étude sur la situation budgétaire de la RDC entre 2022 et 2025, l’ODEP se base sur les statistiques de la chaîne informatisée de la dépense publique et des administrations financières, en lien avec le Plan de trésorerie du secteur public et intègre également les statistiques des budgets annexes et des comptes spéciaux, note le PCA de l’Ong, le professeur Florimond Muteba.
Cette étude se structure autour des cinq points, à savoir; le contexte d’élaboration et la structure des lois de finances de 2022 à 2025, l’exécution des lois de finances de 2022 à fin juin 2024, la configuration du budget des secteurs sociaux de base de 2022 à 2025, l’observation de la Cour des comptes sur la reddition des comptes 2023 ainsi que les recommandations et réformes proposées par l’ODEP.
Depuis 2019, la République démocratique du Congo connaît un changement au
sommet de l’Etat avec l’avènement d’un nouveau président de la République issu des élections controversées tenues en décembre 2018, rappelle l’organisation dès l’exorde. D’aucuns diraient, d’entrée de jeu, que cette étude exhale la senteur de l’opposition. L’ODEP poursuit que pour gérer le pays, un accord avait été conclu entre le président sortant et l’actuel président pour une gestion commune de l’Etat. Au bout de deux ans, le président actuel a jugé que ledit accord ne lui permettait pas de mettre en application les politiques publiques conformes à sa vision de développement du pays.
Au mois de décembre 2020, le président de la République a mis fin à cet accord, lit-on dans l’étude de l’ODEP. “L’objectif principal était de se débarrasser des pesanteurs de l’ancien régime”, d’acquérir une nouvelle majorité et ainsi avoir les mains mises libres pour asseoir le Plan d’actions du gouvernement (PAG) basé essentiellement sur la lutte contre la pauvreté, l’amélioration du social de la population, la fin de la guerre dans l’est du pays, la restauration de l’autorité de l’Etat, la relance de l’économie du pays et la lutte contre la corruption.
De manière générale, note l‘ODEP, la société civile depuis 2014 jusqu’aujourd’hui a relevé les faiblesses globales dans la gouvernance budgétaire. “Depuis 2023, les lois de finances 2024 et aujourd’hui 2025, ainsi que le cadre des dépenses à moyen terme sont élaborés sans le Plan national stratégique de développement (PNSD)”, note Florimond Muteba. Et de renchérir, “le pays navigue à vue, sans boussole!”.
– Une budgétisation non exhaustive –
Les délais accordés aux ministères techniques pour la présentation de leurs propositions restent toujours trop courts, des dépenses irrationnelles! “Entre 2017 et 2019 par exemple, les dépenses courantes qui représentaient 66,4% du budget ont été exécutées à 91% tandis que les dépenses en capital qui représentent en prévision 33,6% du budget n’ont été exécutées qu’à 9%”, soutient l’étude de l’organisation. Qui poursuit que l’administration Tshisekedi a versé dans “une budgétisation déconnectée des politiques publiques : le processus de programmation/budgétisation souffre d’un manque d’ancrage du Cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) et d’un Plan national stratégique de développement (PNSD)”.
La gouvernance Tshisekedi, c’est aussi “une budgétisation déconnectée de la lutte contre la pauvreté, il revient d’après les différentes revues des Objectifs millénaires pour le développement (OMD) et Objectifs de développement durable (ODD) retenus dans les quatre piliers de PNSD que très peu de ces objectifs ont pu être atteints”, déplore l’ODEP. En rapport avec le New Deal, la principale leçon tirée est celle d’une budgétisation désarticulée ne permettant pas une convergence des efforts ni des actions et programmes vers la résolution de la fragilité et la marche vers la résilience, s’offusque l’Observatoire.
Autres couacs du régime Tshisekedi, le non-respect de la procédure d’encaissement et de décaissement des fonds, selon les chaînes des recettes et des dépenses. L’organisation note également le dépassement des allocations budgétaires des institutions et ministères de souveraineté, au détriment des ministères à caractère social et économique ou encore le trop plein de régimes fiscaux spéciaux (exonérations, taux particuliers, exemptions, etc.) appliqués aux personnes physiques et morales. “Ce qui influe négativement sur le niveau de mobilisation des recettes publiques!”, constate Florimond Muteba. Qui ajoute que “le déficit de suivi et de contrôle par le Parlement, l’Inspection générale des finances (et la Cour des comptes, dans l’exécution du budget), la disparité entre les données de la Direction générale de reddition des comptes (DGRC) et les états de suivi budgétaire produits et publiés par le ministre du Budget!”.
L’étude de l’ODEP rappelle qu‘au 31 janvier 2023, la situation de nos finances publiques est très préoccupante, avec un déficit budgétaire de 491 milliards de francs congolais. Une gouvernance budgétaire assise sur de telles faiblesses n’a permis ni de créer des richesses ni d’améliorer les conditions sociales de la population, et encore moins d’être susceptible de rendre effective la décentralisation, telle que prévu par la Constitution. Elle place difficilement le pays sur la voie vers l’émergence.
– Un gouvernement bis à la présidence –
Ce bilan largement négatif ne peut pas être mis totalement sur le dos du gouvernement. Il est partagé avec le gouvernement bis de la présidence de la République, déplore l’Odep. L’Ong revient sur l’énigmatique question du personnel à la présidence : un directeur de cabinet, trois adjoints, 17 conseillers principaux à la tête de 17 collèges de conseillers, des conseillers spéciaux, des conseillers privés tous ayant rang de ministres et assumant des tâches propres aux ministères sectoriels du gouvernement.
L’Odep déclare urbi et orbi que “Sama Lukonde et Mme Judith Suminwa sont des Premiers ministres faibles et affaiblis entre autre par ce gouvernement qui fonctionne comme s’il était dans un régime présidentiel alors que notre Constitution a instauré en RDC un régime à la française semi-présidentiel”. Cette pagaille, ce dysfonctionnement institutionnel ne laisse pas les Premiers ministres assumer les pouvoirs que leur donne la Constitution, conclut l’Odep qui estime qu’il faut mettre fin à ce système.