Les Lignes maritimes congolaises (LMC SA), affichent, selon des rapports annuels de l’État actionnaire rédigés par le Conseil supérieur du portefeuille (CSP), plus de 32, 5 millions de dollars des chiffres d’affaires. Fin 2023, le staff dirigeant était fier d’annoncer cette tendance au regard du tonnage traité qui titillait les 18 millions de t. La société LMC est à l’opposé de l’Onatra. Ici, la paie est régulière, primes sans cesse revues à la hausse. Ce qui n’est pas sans susciter des convoitises. Et des attaques de sur-embauches familiales sont reparties de plus belle contre le tandem Mende-Mukendi, quand Jean-Pierre Bemba Gombo, “rétrogradé”, dit-on au MLC, de la Défense aux Transports, veut asseoir son autorité.
Dans le cadre d’un plan quinquennal 2023-2027, les managers des LMC ont en projet la construction d’un port sec à Kinshasa. Un budget initial de 1 320 882 500FC soit 524 513,56 $US a été prévu pour ce faire, selon une note de la vice-primature des Transports, voies de communication et désenclavement. Les LMC devraient également bénéficier de 1 milliard de francs soit près de 400 000 $US au titre des interventions économique, sociale, scientifique et culturelle de l’État pour l’exercice 2024. En retour, les LMC verseraient au bas mot quelque 256 millions à titre des dividendes au Trésor public via la DGRAD. Visiblement, les LMC ont derechef le vent en poupe grâce au pilotage du tandem formé par le PCA Lambert Mende Omalanga et le DG Jean-Claude Mukendi Mbiyamuenza. Il appert que même la patrouille financière de l’IGF n’a eu rien à redire. Mais tel un serpent de mer, les accusations de recrutement massif sur fonds de népotisme accablent les deux mandataires et pourraient constituer, à travers des méandres et des ramifications politiciennes, un motif de remplacement, c’est le moins que l’on puisse dire.
Félix Tshisekedi l’a dit, un remaniement du gouvernement, le plus tôt c’est début 2025. Il n’a donc plus que les entreprises et établissements du Portefeuille dans le viseur. Et les ministres de tutelle vont tenter, enfer ou ciel, de jouer aux faiseurs des PCA, DG et DGA surtout dans des boîtes où coulent le lait et le miel. Que pense Jean-Pierre Bemba de Lambert Mende ? Les prochains jours nous le diront. En tout cas, aux LMC – une permutation des lettres fait MLC-, c’est la dolce vita.
Fin 2023, l’ex-Compagnie maritime du Congo (CMDC) anciennement CMZ, avait lancé un appel d’offres international pour acquérir 2 000 conteneurs dont 100 de 40 pieds frigorifiques. Mais, le projet d’acquisition de trois navires de haute mer n’est plus évoqué et ne figure d’ailleurs plus dans le budget de l’État.
– Au nom de la souveraineté –
Pourtant, courant 2022, Félix Tshisekedi, partant du constat selon lequel, les Lignes maritimes congolaises totalisaient plus de deux décennies sans disposer de sa propre flotte, avait plaidé pour repenser la stratégie de cette entreprise publique en lui dotant notamment d’un navire performant et adéquat pour lui permettre de jouer son rôle naturel dans l’élan de l’État. Toutefois, le gouvernement a doté depuis 2021 des instruments juridiques et économiques pour sa rentabilité. Il s’agit notamment de l’arrêté ministériel n°005 /CAB/MIN/TVG/2021 du 26 janvier 2021 modifiant et complétant l’Arrêté ministériel n° 028/CAB/VPM/M1N/TC/2017 du 7 août 2017 portant modification des taux de droits définis par l’arrêté ministériel n°409/CAB/MIN/ TVC/093/2012 du 28 avril 2012 modifiant et complétant certaines dispositions de l’arrêté ministériel n°409/CAB/MIN/TC/0052/TOW/203 du 6 novembre 2003 portant régulation du trafic maritime en provenance et à destination de la République démocratique du Congo. Les experts ont, en effet, établi que le transport maritime de marchandises est spécialement régi par plusieurs conventions internationales que les transporteurs maritimes sont tenus de respecter puisque, pour l’essentiel, elles sont ratifiées par leurs pays respectifs et leur sont donc opposables, desquelles résulte la pratique maritime internationale fondement de l’exercice des services publics et des professions auxiliaires dans ce secteur. Mais la pratique maritime ne dispose pas de mesures d’application appropriées en RDC laissant ainsi la possibilité aux opérateurs du secteur d’exercer leurs professions respectives non seulement en foulant aux pieds les exigences étatiques, alors qu’ils respectent celles des autres États, mais encore en refusant parfois de payer les droits de l’État dont ils exploitent pourtant le territoire maritime. Il s’est donc posé l’impérieuse nécessité de réglementer ce secteur vital et de souveraineté pour la RDC afin de l’assainir et y assurer l’autorité de l’État. Le transport maritime, par son caractère international, est, en effet, un atout de plus en plus important dans les infrastructures de transport, à telle enseigne qu’un pays sans ou à faible flotte marchande en propre subit d’importantes hémorragies de devises, à travers les paiements de frets maritimes, au profit des armements étrangers qui assurent son commerce par mer, situation qui influe négativement sur sa balance des paiements.
