Avis de tempête sur différents conseils d’administration des entreprises et établissements publics. PCA, DG, DGA sont sur le départ… Irrémédiablement. La Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, va, personnellement, assurer la coordination de la mise en place des portrait-robot de nouveaux mandataires d’État. Ainsi en a décidé la réunion du Conseil des ministres du vendredi 30 août 2024. La Régie des voies aériennes (RVA SA) va servir de cobaye, selon des sources au Conseil supérieur du Portefeuille (CSP).
La nouvelle mise en place dans les entreprises et établissements publics fait, en effet , suite aux instructions du président Félix-Antoine Tshisekedi, lors de la deuxième réunion ordinaire du Conseil des ministres tenue le 21 juin 2024. Tshisekedi avait, en effet, insisté sur la nécessité d’organiser, à court terme, les états généraux des entreprises du portefeuille de l’État.
Si quelques experts estiment que les états généraux du Portefeuille recommandés par le chef de l’État risquent d’empiéter sur les prérogatives du CSP ou encore du Copirep, le ministre de tutelle, Jean-Lucien Bussa soutient cependant l’option levée par le chef de l’État au motif que les futures assises auront pour objectif de poser le diagnostic de chacune d’elles et de proposer des plans de redressement avec des objectifs précis et clairs.
La réunion du gouvernement du 30 août dernier a, en effet, établi que les entreprises du portefeuille, y compris les établissements et services publics, devraient être la colonne vertébrale de l’activité économique et industrielle de la RDC. Il sied, en effet , de rappeler que la raison fondamentale de la réforme des entreprises du Portefeuille lancée en 2008 était qu’elles rapportent au moins 5 milliards de dollars l’an au Trésor. Hélas, plus de 15 ans plus tard, l’on est encore très loin du compte.
Félix Tshisekedi a ainsi chargé le ministre du Portefeuille ainsi que les ministres sectoriels concernés, de se pencher sur la question et de proposer, dans un bref délai, des solutions appropriées. La mutation attendue à la tête des entreprises et établissements publics se pose donc en terme d’urgence et pourrait précéder les états généraux du Portefeuille.
– La RVA en ligne de mire –
Entreprise de classe A, dont les recettes titillent les 60 millions de dollars l’an, la RVA déçoit. L’affaire de marché de fourniture de chariots à bagages a fait scandale au point que le 2 août dernier, le régulateur des marchés publics a dû suspendre la procédure de conclusion dudit marché suite à la contestation d’une des soumissionnaires. Même si le régulateur dont question a, par la suite, levé, de manière scandaleuse, sa mesure de suspension, le 26 août dernier, sous prétexte de forclusion dans le dépôt du recours, des questions essentielles et des zones d’ombre demeurent et mettent tout le conseil d’administration de la RVA en ballotage très défavorable pour une reconduction, selon un cadre du CSP.
Nommé DG en remplacement d’Abdallah Bilenge, condamné à 20 ans de prison le 9 janvier de la même année, Shungu Mahungu Alphonse, même s’il lui est reproché d’avoir signé 9 contrats avec différentes firmes totalisant 62,7 millions $US dans l’illégalité et l’irrégularité totale, avait quand même engagé en bonne et due forme la RVA dans un marché d’acquisition des chariots à bagages (contrat RVA/DG/CGPMP/D/1246/2023) avant son éviction le 12 décembre 2023 suivie de l’interdiction de quitter le pays. Et ce, après de longs mois d’estocades avec son PCA, Tryphon Kin-kiey Mulumba, nommé le 8 juillet 2023. Mai 2024, le nouveau DG, Léonard Ngoma Mbaki, qui n’était que chef de bureau à la division de la Comptabilité avant sa nomination mi-décembre 2023, se pavane à l’aéroport international de N’Djili , devant des chariots à bagages. Une cérémonie en pompe est organisée à l’occasion. « Les 125 chariots acquis seront affectés à l’aérogare modulaire où s’effectuent les départs et les arrivées internationaux, tandis que les anciens sont destinés à la partie des vols domestiques ». Et d’ajouter que ces 125 chariots constituaient le premier lot d’une commande totale de 3.000 chariots attendus dans 60 et 90 jours dont 2.000 pour l’aéroport de Kinshasa et 1.000 pour les aéroports de l’arrière-pays. En 5 mois de gestion, même de gré à gré, Léonard Ngoma Mbaki ne pouvait nullement obtenir une telle commande. Vendredi 23 août dernier, lors d’une visite à l’aéroport de N’djili, le PCA Kin-kiey Mulumba confiera qu’“aujourd’hui, on a quelques 200 chariots, et 3000 autres chariots sont en route depuis un certain temps, ils sont au port de Matadi”. Il saute clairement aux yeux que les chariots dont se vantent le conseil d’administration de la RVA, DG et PCA, sont ceux commandés par l’ancien DG. Et il en reste 2800 autres selon le PCA Kin-kiey, sinon 2875 d’après le DG Ngoma Mbaki.
