Certes, dans la nomenclature des actes générateurs des recettes du ministère de la Justice, il y a les droits de vente d’un bien saisi et confisqué. Mais le service dénommé Commission de gestion des biens saisis et confisqués (Cogebisco) dont le ministre Constat Mutamba fait allusion dans un communiqué devenu viral sur les réseaux sociaux, n’est plus repris dans le budget de l’État depuis quelques années. Et quand il figurait dans le budget, l’on marquait plutôt Cobisco.
Dans un communiqué daté du 16 juillet 20240, Constat Mutamba dit constater que les « Officiers de la police judiciaire et Officiers du ministère public ne transmettent pas à la Commission de gestion des biens saisis et confisqués, (COGEBISCO), les objets visés, ni les procès-verbaux y afférents ». Tout en invitant les magistrats du parquet à se conformer aux prescrits des textes légaux en la matière, le ministre d’État demande à la Banque centrale du Congo, aux banques commerciales, aux services publics concernés ainsi qu’à la DGDA, l’ex-Onatra, de transmettre l’état de tous les biens et sommes d’argent saisis, confisqués et gardés, à la COGEBISCO, endéans 72 heures, à compter de la date de publication de ce communiqué.
Notons que ni la DGDA ni l’ex-Onatra actuellement SCTP ne relèvent du ministère de la Justice. Par ailleurs, selon des contacts au Budget, le ministère de la Justice ne compte donc plus la Cobisco ou Cogebisco en son sein. Sinon, si la structure existe toujours, elle ne figure plus parmi les institutions du ministère de la Justice prises en charge par le budget de l’État. Les seules institutions reconnues et payées par l’État sont : cabinet du ministre, Secrétariat général, Services généraux, Études et Planification, Cultes & Association, Chancelleries & Ordres nationaux, Services pénitentiaires, École de formation, Contentieux & documents, Commission de censure, Productions pénitentiaires, Brigade anti-fraude, Services judiciaires, Direction de la délinquance, Direction NTIC, Commission Ohada, Cellule chargée de lutte contre l’impunité, Cellule de gestion des projets et des marchés publics, Guichet unique de création d’entreprises, Protection de l’enfant, des victimes et de l’assistance judiciaire, Juges consulaires, École de garde et de l’éducation des enfants, Réseau national des ONG de droits de l’homme en RDC (Renadhoc), Institut national de formation judiciaire, Lutte contre la cybercriminalité, Lutte contre l’apatridie et Commission permanente de réforme du droit congolais.
Cogebisco ou Cobisco ne compte pas parmi les organes de pouvoir législatif dont les dépenses et les recettes sont comptabilisées par les services du Budget. Il y a, par exemple, la Cour constitutionnelle avec le Cabinet, le Greffe en chef, le parquet général près la Cour constitutionnelle, etc., de même pour la Cour de cassation et ses appendices, la haute Cour militaire, la Direction des services généraux et du personnel qui englobe le casier judiciaire, etc., le Secrétariat général permanent du Conseil supérieur de la magistrature. Le ministère de la Justice a prévu, courant 2024, quelque 1.187.782.823 FC soit 471.660,57$US pour le fonctionnement des structures du secteur. RAS, rien à signaler sur la Cogebisco ou Cobisco.
Toutefois, selon le budget 2024, les droits de vente des biens saisis et confisqués devraient rapporter au bas mot, 24 002 000 FC soit moins de 10 000 $US ( 9 531 03 $). Mais c’est loin d’être acquis car à mi-exercice, à fin juin 2024, l’on n’était même pas à plus de 2 000 $US. En 2023, le ministère de la Justice espérait au moins 287 053 560 FC mais le taux de réalisation était de moins de 8%. En 2022, 2 387 800 FC seulement ont été collectés sur les 48 000 000 attendus soit 5% de réalisation. Pourtant en 2021, le taux de réalisation était de 378%! soit 97.381.050 FC perçus pour des assignations de 25.765.055 FC. Mystère des recettes de nos ventes publiques.
