Kinshasa, cœur battant de la République démocratique du Congo, est une fois de plus le théâtre d’un drame silencieux. L’opposant Seth Kikuni est privé de tout contact avec ses avocats et sa famille, plusieurs jours après son arrestation le 2 septembre. Un silence assourdissant entoure son sort, suscitant une profonde inquiétude parmi ses proches et les défenseurs de la démocratie.
L’opposant Seth Kikuni, leader du parti politique PISTE interpellé illégalement depuis 2 semaines @Photo Droits tiers.
L’épouse du détenu et quelques militants de son parti se sont rendus au bureau de l’ANR ce jeudi pour s’enquérir de son état de santé. On leur a dit que Seth n’est pas dans leurs cachots. « Pour mettre un terme aux rumeurs sur sa mort, les autorités sont invitées à laisser son épouse le voir. Même une personne détenue a des droits qui doivent être respectés », lâche un activiste des droits de l’homme.
Don Pierrot Sadiki, un opposant et animateur du Cadre de concertation des forces politiques et sociales, a exprimé sa colère et son désarroi sur X. Dans un message poignant, il fustige l’attitude de l’opposition congolaise : « À force de reculer sur tout, notre opposition est incapable de se rassembler pour défendre la démocratie. Kinshasa n’a pas de limites pour réprimer toute voix dissonante et la museler ».
– Un silence inacceptable –
A Ouragan, un autre membre du Cadre de concertation a exprimé avec émotion la gravité de la situation : « Nous n’avons pas la vraie information, mais ce qu’il faut souligner, c’est l’inquiétude. Une personne a été séquestrée, et le délai de détention a largement dépassé les limites légales et constitutionnelles. On ne sait plus à qui se fier, c’est cela l’alerte. Il faut tirer la sonnette d’alarme pour éviter qu’il n’y ait un deuxième Chérubin (retrouvé mort en juillet 2023 après avoir été interpellé par les agents de l’ARN)».
Ses mots résonnent comme un appel désespéré à un sursaut dans un contexte où les précédents fâcheux sont nombreux et où l’inquiétude grandit. « Toutes les tentatives pour obtenir des nouvelles précises ont échoué, et Seth Kikuni est encore un prisonnier personnel du pouvoir. Ce ne sont pas des excuses qui leur manquent ».
L’homme politique dénonce également le silence complice des missions diplomatiques présentes en RDC : « Les missions diplomatiques se taisent comme lors des élections frauduleuses et chaotiques de sept jours. Elles se taisent et ne rapportent pas les bonnes informations ». Pour lui, la crise actuelle n’est pas seulement une affaire d’État, mais une question nationale qui interpelle chaque Congolais. « Maintenant, c’est une affaire qui concerne les Congolais, la crise est plus interne, c’est à nous de trouver des solutions en impliquant la population ».
Face à l’impasse, le Cadre de concertation prépare une nouvelle plénière avec des objectifs précis. « Il s’agit d’alerter et de prendre à témoin la communauté nationale et internationale », affirme un des leaders, déterminé à ne pas laisser l’affaire Kikuni sombrer dans l’oubli. L’indignation de la plateforme a suscité quelques réactions, notamment celle d‘Olivier Kamitatu, le porte-parole de Moïse Katumbi, qui est sorti du silence par une vidéo de soutien. Le ténor du cadre de Concertation conclut avec un appel vibrant à l’unité de l’opposition : « Si au moins l’opposition parlait d’une seule voix, demain, on ne saurait pas qui sera la prochaine victime. La règle doit être la liberté. Il faut quand même interpeller les Congolais : ils ne s’indignent de rien ».
– Femme, enfants et parents de Kikuni traumatisés –
Malgré les appels incessants exigeant la libération de Seth Kikuni Masudi, l’opposant politique arrêté le 2 septembre 2024 par les flics de l’Agence nationale de renseignements (ANR), les autorités font la sourde oreille. Depuis son arrestation, aucune nouvelle ne parvient à sa famille. L’angoisse grandit jour après jour, laissant ses proches, les membres de son parti, et surtout son épouse, dans une profonde inquiétude.
Lors d’une tribune organisée mardi par la Voix des sans voix (VSV), la mère de Seth, son épouse et le porte-parole de son parti “Piste pour l’émergence (PE)”, ont exprimé leur désarroi et réclamé la libération de celui qui fut d’abord candidat à la présidentielle de 2018, puis à celle de 2023, avant de rejoindre, par la suite, Moïse Katumbi.
Albertine Ndedika, mère de Seth Kikuni, est particulièrement bouleversée par la situation. Elle a supplié les autorités de libérer son fils. “Nous ne savons même pas où il est détenu. Qu’on nous dise simplement où il se trouve. Il a besoin d’un régime alimentaire strict à cause de son opération chirurgicale récente”, a-t-elle imploré, la voix tremblante. “Je ne demande rien d’autre que la liberté pour mon fils. Il n’a commis ni crime, ni vol. Ses enfants et sa femme ont besoin de lui, et moi aussi, car il est mon unique soutien”, a-t-elle ajouté, submergée par l’émotion.
Laurenne Kabwiz, l’épouse de Seth Kikuni, a également pris la parole, les larmes coulant sur ses joues. Elle a rappelé l’état de santé fragile de son mari, aggravé par sa récente intervention chirurgicale, s’interrogeant au passage sur les conditions de sa détention : “Comment peut-il se nourrir correctement depuis qu’il a été arrêté ?” Sa voix brisée par l’inquiétude, elle a insisté pour que Seth soit libéré afin de retrouver sa famille et les soins nécessaires à sa survie.
En début d’après-midi du lundi 2 septembre, des agents du service de renseignement ont fait irruption au bureau de l’opposant Seth Kikuni, brandissant un ordre de mission pour un prétendu entretien avec l’administrateur général. La situation a dégénéré lorsque, après un échange tendu, les barbouzes ont recouru à la force pour contraindre le leader du parti PISTE à les suivre. « Après avoir été brutalement malmené, il a été emmené de force à la permanence du département de la sécurité intérieure, située en face de la Primature dans la commune de la Gombe. Il y est détenu arbitrairement, dans ce qui s’apparente à une véritable séquestration », avait dénoncé sa formation politique.
Depuis cette interpellation, plusieurs figures de l’opposition, dont Moïse Katumbi et Martin Fayulu, ont vivement condamné cet acte qu’ils perçoivent comme une nouvelle tentative d’intimidation de la part d’un pouvoir qu’ils jugent défaillant et prêt à violer sans hésitation les droits et libertés fondamentales.