Les rues submergées, des voitures luttent pour avancer à travers les artères transformées en torrents et des piétons tentent de naviguer dans l’eau jusqu’aux genoux. Des pluies diluviennes tombées dans la nuit de samedi à dimanche à Kinshasa ont altéré davantage les traits de la capitale. La physionomie urbaine se redessine.
Lingwala sous les eaux, à Kinshasa, le 7 avril 2024. @PhotoOuragan.
Une fois de plus, la nature a mis à rude épreuve les capacités de résistance de la mégapole aux fortes intempéries. Des images diffusées par le reporter d’Ouragan témoignent de la situation désastreuse sur plusieurs avenues (Kasongo Lunda, Kitega, Ngele, Dodoma, Mushi…) dans la commune de Lingwala. Pendant un long moment, les habitants ne savaient pas s’émouvoir.
Les eaux ont envahi des maisons, bouleversant la vie de ses résidents. Curieusement, ce mode de vie est habituel aux Kinois. Dès les premières lueurs de l’aube, ils se sont armés de seaux, pelles pour livrer avec détermination cette bataille leur imposée. Des familles s’efforçant de sauver ce qui peut l’être, évacuent l’eau de leurs maisons débordées. “C’est vraiment difficile pour nous. Les routes sont toutes inondées, nous ne pouvons pas sortir nos voitures. Nous devons marcher dans les eaux insalubres pour aller à l’Église, mais même comme ça, c’est dangereux avec cette crue”, explique Maître David Tshimanga, 35 ans, locataire d’une résidence sur l’avenue Kasongo Lunda.
Les regards fatigués, mais résolus des citoyens reflètent la lutte intense menée contre cette nature déchaînée. Des commerçants essayent de dégager l’eau de leurs boutiques tandis que des chaussées et bermes ont été transformées en piscines improvisées. “C’est un désastre total. Tout est mouillé, les marchandises sont abîmées”, déclare Tonton Ahmed, 40 ans, propriétaire d’une alimentation réputée sur Mushi dans la commune de Lingwala.
Dans d’autres municipalités, l’averse a aussi causé d’énormes dégâts. Le cas des quartiers bordant la rivière Makelele ou ceux situés à ONL, Lumumba ou Funa. Dans l’ouest de Kinshasa (commune de Mont-Ngafula, Selembao) les têtes d’érosion menacent davantage les habitations. Au milieu du chaos, émerge un esprit de communauté inébranlable. Les voisins se tendent la main, offrant leur aide dans cette dure épreuve. Des bénévoles se rassemblent pour prêter main-forte, apportant leur expertise pour gérer la crise.
Des questions se posent sur l’héritage que laissera Gentiny Ngobila (actuelle autorité urbaine) à son successeur. À Ouragan, un Kinois a répondu sèchement : “Sachets, bouteilles en plastique, problèmes de voirie, ordures abandonnées sur la voie publique, trottoirs hideux. Bref, Ngobila léguera une capitale méconnaissable à chaque pluie comme aujourd’hui. “Ce qui prouve une non-gestion de la salubrité publique durant son mandat”, a râlé Ephraïm, 26 ans, chef d’un salon de coiffure au croisement des avenues Kitega et Mushi.
Plusieurs experts estiment que les dégâts causés par les pluies diluviennes rappellent la nécessité d’une meilleure planification urbaine, l’entretien des infrastructures et la gestion des urgences.
– Kin-Bopeto, 5 ans d’échec –
En réalité, Ngobila a échoué sur toute la ligne, à gérer la ville, en commençant par les ordures. Déjà que devant son bureau, un lac artificiel se crée chaque fois qu’il pleut abondamment. Même pour l’éclairage public, la situation est similaire. Même quand les lampadaires ne fonctionnent plus, le gouverneur sortant n’agit pas. “Une route pouvait être éclairée aujourd’hui et deux semaines après, elle plonge dans l’obscurité totale et cela ne l’émouvait pas”, commente un internaute sur X, après la publication des images de dégâts enregistrés dans la ville.
Durant son quinquennat, ses insuffisances ont été critiquées, voire même dans sa propre famille politique. Ses projets utopiques n’ont abouti à rien pour la plupart des cas. Certains Kinois interrogés, estiment que Ngobila aurait mieux fait de rester dans ses affaires privées, au lieu de prétendre diriger la capitale alors qu’il avait déjà lamentablement échoué dans la province de Maï-Ndombe.
Entre-temps, les clichés d’une capitale défigurée déferlent sans discontinuer sur la toile, sous le regard d’une population agacée par l’inaction si pas l’amateurisme du chef de l’exécutif provincial, Gentiny Ngobila Mbaka arrivé fin mandat. “Rien ne lui fait peur, pas même sa formidable capacité à se tromper. C’est, paraît-il, le revers de son caractère bien trempé. Gentiny Ngobila ne fait jamais marche arrière, et surtout pas quand il a tort”, déplore un tenancier sur l’avenue Kalembe Lembe soulignant que la polémique sur la saleté à Kinshasa s’accentue toujours après chaque pluie.
– Impunité, le mot qui résume tout –
Quand les étrangers débarquent dans la ville, l’image de Kimbanseke qui les accueille est pitoyable. Aux abords du boulevard Lumumba, c’est un capharnaüm où les gens étalent leurs produits à même la boue même quand il pleut.
De ce constat empirique, le président sortant du Sénat, Modeste Bahati avait laissé entendre, lors de la session parlementaire de septembre 2022, que la situation de Kinshasa se résumait en un seul mot : Impunité. “Tant qu’on ne punit pas, c’est-à-dire qu’on ne met pas en exécution les règlements qui existent et bien, nous irons toujours en reculant. Le visage qu’offre notre capitale, surtout lorsqu’on rentre de l’extérieur, n’est pas du tout reluisant”, s’était plaint l’ex-numéro un de la Chambre des sages.
L’élu du Sud-Kivu avait même vanté la propreté de son village natal comparativement à la capitale censée être le miroir de cette grande nation. “Non, tel que les choses se présentent aujourd’hui, je peux dire sans me tromper que mon village Katana est plus propre que la ville de Kinshasa. On y respire de l’air frais, vous y avez de l’eau, de l’électricité, des routes et des espaces verts. En plus, il est urbanisé”.
La colère est lisible à Kinshasa où la population est obligée de payer chaque fois l’impôt, mais contrainte de vivre dans des conditions d’insalubrité intolérables. Voilà pourquoi la venue d’un nouveau leadership est vivement souhaitée.