– MÉDIACONGO, LE PHARE, APA cités comme témoins à décharge –
D’où vient donc cette nécessité exprimée par le DG Ngoma Mbaki en intelligence avec le conseil d’administration pour effectuer une nouvelle commande des chariots dont le nombre n’a point été précisé dans l’appel d’offres (DAOI n°RVA/ DG/CGPMP/1386/2024)? Le respect de la procédure de passation des marchés publics ne suffit pas pour en justifier l’opportunité. En plus de l’IGF pour mener des investigations sur les malversations financières ou la concussion, il y a aussi l’APLC, la Cenaref, etc., Constant Mutamba!
La RVA soutient que ce marché a toutefois obtenu I’avis de non-objection de la Direction générale du contrôle des marchés publics (DGCMP) depuis le 10 mai 2024 sur le DAOI et ANO sur le plan de passation des marchés en date du 19 avril 2024 et avis d’appel d’offres (AAOI n’° RVA/DG/CGPMP/D/ 1386/2023) a été publié par les médias locaux dont Le Phare, APA et la plateforme Congomedia entre le 25 et le 28 mai 2024. Le Service Desk Ecofin d’Ouragan.cd a procédé à une vérification. Sur le site de Mediacongo, l’appel d’offres de la RVA publié ces deux dernières années date du 1er juin 2023, donc du temps du DG Shungu, celui-là même que Kin Kiey accusait de verser des irrégularités.
Il y a lieu de s’interroger si le Comité règlement des différends (CDR) au sein de l’Autorité de régulation des marchés publics a réellement investigué sur les données fournies par la RVA sont exactes avant de lever la suspension du second marché des chariots à bagages.
– N’djili aéro, le capharnaüm –
Par ailleurs, PCA et DG de la RVA ont indiqué que les nouveaux chariots sont affectés à l’aérogare modulaire de l’aéroport international de N’djili en vue de mettre fin au désordre car des tierces personnes, qui ne sont nullement des voyageurs, mais confisquent les chariots et les font payer aux passagers. Le désordre a pourtant encore de bons longs jours à l’aéroport de N’djili, la vitrine et la principale porte d’entrée de la RDC, pour reprendre les termes de Kin-kiey Mulumba.
Qu’a-t-on fait des recettes de go-pass voilà 15 ans déjà, se questionne Jean-Claude Eale. Une vaste escroquerie. La semaine passée, photos à l’appui, un certain Ben Kab alertait, “les climatiseurs de l’aéroport de N’djili ne fonctionnent plus dans les compartiments des vols nationaux et internationaux. Certains passagers (…) suffoquant”.
En tout cas, le ministre du Portefeuille est déterminé à prendre les taureaux par les cornes. Le gouvernement a, en effet, adopté le dossier lié au profil des mandataires publics, après sa présentation par le ministre du Portefeuille, Jean-Lucien Bussa Tongba, lors de la onzième réunion du Conseil des ministres tenue vendredi 30 août 2024. Dans son argumentaire, le ministre a rappelé qu’il est indispensable que les mandataires publics disposent de compétences particulières et spécifiques afin d’assumer avec professionnalisme et discernement les fonctions qui leur sont confiées. « Évoquant les critères d’ordre général, conformes aux dispositions de la Loi n°08/10 du 07 juillet 2008 fixant les règles relatives à l’organisation et à la gestion du portefeuille de l’État, le ministre du Portefeuille a cité, respectivement : les qualifications académiques, l’esprit stratégique, les valeurs morales et éthiques, l’expérience en finances et audit, la connaissance des lois et de la gouvernance d’entreprise, l’ouverture internationale et l’expérience professionnelle », a-t-il expliqué. Pas si sûr que l’équipe dirigeante actuelle de la RVA réponde à l’un ou l’autre de ces critères.