Le président Félix Tshisekedi Tshilombo, a, au cours de la cinquième réunion ordinaire du gouvernement, le 12 juillet dernier, convié l’équipe Suminwa à s’employer pour la reconquête de l’économie par les acteurs nationaux. Pour le chef de l’État, cette reconquête est une priorité et une nécessité impérieuse, essentielle pour instaurer une base solide qui ferait le lit d’une croissance économique durable et inclusive. Les ministres du secteur Ecofin devraient, pour ce faire, accélérer la mise en œuvre des mesures de régulation des prix des denrées alimentaires, innover par des mesures incitatives ciblées aux secteurs agricoles et industriels en faveur des PME et PMI afin de stimuler la production locale.
Fatshi tenterait donc nationaliser l’économie, de quoi rappeler la zaïrianisation de Mobutu, il y a 51 ans, bien mûrie mais mal exécutée. Selon le ministère du Budget, les affaires économiques, dans leur ensemble, dans la loi des finances 2024, ne valent que 8 054 608 899 669 FC soit 3 198 431 044,62 $US au taux budgétaire de 2 518,3 FC/$. Ce qui ne représente que 22,09% du budget national qui se chiffre à 40 463,6 milliards de FC, soit environ 16 milliards $US. Faute d’un budget remanié ou collectif budgétaire devant porter le budget à 18 milliards $US tel que la 1re ministre, Mme Judith Suminwa Tuluka, l’a fait comprendre, lors de son speech d’investiture devant la Chambre basse, il ne serait pas facile aux ministres sectoriels Ecofin de nationaliser l’économie afin de « réduire sensiblement la dépendance aux importations, soutenir la compétitivité des entreprises locales à travers l’octroi des marchés de sous-traitance suivant les prescrits de la loi y relative, poursuivre les efforts de rationalisation des droits et taxes, et même impôts afin d’encourager la production locale pour les nationaux », tels que souhaités par Félix Tshisekedi.
– Le poids des revenus des étrangers écrase toute croissance –
Il y a 10 ans, une étude avait établi que les dix premières économies de la RDC sont détenues par des familles libanaises et indo-pakistanaises. Le marché congolais des biens et services était à quatre-vingt-dix-huit pourcents contrôlés par les mains des expatriés, Congo Futur, Beltexco, Socimex, etc., Serve Air, CAA, HJ Hospital. En 2016, dans une mémorable réplique au 1er ministre, Augustin Matata Ponyo Mapon, le sénateur Mokonda Bonza évoque une situation demeurée inchangée à ce jour. « Quand le Premier ministre parle de la création des richesses quinze ans durant, entre 2001 et 2016, je ne peux penser un seul instant qu’il y ait une quelconque confusion dans son esprit entre produit intérieur brut et produit national brut. Si, par exemple, le produit intérieur brut (PIB) a doublé entre 2012 et 2016, quelle est la vraie part réservée aux Congolais ? Que vaut dans un pays une création des richesses dont la source est essentiellement étrangère, comme c’est le cas aujourd’hui pour la RDC avec les banques, l’industrie extractive, les télécommunications et autres nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC) ». Les bâtiments et travaux publics sont des entreprises à capitaux majoritairement étrangers.
Et l’ancien Dircab du maréchal Mobutu d’expliquer que « l’évaluation du produit national brut qui se traduit par l’incorporation des revenus provenant de la contribution des Congolais de l’étranger et la déduction des revenus des étrangers de la production intérieure aurait pu nous permettre d’apprécier le réel enrichissement de la RDC et des Congolais. En réalité, le poids des revenus des étrangers anéantit pratiquement toute croissance du revenu national ».
– Rectifier la tendance –
Pour Félix Tshisekedi, l’urgence de mettre en place des mesures promptes pour stimuler l’éclosion de champions économiques nationaux en RDC s’est imposée comme un enjeu majeur pour le gouvernement. Cette stratégie, visant à métamorphoser le paysage économique national, se concentre sur le renforcement des entreprises locales afin de les propulser au rang de leaders, tant sur le plan domestique qu’international. Mais entre le dire et le faire, le pont financier se dresse tel un pari que l’État ne saurait relever à moyen terme, comme l’exige le chef de l’État. Le principal patronat congolais, la Fédération des entreprises du Congo (FEC) n’est plus que l’ombre de son glorieux passé, les années Aneza! Les patrons congolais psalmodiés par des artistes musiciens et comédiens ne sont, en réalité, que des sous-traitants, des prête-noms, des faire-valoir, etc., ils sont au service des expatriés indopakistanais et libanais qui contrôlent l’économie nationale.
