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Changer ou réviser : le dilemme de Tshisekedi

A Kisangani où il a jeté le pavé dans la mare sur ses intentions de réformer la Constitution, le président Félix Tshisekedi est resté cependant évasif. Tantôt, il parle de la révision constitutionnelle, tantôt de soumettre la question des articles intangibles à la décision du peuple souverain, dont le “oui” à un quelconque référendum conduirait au changement de la Constitution. En d’autres termes, le déverrouillage des articles intangibles est le chemin qui mène à la présidence à vie ou à une rallonge de son mandat deux fois, s’il est encore élu. Le Togo de Faure Gnassingbé l’a fait, le Rwanda de Paul Kagame aussi et surtout la Russie de Vladimir Poutine. A se demander si le Congo-Kinshasa ne vire pas lentement et sûrement vers un régime autocratique.

Par Landry Amisi

La Constitution de 2006 avait mobilisé le peuple lors du référendum @Photo Droits tiers.

publié le 25 octobre 2024 à 06:00:00

Tout est désormais clair. La parole du chef a fixé l’opinion. La Constitution sera retouchée ou carrément changée, faute d’intégrer les réalités congolaises. D’ailleurs, le président de la République a accusé les législateurs de l’époque d’avoir fait le lit de l’étranger. Pour lui, l’actuelle loi fondamentale, caricature de l’étranger et conçue par les étrangers, ne reflète pas les réalités locales. D’où, il faut la réviser ou la changer carrément. “Notre Constitution n’est pas bonne, elle a été élaborée à l’étranger et par des étrangers”, a dénoncé Tshisekedi lors d’un meeting à la place de la Poste, au cœur de Kisangani, le chef-lieu de la province de la Tshopo (nord-est).

Devant une foule immense, le président congolais a promis de mettre en place dès l’année prochaine une commission chargée d’élaborer une “Constitution adaptée aux réalités” de la République démocratique du Congo (RDC). “Notre Constitution doit être élaborée sur la base de nos habitudes, en tant que peuple congolais”, a-t-il expliqué. Il a précisé que “cette Constitution ne va plus handicaper le fonctionnement du pays”.

Seulement, le chef, accusé de vouloir s’éterniser au pouvoir, évite malignement d’évoquer son maintien à la fin de son deuxième mandat constitutionnel. Dans ses dires, on le sent se réfugier derrière la volonté du peuple. Une manière de dire que si le peuple dit “oui” au référendum, il va s’incliner. “Personne n’est dupe”, s’égosille un activiste de la société civile. Avec la Ceni-Kadima, dit-il, le pouvoir dictera sa volonté. Pas surprenant de voir Tshisekedi rester à vie comme l’a toujours clamé son parti, hurle-t-il. En RDC, un changement de la Constitution doit être approuvé par référendum ou par le vote favorable des 3/5e du Parlement.

Depuis un temps, Tshisekedi, 61 ans, ne cesse de décrier cette constitution qu’il juge “dépassée” et le besoin de faire des “réformes”. Mais attention, l’opposition le met déjà en garde contre toute tentative de s’accrocher au pouvoir en torpillant la Constitution de 2006. D’ailleurs, les propos du président sur l’élaboration de cette nouvelle constitution n’ont pas suscité de grands applaudissements du public, contrairement à l’appel à l’unité entre deux communautés rivales (Mbole et Lengole), évoqué quelques instants plus tôt.

– Katumbi vent debout contre tout changement de la Constitution –

A haute voix, Moïse Katumbi a désapprouvé la démarche du président Tshisekedi et de son parti qui, selon lui, foncent vers un crash. A ses yeux, M. Tshisekedi a trahi le peuple en qualifiant la Constitution du 18 février « des étrangers ».

Au micro d’actualité.cd, le chef de file de l’opposition a été trop tranchant. « La Constitution ne changera pas. Elle a été approuvée par le peuple, et aujourd’hui, Félix Tshisekedi traite ce peuple comme des étrangers ? Ça ne m’étonne pas. Je crois que Félix Tshisekedi n’était pas prêt à diriger la RDC», rappelant que prétendre changer la Constitution aujourd’hui, c’est une « utopie ».

