“Il faut passer à la quatrième République”. Atundu croit bien dire et se faire entendre. Le néo-tshisekediste, ex-chantre des régimes Mobutu et Kabila, ne s’est pas gêné de se prononcer sur un vieux débat lié au changement de la Constitution que lui et certains flatteurs au profil propagandiste, n’hésitent pas à pousser chaque fois qu’un régime se trouve au crépuscule. Le temps choisi n’est pas anodin. Mais la pratique date de la deuxième République et semble malheureusement se pérenniser.
Le président Félix Tshisekedi et ses homologues Emmanuel Macron de la France et Paul Kagame du Rwanda @Photo Droits tiers.
Son dernier passage sur Top Congo a déçu. Atundu Liongo a perdu ses repères. Après avoir tourné le dos à Kabila qu’il a défendu avec hargne, le nouveau soutien de Tshisekedi se bat désormais pour offrir à son actuel maître la présidence à vie. Rien de nouveau : Atundu l’avait fait avec ses prédécesseurs Mobutu et Kabila avant de les abandonner au dernier virage de leur pouvoir, se moque un de ses anciens camarades qui maîtrise bien ses méthodes. Il avance des idées saugrenues pour se faire désirer, rie sous cap un membre influent du bloc anti-révision constitutionnelle. Un ancien mobutiste se rappelle du même Atundu retroussant les manches pour défendre le glissement de Kabila, oubliant que six ans après, il tournera casaque. Cette posture est dangereuse en démocratie où l’idéal vient après le ventre, dit-il.
– Septennat pour plonger dans la quatrième République –
En plateau de Top 7, Atundu a agacé les auditeurs avec ses incohérences. Là où la population constate un échec patent du régime, lui voit blanc, cogne un cadre Lamuka, opposé à toute modification de la loi fondamentale. L’ex-PCA de la SNEL estime qu’il faut passer à la quatrième République en déverrouillant les interdits de la Constitution actuelle. 7 ans, 20 ans, peu importe pour lui, il faut donner le temps suffisant à un chef de l’État pour réaliser son projet. “Cinq ans semblent peu”, croit l’ancien porte-parole du pouvoir de Kabila. A l’entendre parler, il faut une éternité pour les dirigeants élus, seule façon de les faciliter à réussir leurs programmes politiques. Un déni pour la démocratie, assène Katoka, un activiste pro-démocratie. Le militant s’apprête à retourner dans la rue pour défier les tenants de telles thèses décousues.
Droit dans ses bottes, Atundu Liongo ne recule pas. Il est d’avis que le mimétisme constitutionnel occidental est la pire copie de l’histoire qu’il faut effacer. “Pourquoi il y a des articles intangibles”, s’est-il interrogé, refusant d’admettre qu’il y ait des dispositions constitutionnelles qui ne tiennent pas compte de l’évolution de la société congolaise. Tout doit tenir compte de la psychologie des gouvernants. Faux débat, a répliqué un cadre Ensemble qui soutient que la durée du mandat présidentiel est un prétexte fallacieux que tente de justifier le régime pour légitimer son putsch constitutionnel déjà en gestation. De son point de vue, cinq ans suffisent pour un président de poser les jalons de son programme, avant de se soumettre au second vote du souverain primaire pour négocier un deuxième et dernier mandat. Évoquer aveuglément un changement de la Constitution pour sauvegarder un fauteuil présidentiel est un risque qu’on fait courir au pays plongé depuis deux ans dans une guerre d’agression. L’instabilité politique, dit-il, réconfortera les ennemis du Congo qui peinent à soutenir leur complot à l’international.
– Kabuya revient à la charge –
Devant ses militants réunis tout récemment à la permanence du parti, le SG de l’Udps, dans un langage aussi évasif que loufoque, embraie presque dans le même sens qu’Atundu. Il considère que Tshisekedi a été bloqué par la Constitution qui lui a bouffé plus de six mois, avant de se mettre à fond dans son deuxième mandat. “Sur papier, le président de la République a 5 ans, mais en pratique c’est 3 ans (…) on doit revoir ces dispositions”, tranche Kabuya. Le chef intérimaire du parti présidentiel penserait trouver le bon prétexte pour réviser la Constitution.
