Lithium de Manono, l’État court-circuité par le groupe chinois Zijin
Quand, par ce temps de la ruée mondiale sur le lithium, tout un gouvernement se fait zapper sur une question hautement stratégique par une firme chinoise. Cela ne serait jamais arrivé si les avis et alertes de l’IGF avaient été pris en considération.
Par Pold Levi Maweja
Une mine de Lithium à Manono dans la province du Tanganyika @Photo Droits tiers.
publié le 27 septembre 2024 à 05:10:00
Fin mars 2022, le gendarme des finances publiques, Jules Alingete n’a-t-il pas envoyé au gouvernement tout un chapelet d’anomalies sur l’actionnariat et le contrôle de Dathcom mining SAS, camouflé dans l’Australien AVZ, puis le dossier du chinois Zijin qui a leurré l’État en connivence avec certains Congolais “haut placés”, et ce, en violation des lois de la République! Hélas, la Cenaref s’en est mêlée… Et dans cette confusion, quelqu’un s’en tire avec 70 millions $US. Le pire est à craindre quand deux super-puissances menacent de se rentrer dedans dans une région crève-misère, Manono.
La Chine ne pouvait plus attendre après le démarrage salué aux États-Unis, en Europe et au Canada, de l’usine de la société allemande AMG Lithium pouvant produire 20 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an, de quoi équiper 500 000 voitures électriques. Les nouvelles annonces de l’Union européenne sur des initiatives pour sécuriser son approvisionnement en lithium et autres matières premières critiques dont “European Battery Alliance” (EBA), de l’extraction de lithium à la production de batteries ont davantage donné de la sueur froide à Pékin. Mais Zijin a enjambé le gouvernement congolais pour annoncer, urbi et orbi, la mise en branle de Lithium Manono.
Selon Stefan Scherer, DG de AMG Lithium, le gros du lithium traité pour l’instant provient du Brésil. Et il va falloir donc chercher d’autres sources d’approvisionnement et réduire surtout la dépendance de l’Europe, en particulier, vis-à-vis de la Chine qui contrôle 60% de ce marché. Certes, l’on cite des réserves mondiales du lithium en Australie, au Chili et en Argentine. Mais en RDC, les réserves sont tout simplement fabuleuses!
– Déloger que coûte que la Chine –
L’Allemand Stefan Scherer soutient que “pour l’électro-mobilité, si l’on souhaite également disposer d’une certaine performance et d’une certaine autonomie lors de la conduite, la batterie lithium-ion est tout simplement imbattable”. Ces batteries offrent, en effet, des capacités de charge rapide, minimisant les temps d’arrêt pour les utilisateurs. Elles ont un faible taux d’auto-décharge et conservent leur charge pendant de longues périodes, réduisant ainsi le besoin de recharges fréquentes. Justement, la Chine est également le plus grand producteur mondial de batteries lithium-ion, utilisées dans les véhicules électriques, les smartphones et autres technologies. Elle héberge des géants comme CATL (Contemporary Amperex Technology Co. Limited), le plus grand fabricant de batteries pour véhicules électriques.
En clair, Manono, région située dans la province du Tanganyika, au nord-est de l’ex-Katanga, sera l’un de grands théâtres de la guerre mondiale du lithium. Et la Chine y a, de force, dirait-on, établi une sorte de “Mandchourie” au nez et à la barbe des autorités congolaises à la fois complices et complaisantes… D’où vient que la firme Zijin, Pékin, c’est du pareil au même, communique plus et seule sur un domaine aussi stratégique, arguant même sur un probable décret obtenu de Kinshasa. Et, a contrario, un profond silence radio dans la capitale congolaise.
A propos, le décret n° 23/08 du 22 février 2023 portant manuel des procédures relatives aux transactions des actifs miniers des entreprises publiques stipule que la transaction sur un actif minier d’une entreprise publique est un acte de désengagement de l’État. Et à ce titre, elle est soumise aux préalables dont l’examen de l’opportunité et de l’utilité de l’opération. Il y a une évaluation préalable de l’actif concerné en vue de déterminer sa valeur réelle. Son approbation intervient par décret du Premier ministre délibéré en Conseil des ministres sur proposition conjointe des ministres du Portefeuille et des Mines. Le cadre institutionnel de la transaction sur les actifs miniers des entreprises publiques est, en effet, constitué, selon le décret ci-haut cité, du Conseil des ministres, du Premier ministre, des ministres du Portefeuille et des Mines, de l’entreprise publique concernée ainsi que de l’organe technique du gouvernement chargé du désengagement de l’État, en l’occurrence le Copirep… de funeste mémoire. Rien de tout cela à moins que le gouvernement ait opté de traiter le dossier en mode “secret d’État”.
