Félix Tshisekedi peine à asseoir son pouvoir issu des élections contestées du 20 décembre 2023. Trois mois et 20 jours après son investiture au stade des Martyrs, aucune institution n’est installée. Malheureusement, le chef de l’Etat se confine à jouer le second rôle. Il observe de loin la situation pourrir. Le constat est malheureux. L’emprise de la politique sur la société a tout gâché.
Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo. @ Photo Droits tiers.
110 jours depuis que Tshisekedi a prêté serment. Ni le gouvernement, moins encore les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat sont entrés en fonction. Au Sénégal, « tout est parti vite ». Premier ministre et ministres nommés et installés au bout de quelques jours. Au pays de Lumumba, les choses s’enlisent. Pour dire qu’on navigue encore en mode intérimaire. Apparemment, la situation ne heurte pas la conscience du sommet de l’Etat. Aucun responsable politique ne semble être pressé. Pourtant, les priorités sont multiples pour un pays en guerre fonctionnant presque avec deux Premiers ministres, l’un sortant et l’autre entrant. Les deux sont malheureusement payés par le Trésor public.
A l’Assemblée nationale, le bureau provisoire a pris la Chambre en otage. Il a fallu aux élus de monter au créneau pour voir Christophe Mboso se hâter nuitamment à publier le calendrier électoral pour l’élection du bureau définitif. Sinon, on l’a laissé faire. « Un laisser-aller qui indigne et démontre la faillite de la gouvernance actuelle », hurle un néo-député, ex-kabiliste devenu tshisekediste extrêmiste.
Depuis Kabuya – l’informateur jusqu’aux premiers pas de Judith Suminwa Tuluka, il n’y a aucune indication sur la mise en place du futur gouvernement. La Première ministre s’est même ensablée face à la gloutonnerie des caïmans politiques de l’Union sacrée. Bref, sa machine est grippée. Pire, « le vide actuel ne pousse toujours pas le chef de l’État à agir, à prendre les choses en main. « Le peuple souffre et rien ne fait », enrage Epenge qui accuse Félix Tshisekedi d’être sourd aux préoccupations de la population.
– La Constitution, blocage ou faux fuyant –
Pour justifier l’impasse actuelle, le président Tshisekedi s’est réfugié derrière la Constitution. Le texte serait lourd, à son avis, et ne lui donnerait pas tous les leviers pour huiler sa machine. Argument rejeté par l’opposition mais que lui pourtant brandit pour justifier le retard pris dans la mise en place des institutions. « Faux et archifaux, rétorque le professeur Mampuya. Sur ce débat, le publiciste a développé un argumentaire qui détruit tous les prétextes fallacieux qui incriminent la Constitution. « Quand il y a eu élections, ils ont fêté en disant que l’Union sacrée a tout raflé. Donc, il y avait une majorité. La nomination d’un informateur n’était pas nécessaire. Augustin Kabuya, je le connais mais je suis désolé, il n’avait pas à être nommé », a-t-il dégainé.
Dans le discours inaugural de son second mandat prononcé devant un parterre de chefs d’État africains et de délégations occidentales, Félix Tshisekedi s’était dit pourtant « conscient des attentes du peuple et avait même rassuré qu’il mesurait l’ampleur de la tâche qui l’attendait’’. Malheureusement, la société civile voit le président prendre une mauvaise direction au début de son deuxième quinquennat.
Depuis l’Europe, Paul Kapika, un des anciens 13 parlementaires de l’Udps, campagnon d’Étienne Tshisekedi, a décrié la gestion de Tshisekedi fils, se lamentant de voir l’actuel chef de l’État s’éloigner des idéaux et même du combat de son père. L’icône rappelle que l’Udps ne s’était jamais battue pendant plus de trois décennies pour les carrés miniers, la prébende ou la jouissance aveugle comme c’est le cas aujourd’hui. Déçu, Kapika appelle Tshisekedi à se ressaisir et à se débarrasser du mauvais entourage.
– Et les promesses faites au peuple –
Lors de son investiture, Félix Tshisekedi avait annoncé les six engagements majeurs de son nouveau quinquennat : « plus d’emplois, plus de pouvoir d’achat, plus de sécurité pour tous, une économie plus diversifiée et plus compétitive, plus d’accès aux services de base et des services publics plus efficaces ». « A-t-il oublié que le chrono file et les attentes de la population sont nombreuses« , s’interroge un responsable d’une Maison de sondage qui se souvient des reproches ( inaction, léthargie, impunité et népotisme…) que lui avait faits durement la population pendant la campagne.
Droit dans ses bottes, Tshisekedi, partout où il passe, affiche ses mêmes ambitions à savoir transformer, durant les cinq prochaines années, les prouesses qu’il avait réalisées et de parachever l’avènement d’un Congo plus uni, mieux sécurisé et plus prospère. Devant la nation, il s’était engagé « à user de tout ce qui est en son pouvoir pour que les erreurs du passé ne se reproduisent plus et pour que les actions nécessaires à l’avancement de son pays soient promptement prises ».
Malheureusement, les erreurs du passé reviennent au galop. Le laxisme persiste. « Le silence du président dérange quand il y a des cas de détournements avérés, quand des individus bloquent l’installation des institutions », peste le politologue Teddy Kalambayi Kosanga. Un mauvais départ pour ce deuxième quinquennat de Fatshi, s’alarme-t-il. Il craint que le président, à l’instar de son prédécesseur Joseph Kabila, soit sanctionné par le peuple à travers son dauphin qu’il voudra bien placer après dernier son mandat, pour pérenniser sa vision.