“On l’appelle garant de la nation, mais il est bloqué par la Constitution”, hurle-t-il. Et d’ajouter : “En réalité, le président ne travaille que pour trois ans. “Où est le problème si l’on parle de ce sujet ?”, s’est-il interrogé, avant de dévoiler sa décision : “J’ai décidé de défendre le chef de l’État et de ne plus m’attarder aux critiques formulées contre moi pour vous distraire”.
A l’Ecidé, le secrétaire général, Devos Kitoko a bondi, rejetant en bloc les arguments de pro-changement constitutionnel. “Félix Tshisekedi doit d’abord nous rendre l’intégrité territoriale qu’il a héritée de Joseph Kabila”.
En réponse à Kabuya, le ténor de la coalition Lamuka invite le président de la République à récupérer prioritairement les zones sous occupation rwandaise. L’opposant soutient que la révision constitutionnelle est un schéma pour permettre à Félix Tshisekedi de s’éterniser “malhonnêtement” au pouvoir.
Nous avons toujours fait remarquer que nos amis sont ivres du lait. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent concrètement. Le pays est occupé dans sa partie Est. Pendant ce temps, les amis pensent à s’éterniser au pouvoir, a dénoncé Devos Kitoko, qui promet de faire échec à ce plan machiavélique.
– L’Envol de Sesanga opposé à la retouche des articles intangibles –
L’Envol avait rappelé avec fermeté, dans une déclaration le 13 mai 2024, que la Constitution n’est pas responsable des crises persistantes, ni des dérives politiques et économiques. “Elle n’a pas créé les obstacles à la paix dans l’est du pays, ni légitimé la corruption ou la fraude électorale”, prévenait le parti de l’opposition.
En clair, la direction du parti de Sesanga estime que la Constitution ne saurait être tenue pour responsable des dysfonctionnements institutionnels qui minent la démocratie congolaise. “Ce n’est pas la Constitution qui empêche la conquête de la paix dans l’est, où les institutions sont sous l’état de siège depuis le mois de mai 2021; ce n’est pas la Constitution qui a établi non plus que la rétrocommission soit légale, faisant du détournement des deniers publics le modèle ordinaire de la gestion de l’État; ce n’est pas la Constitution qui a organisé le RAM; ce n’est pas la Constitution qui a institué la fraude électorale comme moyen d’accession au pouvoir; ce n’est pas la Constitution qui empêche le respect du principe de la séparation des pouvoirs d’Etat ; ce n’est pas enfin la Constitution qui éloigne le commandant suprême du pays pourtant en guerre”.
Pour Delly Sesanga, le véritable besoin du Congo réside dans un changement de cap radical dans la gestion des affaires nationales. “Ce n’est pas une nouvelle Constitution qui apportera la solution, mais un leadership responsable, guidé par le sens du devoir envers la nation et conscient de son histoire”.
L’opposant antisystème a invité déjà les Congolais et les forces vives à rester éveillés et prêts à agir contre toute initiative contraire à l’intérêt national. A ses yeux, il s’agit de défendre le pacte républicain et de rejeter toute tentative visant à manipuler la justice à des fins politiques. A haute voix, l’Envol met en garde contre les dangers d’un changement constitutionnel précipité, qui risquerait de perpétuer les antivaleurs et de compromettre l’avenir démocratique du pays.
En mai dernier face à la diaspora à Bruxelles, le président Félix Tshisekedi avait annoncé la mise en place d’une commission interdisciplinaire pour réfléchir sur la révision de certains articles de la Constitution qui bloqueraient le bon fonctionnement des institutions. Dans son argumentaire, il avait évoqué le retard pris dans la mise en place des institutions après les élections, sans citer expressément les dispositions intangibles de la Constitution qui verrouillent le nombre des mandats.