Le néo-ministre de la Justice dit être sur les traces du héros national, Patrice Emery Lumumba. Ses idées, ses discours, sa constance, sa cohérence… peuvent résumer l’étiquette “Rupture”. A 36 ans, Me Constant Mutamba, le désormais “nouveau Lumumba”, se sent prêt à achever la mission lui confiée par révélation à l’âge de 16 ans pendant sa formation scolaire à Kisangani, ville natale du même Lumumba, dans l’ex-Province orientale.
Par Jeanric Umande
Le ministre de la Justice, Constant Mutamba a surpris plus d’un @Photo Droits tiers.
publié le 30 août 2024 à 05:23:00
Au Conseil des ministres vendredi dernier, il a été ragaillardi par la fermeté du chef de l’État de voir la justice s’aligner derrière la politique du gouvernement, mieux du ministre de la Justice. Mutamba s’arrache pour remettre la justice sur le bon rail. Le secteur est gangrené. A la qualification du président sur la justice malade, lui assène : “elle est gravement malade et je suis là pour l’administrer une thérapeutique de choc”.
– Mettre fin au coulage –
Moins de 100 jours après sa prise de fonction : Constant Mutamba semble faire l’unanimité. Même si ses méthodes n’enchantent pas les acteurs du secteur judiciaire, mais la population sent le jeunot prendre une bonne direction. A peine investi, le garde des Sceaux a entamé des réformes courageuses qui, petit à petit, démontrent leur efficacité. Tout l’argent qui allait dans les poches de détourneurs de son secteur, commence à être canalisé. Pour la première fois, la direction chargée des Associations a doublé voire triplé ses recettes.
Ainsi, dans le cadre de sa lutte engagée contre la corruption, la concussion et le coulage des recettes publiques, il a annoncé l’institution d’un processus généralisé de bancarisation de tous les droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative ministère de la Justice, notamment les amendes, la caution, les frais de consignation et de mise au rôle, de notification, de certification, d’authentification, de légalisation ou tout autre frais. Suivant un autre communiqué signé par lui-même, les guichets avancés sont progressivement installés auprès des parquets, cours et tribunaux, offices de police judiciaire et services relevant du secrétariat général à la Justice ou tout autre service spécialisé du ministère. Il est donc formellement interdit d’effectuer des paiements autrement que par voie bancaire. “Les contrevenants s’exposent à des poursuites judiciaires et à la non prise en compte des paiements effectués”, a-t-il menacé. Quelques brebis galeuses planquées dans leur tanière de la prédation se sont aventurées à ignorer cette décision, ordre a été intimé au parquet de les poursuivre pour détournement.
– Les membres du FRIVAO sanctionnés –
A Kisangani où il a assisté à la cérémonie marquant la deuxième commémoration du Génocide congolais – GENOCOST, il a ordonné l’arrestation des membres du comité de gestion du Fonds spécial de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en République démocratique du Congo -FRIVAO. La décision du ministre d’État découle d’un audit de l’Inspection générale des Finances –IGF– mettant à jour des détournements et dilapidations présumés d’une partie de l’avance payée par Kampala après une condamnation par la justice internationale, soit 160 millions de dollars sur les 325 millions attendus. Le ministre d’Etat a, dans un premier temps, confronté à Kinshasa les suspects au rapport de l’IGF, avant de déceler des contradictions entre eux et des écarts importants des sommes justifiées. Il a organisé une deuxième confrontation à Kisangani entre les gestionnaires punis et les victimes, avant de prononcer la mesure de suspension à leur égard et les mettre à la disposition du parquet. Les incriminés ont payé fort leur mauvaise gestion. Aujourd’hui, ils sont entre quatre murs.