Fin 2023, Zijin Mining a obtenu une licence pour explorer et développer le nord-est de la mine de lithium de Manono. Il a ainsi été créé Manono Lithium SAS, une coentreprise entre Jinxiang Lithium, filiale de Zijin, et Cominière, entreprise d’État de la RDC. Cette joint-venture a obtenu une licence d’exploration dans le nord-est de la concession, a précisé Zijin, dans un communiqué relayé à la bourse de Hong Kong. “Si les études d’exploration et de faisabilité se déroulent bien, ce projet pourrait devenir le premier axé sur la production de lithium pour Zijin en Afrique et en RDC”, avait déclaré Jian Heyuan, le directeur général de Manono Lithium, à Reuters.
Zijin n’a jamais, cependant, précisé quand le projet commencerait à être exploré au risque de tomber dans la disgrâce de précédents partenaires de la Cominière. Il sied, en effet, de rappeler que le permis d’exploration avait été initialement accordé à la société australienne AVZ Minerals.
Mais ce permis sera, par la suite, révoqué par la RDC, qui a estimé qu’elle ne l’avait pas exploité assez rapidement. AVZ, qui ne valait plus que 2,8 dollars australiens lorsqu’elle a été retirée de la bourse australienne en mai dernier, conteste cette décision et est engagée dans un certain nombre d’arbitrages connexes. Zijin a annoncé le projet d’exploration pour la première fois en janvier 2022. Plus tard, elle est entrée en conflit juridique avec AVZ au sujet de l’achat d’une participation de 15 % dans le projet Manono en RDC. “Zijin s’engage à poursuivre l’exploration et le développement de ce projet avec Cominiere, la RDC, les parties prenantes locales et le peuple de la RDC”, a précisé Chen Chen, le conseiller juridique interne de Zijin Mining, à Reuters. “Nous ne pouvons pas spéculer, poursuit-il, sur les questions juridiques qui se poseront à l’avenir, mais nous défendrons la nouvelle joint-venture afin que les travaux sur le tènement nord puissent se poursuivre au bénéfice de la RDC et de ses communautés locales”. Mais selon la bourse de Hong-Kong, c’est plutôt à travers sa filiale, Jinxiang Lithium, que Zijin a créée.
– Jean David E’ngazi se tape 70 millions $US –
Manono Lithium SAS, avec la Cominiere. Et c’est un Chinois et non un Congolais, M. Jian Heyuan, qui est DG. Combien Zijin a-t-elle versé ? Comment ? à qui? Par quel mécanisme, appel d’offres ou gré à gré, Zijin ou Jinxiang Lithium, c’est selon, a-t-il acquis un actif de la Cominière. La seule info qui est remontée de cet océan de zones d’ombres, c’est un don de 70 millions $US que Zijin dirigée par le Congolais Jean David E’ngazi, la quarantaine, a offert à l’Ong Le Bouclier qui appartient au même Jean-David E’ngazi, membre du conseil d’administration de Cominière, et naguère, président de la communauté congolaise de Montréal-Métropolitain.
Fort d’une enquête établie par la Cellule nationale des renseignements financiers (Cenaref) qui l’a blanchi, Jean-David E’ngazi se la coule douce quand toute la région de Manono sollicite, depuis 2016, donc à l’époque de Kabila, un peu de sérieux aux autorités congolaises pour pouvoir tirer profit de son lithium après l’effondrement de Zaïre-Étain. Le projet n’a fait que changer de main, depuis pratiquement 9 ans. Que de procès à l’international, Australiens et Chinois s’entraccusent depuis 2022. “Nous, Occidentaux, ne laisserons jamais la RDC aux Chinois”, avait personnellement prévenu, un coopérant belge venu droit de Bruxelles pour rencontrer un journaliste, aujourd’hui à Ouragan, dont les articles sur la coopération chinoise avaient fait débat au sein d’une commission européenne.
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