Le franc rwandais continue de se dévaluer face au dollar depuis début 2024 suite au déficit commercial persistant, a indiqué, le 25 septembre dernier, le gouverneur de la National Bank of Rwanda, John Rwangombwa. Quelques semaines plus tôt, le ministre rwandais des Finances, Uzziel Ndagijimana, a annoncé, lors de la présentation du budget de l’État que le Rwanda allait procéder aux emprunts de 4,43 milliards de dollars et devrait également compter sur 725,3 milliards de francs des dons extérieurs. Mais l’argentier national rwandais a été pitoyablement évasif sur la question de la nature d’emprunts que Kigali va devoir contracter entre 2024 et 2025.
Le franc rwandais dégringole de jour en jour @Photo Droits tiers.
La prestation du ministre des Finances aurait visiblement déplu au président Paul Kagamé qui a, quelques jours après, éjecté Uzziel Ndagijimana de son poste et nommé Yusuf Murangwa en remplacement. Le Rwanda va de mal…en pis. L’étau de l’État de siège dans la province du Nord Kivu a un effet tsunami outre-lac.
Le départ des partenaires émiratis de Primera gold a effet de coup de grisou sur les exportations de l’or au pays de Paul Kagame. Ces deux dernières années, les Emirats arabes unis sont devenus le premier acheteur de l’or rwandais qui a représenté 30% des exportations. Quand au côté congolais, la joint-venture Primera Gold a plutôt accusé une baisse considérable de ses exportations depuis octobre 2023 au point de susciter des doutes dans le chef du groupe d’experts de l’ONU sur la RDC.
Dans son rapport publié en mai 2024, le groupe d’experts renseigne que de mai à octobre 2023, la société Primera Gold DRC a exporté en moyenne 500 kg par mois, alors qu’en mars 2024, elle n’en a exporté que 164. La société Primera offrait, en effet, un prix inférieur à celui du marché noir ou aux prix proposés par les négociants rwandais.
Les experts onusiens soutiennent que les acteurs du commerce de l’or ont donc choisi d’exporter de l’or en contrebande vers notamment le Rwanda “d’où la baisse des exportations de la société Primera”, explique le groupe d’experts de l’ONU. La RDC fait donc affaire avec des investisseurs émiratis pro-Rwanda, à savoir Primera Group et AuricHub, fait comprendre le groupe d’experts de l’ONU. La société AuricHub a vendu de l’or importé de la République démocratique du Congo à la fois aux clients étrangers et au marché des Émirats arabes unis. Le rapport poursuit que le négociant d’or Sibtein Alibhai entretenait des liens économiques avec Raza Saqlain Bhai, un acteur économique basé à Kigali. Au nom d’Alibhai, Saqlain Bhai a facilité le transport de l’or congolais de Kigali à Dubaï. Ce n’est donc plus que du jadis. Et Kigali devrait en ressentir le coup.
Pour l’exercice budgétaire 2024, le Fonds monétaire prévoit, dans le meilleur des cas, un déficit public de −6,8% du PIB. Ce qui fait douter les experts sur les allégations de Kigali selon lesquelles son déficit n’était que de −7,3% du PIB en 2023. Un minimum de -10,6% serait proche de la réalité de la santé économique et financière du Rwanda. Nul doute, la facture de l’aventure militaire dans l’est sous le couvert du M23 et AFC commence à éroder le porte-monnaie de Paul Kagame qui, pour mieux se camoufler, ne peut utiliser que des fonds domestiques.
Kigali se justifie pourtant en étalant des exonérations fiscales et subventions post-pandémie encore en vigueur qui empêchent une résorption plus rapide du déficit. Et selon le FMI, en 2024, le ratio dette/PIB atteindrait un pic à 78% du PIB, en raison de la persistance d’un déficit public élevé et de la poursuite de la dépréciation du change. À ce jour, pour 1 dollar américain, il faut au moins 1 361,19002 RWF contre 996,01594 en mai 2021 quand l’État de siège a été décrété au Nord Kivu et en Ituri.
La DGDA avait dénombré au moins 22 sentiers à travers lesquels s’effectuent des trafics illicites de divers produits entre les provinces du Nord Kivu et de l’Ituri et le Rwanda et l’Ouganda. Ces routes de la contrebande sont de véritables hydres, elles se multiplient autant qu’on les barricade. Mais le général-major Peter Cirimwami et son prédécesseur Constant Ndima ont su mettre en place un dispositif dissuasif sur la lisière du Nord-Kivu, sous contrôle des forces loyalistes, autant que le lieutenant général Johnny Luboya Nkashama en l’Ituri. Les conséquences de cette stratégie sont perceptibles de l’autre côté de la frontière. La RDC n’est plus cette vache laitière que l’on peut traire avec insouciance. Pour le FMI, même en 2025, le déficit public au Rwanda sera encore au moins de −5,3% du PIB. Et, quand Kinshasa continue de prendre en charge la fiscalité pétrolière pour ne pas enflammer les prix du carburant, Kigali compte par contre, selon le Fonds monétaire, augmenter ces recettes en lien avec la hausse de la taxe sur les carburants et frais d’immatriculation des véhicules importés… L’administration Kagame a décidé de revoir également à la hausse les droits d’accise sur le tabac, la bière et les services informatiques ainsi que d’imposer la TVA sur certains produits tels que les téléphones portables et certains équipements de télécommunication.
Par ailleurs, la dette publique du Rwanda est en progression continue depuis fin 2021, quand sans doute la mesure de l’État de siège prise par Félix Tshisekedi a commencé à porter ses premières graines. Est-ce par faute d’informations sur les effets de l’État de siège sur le Rwanda ou par la boulimie du pouvoir qu’une certaine classe politique nord-kivutienne proclame nulle la gouvernance militaire de la province ?, s’est interrogé un activiste pro-démocratie. Les députés nationaux du Nord-Kivu ont même refusé de participer au vote de la loi sur la prorogation de l’État de siège. La réalité est que la gestion de la Grande muette a bouché des circuits d’intérêts personnels dans la province que seul un pouvoir civil, politicien peut raviver. D’aucuns supputent même que le grand banditisme en recrudescence dans certaines grandes agglomérations de la province pourrait bien être à l’initiative des opérateurs mafieux très frustrés par cette mesure gouvernementale.