Et pourtant le président de la République a mis en lumière les défis considérables de l’actuelle conjoncture économique, notamment en ce qui concerne l’escalade des prix des denrées alimentaires, affectant directement le quotidien des citoyens congolais. Cette inflation, exacerbant la précarité du pouvoir d’achat, complique l’accès aux biens et services essentiels. Le président a exprimé ses soupçons que cette hausse puisse parfois résulter de manipulations orchestrées par des adversaires de la République, qui cherchent à provoquer des spéculations pour aliéner la population contre les initiatives bénéfiques du gouvernement. Mais ça vaut quoi l’Autorité de régulation de la concurrence coiffée par le ministère de l’Economie? En son temps, Jean-Paul Nemoyato Bagebole avait établi, à la suite d’une minutieuse enquête sur la vérité de prix, une liste des entreprises qui faisaient le surprix. Le riz, le sucre, les surgelés, etc, sont vendus entre 10 à 35% plus chers que les prix légaux.
Mais ici, le principe de la succession de l’État n’est guère de rigueur. Le ministre qui succède un autre fait table rase au lieu de consolider les acquis de son prédécesseur. La vérité est que le secteur économique congolais est foncièrement ancré dans la corruption. Du Commerce extérieur à l’Economie, le principal acte générateur des recettes, ce sont les pénalités suite à la violation de la réglementation. L’on dirait que les opérateurs économiques ont résolu de tricher puis de payer des amendes plutôt que d’honorer leurs obligations (non) fiscales et douanières.
Au ministère de l’Économie, pour atteindre les assignations globales qui se chiffrent à 12 888 575 804 FC soit 5 117 966,80 $US, Mukoko Samba devrait s’employer à « la réintégration, au titre d’acte générateur des recettes, les bénéfices indûment perçus en cas d’infraction de pratique des prix illicites ». La recommandation est, en effet, reprise dans la loi des finances 2024. Les amendes transactionnelles pour infraction à la législation sur le prix et le commerce représentent plus de 95% des recettes attendues du ministère de l’Économie par la DGRAD : 12 302 331 426FC, soit 4 885 173,10 $US sur un total de 12 888 575 804 FC, soit 5 117 966,80 $US. Voilà un ministère de souveraineté dont les revenus sont tributaires de la fraude! Autant pour le Commerce extérieur, qui a pulvérisé ses assignations en 2023 avec plus de 64 milliards de francs. « Cette performance se justifie essentiellement par les amendes dues aux opérations d’importations et d’exportations ayant été réalisées en violation des lois et règlements en matière de commerce extérieur », note la DGRAD.
Pour l’exercice 2024, les prévisions des recettes de 65,3 milliards de FC et 56,3 milliards proviendraient des amendes dues à la fraude. Mais Fatshi a rappelé au gouvernement son engagement à mettre en œuvre de nombreuses initiatives visant à stabiliser les prix sur les marchés et à promouvoir l’entrepreneuriat local. Il a également exhorté le gouvernement à intensifier ses efforts et à œuvrer en synergie, en adoptant des mesures pragmatiques et efficaces pour restaurer le pouvoir d’achat des citoyens et favoriser l’émergence de champions économiques à l’échelle locale et nationale.
Le président de la République a exhorté les ministres sectoriels à concentrer leurs efforts sur les actions urgentes. Le VPM de l’Économie nationale est chargé d’accélérer la mise en œuvre de mesures régulatrices des prix des denrées alimentaires. Un contrôle rigoureux des circuits de distribution devra être mis en place pour prévenir les spéculations nuisibles au consommateur final. À titre exemplatif, le ministre des Finances, ainsi que le ministre d’État, ministre de l’Agriculture et de la sécurité alimentaire, sont invités à mettre en place des mesures incitatives spécifiquement destinées aux secteurs agricoles et industriels, pour soutenir les Petites et moyennes entreprises (PME) et les Petites et moyennes industries (PMI). Ces initiatives devront stimuler la production locale et diminuer la dépendance envers les importations. Le ministre de l’Industrie et du Développement des PME et PMI est appelé à renforcer la compétitivité des entreprises locales par l’octroi de marchés de sous-traitance, en conformité avec la législation en vigueur. Il doit poursuivre les efforts de rationalisation des droits, taxes et impôts pour promouvoir la production locale au bénéfice des nationaux. M. Tshisekedi attend un rapport détaillé sur les initiatives déjà entreprises à ce sujet, ainsi qu’une feuille de route précise pour les actions restantes à mener.