– Des mesures fortes à Kinshasa –
Dès son retour à Kinshasa, Mutamba a rétabli dans leurs droits plusieurs familles dont les propriétés ont été spoliées à la suite de décisions judiciaires scandaleuses. En plus, les maraîchères de N’djili chassées de leurs plates-bandes, ont retrouvé le sourire. En désespoir de cause, elles ont vu comme dans un rêve leur doléance prise en compte et leurs bourreaux évincés. Personne de leur groupe ne pouvait imaginer un seul instant que les hommes forts seraient anéantis. Une semaine après, une résidence de l’ambassade de France a été vandalisée et ses occupants violentés. Mutamba a sévi. Le chef du parquet de la Cour d’appel de la Gombe a été suspendu. Le haut magistrat est l’auteur d’une réquisition ayant donné lieu à la tentative de « déguerpissement » du diplomate français. Toute la chaîne de décision en lien avec cette réquisition a été cramée, car le ministre de la Justice a également indiqué l’interpellation des magistrats qui avaient rendu le jugement qualifié « d’inique ». Les policiers et agents du parquet ayant mené l’opération ont été arrêtés et traînés devant la justice.
– Le courage d’affronter le mal –
Des preuves de la bravoure de Mutamba sont légion. Démanteler un système corrompu et enraciné depuis des décennies n’était pas facile. Loin de jouer au guignol, Mutamba avance appliquant à la loupe son schéma. Heureusement que le “Croco” de Lubao a le soutien du magistrat suprême. Les acteurs judiciaires qui vont se mettre en marge de réformes, vont subir la rigueur de la loi. A Kin, le jeune leader passe désormais pour le héros. Longtemps, le pays a attendu un vertébré incorruptible qui viendrait bousculer un pouvoir aux allures intouchables.
– L’ex-opposant au régime est un battant –
Opposant il y a encore quatre mois, Constant Mutamba s’est taillé le chemin dans le roc. Il a battu la racine du feu en décidant de créer une organisation citoyenne dès son passage à l’université. La trentaine révolue, l’actuel garde des Sceaux est un véritable seigneur de la rue habitué aux épreuves et aux défis. Initiateur de la Nogec (Nouvelle génération pour l’émergence du Congo), sa structure associative est vite passée du parti à un regroupement politique de référence en République démocratique du Congo. Issu d’une famille modeste, Constant Mutamba, avocat, mandataire des carrières et des mines, a su puiser une riche expérience politique au sein de la méga plateforme FCC (Front Commun pour le Congo de l’ex-président Joseph Kabila) qu’il a quitté pour conserver intactes ses convictions politiques de départ. L’ancien candidat à la présidentielle s’est forgé dans l’opposition pendant et après le régime Kabila jusqu’à fédérer plusieurs autres regroupements politiques autour de lui sous l’appellation de DYPRO (Dynamique progressiste révolutionnaire, opposition républicaine). En dépit de ses distances justifiées avec l’opposition radicale, Mutamba a foncé et percé. Depuis décembre 2021, sa plateforme politique est représentée à la Commission électorale nationale indépendante, dans le quota de l’opposition constitutionnelle. Ses sorties politiques l’ont suffisamment propulsées dont la plus suivie reste ce sit-in tenu le vendredi 8 décembre 2022 devant l’ambassade de France à Kinshasa au terme duquel il avait déposé un mémorandum à l’attention d’Emmanuel Macron. Le 30 mai 2023, Constant Mutamba et sa dynamique avaient marché à Kinshasa pour exiger le maintien du calendrier électoral au 20 décembre 2023.
Grâce à son envergure nationale, Mutamba a terminé dans le peloton de tête à la présidentielle de décembre 2023. Avant le scrutin, le jeune opposant a mené des croisades sur l’ensemble du pays pour prêcher l’idéologie de sa famille politique. Le tribun soulevait partout des foules, confirmant ainsi sa percée sur le terrain. Sa posture d’aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de son combat révolutionnaire. Lui qui est parti plusieurs fois se ressourcer au Cuba de Fidel Castro.
L’arrestation lundi 2 septembre de Seth Kikuni Madidi, président du parti “Piste pour l’émergence (PE)” préoccupe au plus haut point l’ONG “la Voix des sans voix pour les droits de l’Homme (VSV)”.
L’ancien ministre de la Santé, Oly Ilunga Kalenga, a quitté lundi 9 septembre, la prison centrale de Makala, après avoir purgé une peine de cinq ans pour détournement de fonds publics. Arrêté en août 2019, puis condamné en mars 2020 pour le détournement de plus de 400 000 dollars destinés à la riposte contre le virus Ebola, Ilunga maugrée. Sa sortie de prison est considérée comme la fin d’un long feuilleton judiciaire que ses proches ont toujours qualifié “d’injuste”.