Le maintien d’un accès préférentiel à la mer demeure, de l’avis des experts à l’origine de l’arrêté précité, un moyen essentiel d’améliorer ses possibilités commerciales et les infrastructures de transport sont un investissement de base préalable à la pénétration économique du territoire national congolais et que, comprenant l’énorme influence du secteur des transports comme instrument majeur de politique économique, l’État doit le perfectionner et le placer aussi largement que possible entre ses mains ou sous son contrôle plus étroit, au service de l’intérêt collectif pour une croissance durable. L’administration Tshisekedi a ainsi le mérite de mettre sur pied des politiques de transports compatibles avec cette durabilité, afin de garantir un secteur dynamique dont puissent profiter les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics.
– Mines, les LMC ou rien –
Dans le domaine maritime, l’armement national, qui est les LMC, a été doté du plein droit de perception des droits de trafic maritime afin de garantir à l’État congolais une autonomie du transport par mer de ses importations et exportations, par les ports nationaux et ceux de transit. Plus de confusion : les droits de trafic sont une redevance de régulation due à l’État par les transporteurs ou les opérateurs maritimes, du fait de l’usage ou de l’exploitation de son espace maritime. Dénommés ailleurs shipping royalties, ils sont applicables aux cargaisons générées par le commerce extérieur congolais.
L’assiette des droits de trafic est constituée de la totalité de la jouissance, soit les 100 %, de la cargaison transportée par le transporteur maritime ou l’opérateur économique maritime concerné, soit la totalité de la prérogative de jouissance maritime, exprimée en unités payantes. Tout transporteur maritime ou opérateur économique de navire qui participe, par les ports maritimes congolais ou par les ports de transit, au transport du fret généré par le commerce extérieur de la RDC, est tenu de payer des droits de trafic, comme la redevance de régulation.
Les droits de trafic ont donc été confiés par l’État, comme fonds de commerce à exploiter, aux Lignes maritimes congolaises. Et pour des raisons de stratégie nationale et de traçabilité des produits, les exportateurs miniers sont tenus de confier obligatoirement le transport maritime de leurs exportations à la seule compagnie LMC SA.
– Shipping royalties –
Au cas où la société publique ne peut accomplir sa mission, d’exercer cette prérogative de transport maritime, par ses propres navires ou ceux affrétés, l’État l’autorise à percevoir les droits de trafic ou shipping royalties. Les montants perçus sont d’office rétrocédés aux Lignes maritimes congolaises. L’ex-CMZ taxe un container de 20 pieds (soit 28 t environ), 40 dollars ; celui de 40 pieds, 80 dollars ; voiture et minibus, 20 dollars ; voiture utilitaire (fourgon, pick-up, camion, camionnette, véhicule frigorifique, benne…), 35 dollars ; engins lourds et de génie civil, 70 dollars l’unité. Pour ce qui est des hydrocarbures, les LMC taxent le m3, 2 dollars ; les produits miniers exportés, 2 dollars la tonne, tout comme le cargo général (sac de ciment, sac de riz, etc.).
Aucun transporteur maritime ou opérateur économique de navire ne peut accéder au transport du fret maritime congolais s’il n’est pas représenté en RDC par un agent maritime, un commissionnaire du transport ou un consignataire de navire. Le défaut de représentation, entraîne l’exclusion automatique de tout transport susvisé. Les consignataires maritimes ou les commissionnaires du transport sont tenues, aux fins de statistiques, de déposer auprès de l’administration des transports maritimes ou de la marine marchande et auprès de LMC, une copie du manifeste cargo des navires desservant les ports congolais, dans les délais fixés par le ministre ayant les Transports dans ses attributions.
Toute dissimulation, en tout ou partie, d’un manifeste entraîne, pour le transporteur maritime, pour le commissionnaire du transport ou pour le consignataire maritime concernés, le paiement du double du montant des droits de trafic compromis. Le consignataire maritime ou le commissionnaire du transport est responsable du paiement des droits de trafic ou shipping royalties, aux LMC .
– MAERSK, CMA-CGM…PIL ne lâchent pas prise –
Expert maritime, auteur du « Guide de la conteneurisation et du transport multimodal » (Ed. Shipping Guides/Ghana, 2011), Gabriel Mukunda Simbwa n’accorde guère de chance de survie à l’armateur public, LMC, face aux enjeux internationaux actuels. « Depuis le retrait des armements européens des conférences maritimes, le glas venait de sonner pour les armements africains qui n’ont pas pu faire face à la libre concurrence devant désormais régner dans l’industrie maritime mondiale », note Gabriel Mukunda Simbwa. Et d’ajouter : “les armements africains tels que Black Stars du Ghana, CMZ de l’ancien Zaïre (RDC), SITRAM de la Côte d’Ivoire et CAMSHIP du Cameroun ont été liquidés, car n’ayant pas été capables de sortir la tête de l’eau suite à la concurrence féroce des armements de grandes puissances maritimes sur diverses lignes”.
Après l’élimination du circuit de l’Afrique, les géants de la conteneurisation se sont jetés sur l’Afrique, “comme un fauve sur une proie, pour y asseoir le contrôle et l’exploitation du fret entrant et sortant”. Mais ces observations valent-elles encore plus de dix ans après ? Il est vrai qu’à Boma ou Matadi, Maersk, CMA-CGM ou PIL dominent en amont et en aval le commerce maritime congolais.