Et d’ajouter qu’« après six ans au pouvoir, Tshisekedi n’est toujours pas prêt à diriger la RDC, et même si on lui laissait 30 ou 40 ans au pouvoir, il ne serait toujours pas prêt. Il n’y aura pas de changement de la Constitution, c’est de l’utopie. Le problème du Congo, c’est la mauvaise gouvernance, ce n’est pas la Constitution. Voyez-vous pourquoi le pouvoir s’acharne sur les opposants et toute autre voix discordante ? Félix Tshisekedi vient de commettre ce qu’on appelle trahison. Il a menti au peuple et il a trahi la confiance du peuple », a rallé le leader d’Ensemble.

– Lamuka rejette le schéma Tshisekedi –

A la coalition Lamuka, l’un des ténors, Prince Epenge, a fustigé le coup de force de l’Udps. « Après avoir suivi Félix Tshisekedi à Kisangani, je confirme qu’il est devenu un danger pour notre pays ». Le radical opposant rappelle que « (…) la Constitution qu’il tente péniblement de vilipender, a cimenté l’unité du pays par voie référendaire. D’ailleurs, son père Étienne Tshisekedi, docteur en droit, « avait prêté serment avec la même Constitution ».

Epenge prévient que « Félix Tshisekedi assumera jusqu’au bout les conséquences désastreuses de son aventure ». Le proche collaborateur de Fayulu évoque la vidéo où Félix Tshisekedi, dans sa casquette d’opposant, avait déclaré que le problème du Congo, « ce n’est pas la Constitution ».

Pour sa part, la direction d’Envol avertit que la Constitution ne saurait être tenue pour responsable des dysfonctionnements institutionnels qui minent la démocratie congolaise. “Ce n’est pas la Constitution qui empêche la conquête de la paix dans l’est, où les institutions sont sous l’état de siège depuis le mois de mai 2021; ce n’est pas la Constitution qui a établi non plus que la rétrocommission soit légale, faisant du détournement des deniers publics le modèle ordinaire de la gestion de l’État; ce n’est pas la Constitution qui a organisé le RAM; ce n’est pas la Constitution qui a institué la fraude électorale comme moyen d’accession au pouvoir; ce n’est pas la Constitution qui empêche le respect du principe de la séparation des pouvoirs d’Etat ; ce n’est pas enfin la Constitution qui éloigne le commandant suprême du pays pourtant en guerre”.

– La société civile opposée au changement de la Constitution –

Des voix s’élèvent également au sein de la société civile pour dire non à toute révision de la Constitution. La Nouvelle société civile congolaise considère que le projet du chef de l’Etat pour la rédaction d’une nouvelle Constitution est inopportun pour le pays. Pour son coordonnateur, Jonas Tshiombela, le pays vit sous l’état de siège, ce qui ne permet pas de changer ou modifier la loi fondamentale.

Même ton utilisé par Bienvenu Matumo, le célèbre militant du mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA). D’après lui, prolonger le mandat au-delà de 2028, risque de provoquer des tensions sociales et politiques, avec comme conséquences : l’instabilité institutionnelle du pays. Le militant pro-démocratie accuse Félix Tshisekedi de se détourner de véritables préoccupations des Congolais pour chercher à se maintenir au pouvoir, accumuler et accaparer des richesses. « En clair, la situation du Congolais ne s’améliorera pas. Elle va connaître une dégradation croissante. », lâche Matumo qui exhorte les Congolais à se mobiliser pacifiquement contre cette initiative « maléfique », afin de protéger la Constitution de 2006, considérée comme un acquis historique et précieux obtenu par le peuple dans le sang et la douleur.

Adoptée en 2006 par référendum, la Constitution congolaise avait été révisée en 2011 par les parlementaires qui n’ont pas touché aux articles dits “verrouillés”, dont l’un stipulant que le président est élu pour “un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.” Pour modifier cette disposition, “il revient au peuple de le décider et non au président de la République”, a insisté mercredi Félix Tshisekedi.

La révision de 2011 avait, en revanche, porté le scrutin universel à un tour au lieu de deux. En janvier 2015, des manifestations avaient éclaté notamment dans la capitale Kinshasa et Goma (est), pour protester contre une loi électorale susceptible de permettre à l’ex-président Joseph Kabila (2001-2019) de se maintenir au pouvoir au-delà de deux mandats. Sous pression, Kabila ne s’était pas présenté à la présidentielle de 2018 tenue dans un climat tendu.

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