Dans le budget 2020, l’Etat ne tablait qu’autour de 400 000 $US des recettes de droits et taxes sur la vente publique dont près de 17 000 $US pour la COBISCO, la Commission des biens saisis et confisqués par la justice
– Autres recettes diverses non classées ailleurs –
En RDC, le ministère de la Justice, les cours, tribunaux, parquets ainsi que les services de douanes (DGDA) perçoivent une quotité sur toute vente publique au profit du Trésor public. Les actes générateurs des recettes sur les ventes publiques sont officiellement désignés sous les termes «autres recettes diverses non classées ailleurs». Ce qui donne à penser que ces recettes sont si aléatoires qu’elles ne représentent quasiment rien en termes de recettes.
La Commission (de gestion) des biens saisis et confisqués qui siège sous des hangars vers 1re Rue Limete, a mission de retracer tous les biens mobiliers et immobiliers éligibles à la vente publique sur décision de justice. Selon un récent rapport de l’OCDE, l’Organisation de coopération pour le développement économique, les ventes publiques, en Afrique subsaharienne, ne s’exécutent guère selon la loi. Le clientélisme, le favoritisme et la dévaluation du bien mis en vente empêchent même l’Etat de trouver son compte dans la transaction.
Un pays par exemple comme le Rwanda qui négocie son adhésion à l’OCDE a décidé, depuis près de 5 ans, de neutraliser toute pratique consistant à dévaluer des propriétés lors des enchères publiques. Au Congo, l’Etat a, tour à tour, créé puis dissous, l’OBMA, l’Office des biens mal acquis, le Corparep, le Comité de récupération des patrimoines résiduels des entreprises publiques dissoutes et liquidées et la Crite, la Commission de récupération des immeubles et terrains de l’Etat, avant de miser sur la Commission des biens saisis et confisqués par la justice.
– L’État sempiternel berné –
Malgré tout, le Trésor continue de percevoir des sommes dérisoires par rapport aux ventes publiques. Un droit proportionnel de 3% calculé sur le montant d’adjudication est perçu au profit du Trésor public. En 2018, l’Etat n’aura perçu que 220 000 $US environ sur les ventes publiques réalisées par la COBISCO, les cours et tribunaux ainsi que les parquets. Pourtant, que des immeubles saisis et vendus par voie de vente publique. L’on cite notamment l’immeuble de Mme Nzuzi Wa Bombo avec un chapelet de constructions sur 47, avenue Kato dans la commune de Kinshasa, villas ainsi qu’immeubles des LAC (ex-Air Zaïre) dans la capitale, etc., vendus aux enchères, en dehors des bureaux de l’aéroport de N’Djili.
Les propriétés foncières des Lignes aériennes congolaises à Lubumbashi, Kisangani, Mbuji-Mayi et dans d’autres agglomérations de l’arrière-pays ont été vendues. La DGDA, la Direction générale des douanes et accises, dispose de deux faits générateurs des recettes sur la vente publique, à savoir, la taxe sur les ventes publiques qui est d’office retenue sur les montants bruts de vente, et le droit sur les produits partiels de la vente publique qui porte sur le reliquat du produit net d’une vente publique non réclamée par l’ayant-droit dans le délai d’un an. Mais voilà, depuis près de cinq ans, que la douane déclare les mêmes recettes. L’Etat sempiternel berné dans la vente publique des biens saisis par la justice.
Notons par ailleurs que de nouvelles structures ont vu le jour avec quasiment les mêmes missions que la Co(ge)bisco. Il s’agit notamment de la Cellule nationale des renseignements financiers (Cenaref), coiffée par le ministère des Finances, qui sous Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, a arraché certaines prérogatives à la Banque centrale et même les recettes de jeux du hasard au ministère des Sports. Attendons voir jusqu’où ira l’intrépide Constat Mutamba sur les recettes des biens saisis et confisqués par l’État.
Nadine King