Joycenath Tshamala : “Nous passons à côté de l’essentiel en restant dans une forme d’esthétique”
Joycenath Tshamala est le seul qui a trouvé dans la rouille, les cassettes, les CD et les rasoirs de quoi se distinguer de la masse des artistes. A travers ces objets recyclés, il arrive à poser des thèmes essentiels au cœur de ses tableaux. De la perte de valeurs, en passant par la mémoire jusqu’à l’environnement, Nath dénonce une société où bon nombre “de personnes passent à côté de l’essentiel en restant dans une forme d’apparence”.
Par Grady Mugisho
Joycenath Tshamala utilise la rouille sur ses tableaux @Photo Droits tiers.
publié le 3 septembre 2024 à 04:13:00
Rebelle ? Oui, son imagination fructueuse le montre, mais pas que. Son parcours académique aussi. Ce talentueux avait arrêté l’université en deuxième année à cause des enseignements trop classiques que dispensait l’Académie de Beaux-Arts. Ils ne l’aidaient pas à s’épanouir. Lui qui ne jurait que sur la peinture contemporaine. Mais il l’avait appris à son corps défendant. Aujourd’hui, il regrette que l’Académie continue toujours dans cette optique “qui enferme l’imagination des étudiants”.
Ouragan : Comment vous vous êtes retrouvé dans le domaine de la peinture ?
Tshamala : Mon père a fait l’Académie de Beaux-Arts, mon grand frère de même. Ils se sont orientés vers la décoration intérieure. Donc, mon géniteur voulait aussi que je fasse ça. Au début, l’idée était de suivre leurs pas. Mais une fois arrivé aux humanités artistiques, je me suis intéressé à la peinture, puisque je dessinais depuis mon enfance. Par la suite, j’ai abandonné l’option de faire la décoration intérieure quand je suis arrivé à l’université.
Comment avez-vous trouvé les enseignements à l’université ?
Je n’ai pas fini le cycle de graduat. Je me suis arrêté en deuxième année à cause de plusieurs problèmes. La principale raison était que je n’aimais pas la peinture classique qu’on nous enseignait. Donc mes amis et moi, on avait plus envie de continuer. Nous voulions la peinture contemporaine. Avec quelques amis, on a créé un collectif. On réfléchissait en termes d’auto-formation. Nous nous sommes lancés dans des pratiques contemporaines. Pour cela, nous avons consulté quelques aînés qui venaient de l’Europe. Et aujourd’hui, je pense que l’Académie continue avec cette démarche-là parce que je vois ce que font les étudiants lorsqu’ils sont dans mon atelier. Je pense que l’Académie n’aidera pas les étudiants à s’épanouir si elle reste dans cette optique.
En 2021, vous avez exposé une série de peintures intitulée “Restitution de la dignité humaine” qui mettait l’accent sur les atrocités coloniales. Pourquoi ce choix de revenir au passé ?
A un moment, on a parlé de la restitution des objets pillés par les colons belges qui, semble-t-il, se trouvent aujourd’hui dans des musées. C’est bien. Mais, moi j’ai voulu aborder une autre forme de restitution de la dignité qui a été arrachée, c’est-à-dire des gens qui ont été amputés à cause de caoutchoucs. Quand on parle de la restitution des objets, on doit aussi évoquer cette forme de restitution qui est de la dignité. L’idée à la base de cette exposition était de créer un monument représentatif pour ces victimes-là. Mais en tant que peintre, j’ai voulu d’abord mettre ça sur mes toiles. Ce qui est sûr, l’histoire se reproduit mais de différentes manières. Les massacres qui ont lieu à l’époque de Léopold 2 à cause des intérêts, ce sont les mêmes qui se reproduisent dans l’est du Congo. Rappeler le passé au présent, c’est une forme d’interpellation.
Votre style est constitué de rouille, mais pas que. Il y a aussi un mélange de cassettes, de CD et de rasoirs. Est-ce que tous ces éléments ont un message ?
Oui. La rouille dans mon travail représente ce chaos que nous observons dans la société. Elle représente aussi comment nous avons perdu nos valeurs. Vous verrez mes personnages bien habillés, mais ils ont la rouille. C’est une façon de montrer comment nous passons à côté de l’essentiel en restant dans une forme d’apparence, d’esthétique qui n’a rien avoir avec notre réalité. Cela donne l’impression que nous apprécions notre existence. Avec les cassettes, les CD, qui font office de mémoire, je montre ce côté éphémère, obsolète. Effectivement qu’il est rare de voir aujourd’hui l’utilisation de ces objets. Mais aussi, en mettant les cassettes côte à côte sur mes toiles, j’envoie un message du vivre-ensemble.
En utilisant ces objets, on peut dire que vous les recyclez. Est-ce un message environnementaliste ou bien ?
Oui, oui. Pour la petite histoire, l’idée même d’utiliser les rasoirs est venue lorsque je me rendais chez mon coiffeur. A chaque fois que je venais là-bas, il y avait plusieurs rasoirs qui étaient entassés dans un coin, dehors. Parfois, les délinquants les prenaient pour se blesser entre eux. Donc faire le recyclage, c’est un message pour inviter les gens à prendre soin de leur environnement, parce que nous ne devons pas seulement attendre que le gouvernement fasse toujours les premiers pas. L’artiste n’est pas là seulement pour faire beau. Son œuvre doit aussi véhiculer un message. Par exemple : par ses thèmes.
En parlant de thèmes, il y a celui de l’immigration qui revient souvent. Pourquoi ?
C’est en voyant l’engouement des gens pour le DV lottery que je me suis intéressé à ce thème. Je me suis demandé pourquoi ils voulaient fuir le pays. Parce que la situation est chaotique. C’est comme ça que j’ai fait une série intitulée “File d’attente” avec des personnages qui ont des passeports en main, qui sont en culottes et torses nues. En les regardant, vous verrez qu’ils se ressemblent. C’est comme si les personnages étaient avec le même état d’esprit de partir. Je me suis inspiré de la réalité parce que, quand on parle d’aller en Europe, c’est presque tout le monde qui est excité par cette idée. Mais si on doit tous partir, qui restera ici ?
Est-ce facile d’être peintre ici à Kinshasa ?
Non. C’est difficile. A un moment, je me suis retrouvé à faire d’autres boulots. Comme la passion était là, nous sommes revenus. En discutant avec les aînés, on a trouvé des mécanismes nous permettant de nous en sortir même dans ce contexte difficile.
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L’événement est organisé par le ministère de l’Environnement et développement durable avec l’appui de la FAO et d’autres partenaires comme le Fonds de l’environnement mondial (FEM). Le clou de cette activité a été le lancement de la phase de préparation du projet intitulé : “conservation communautaire de la biodiversité et des moyens de substance dans le contexte du changement climatique en RDC”.