« Cher Monsieur, allez voir ailleurs ! ». La réponse sèche d’Eve Baizaba, ministre sortant de l’Environnement, se résumerait en ces termes face aux pressions épistolaires exercées M. Labrousse de l’Unesco sur l’exploitation du pétrole en rade du parc national de Salonga.
Eve Bazaiba, ministre congolaise de l’Environnement et Développement durable @Photo Droits tiers.
“Étant donné que les blocs qui chevauchent le parc national de Salonga ne sont pas concernés par les appels d’offres en cours, il ne serait pas indiqué actuellement pour l’État de s’engager dans les discussions avec l’Unesco à ce sujet”, fait savoir Eve Bazaiba dans une correspondance référencée n°013/CAB/Minetat/Min-EDD/Dircab/TWBD/03/2024,style sec et vert, au préposé de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture sur la prétendue non-conformité de la RDC.
Créé en 1970 entre les anciennes provinces du Bandundu, de l’Équateur et du Kasaï occidental, pour 36 000 km2, Salonga est le plus vaste parc du pays, la plus grande réserve mondiale de forêt tropicale humide en Afrique et second parc national au monde, après le parc canadien de Wood Buffalo. Le parc divisé en partie nord et sud abrite, en effet, des espèces endémiques menacées dont le paon du Congo, le chimpanzé nain ou “Bonobo”, l’éléphant des forêts (Loxodonta cyclotis) et le gavial africain, aussi connu sous le nom de « faux crocodile ».
En 1984, il est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. En 1999, il est ajouté sur la liste du patrimoine mondial en danger mais y est retiré en 2021. Cependant, depuis 2016, le WWF est partenaire de l’Institut congolais de la conservation de la nature (ICCN) pour la gestion du parc. Toutefois, se fondant sur le rapport des experts du ministère des Hydrocarbures, Eve Bazaiba soutient que le parc national de Salonga est situé dans le bassin de la cuvette centrale, que le bassin de la cuvette a été délimité en 29 blocs pétroliers dont 9 ont été soumis aux appels d’offres en cours., que parmi les 9 blocs (4, 48, 6, 18, 21, 22, 25, Upemba et Moero) concernés par les appels d’offres en cours, aucun d’entre eux ne chevauche le parc.
À ce jour, le ministre sortant des Hydrocarbures, Didier Bidimbu, n’a annoncé aucun preneur d’un bloc pétrolier en rade de la Salonga. Il y a six ans, jour pour jour, le gouvernement avait approuvé, lors de la dernière réunion du Conseil des ministres, le 23 février 2018, le contrat de partage de production du pétrole entre la RDC et l’entreprise COMICO.
Dans le compte-rendu de cette réunion de l’exécutif, l’alors ministre des Médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, n’a guère été plus explicite. Un projet d’ordonnance approuvant ce contrat devrait être soumis au chef de l’État en vue de sa promulgation dans les prochains jours, avait-t-il indiqué. On n’en sait plus… surtout que Joseph Kabila a été remplacé une année plus tard par Félix Tshisekedi.
Des experts au ministère des Hydrocarbures rappellent que le projet de contrat de partage Comico remonte à décembre 2007. Ce contrat est, en fait, d’une part, une joint-venture entre l’État en tant qu’entité à part entière et l’association entre la Société nationale des hydrocarbures (SONAHYDROC SA, ex-COHYDRO), compagnie contrôlée à 100 % par l’État et la Compagnie minière du Congo (COMICO), une société appartenant à Adonis Pouroulis, dont les accointances avec Stoupis, un Grec katangais en conflit foncier avec les acteurs politiques et opérateurs économiques, ne sont pas établis à ce jour. Le contrat porte sur la mise en valeur des blocs I, II et III de la cuvette centrale.
Pour rappel, la région de la cuvette centrale englobe le Sud de l’ex-province de l’Équateur et les parties nord des provinces du Bandundu et de deux ex-Kasaï occidental et oriental. Selon un expert de la SONAHYDROC SA, qui a requis l’anonymat, les blocs engagés dans le contrat de COMICO s’étendraient sur une superficie de 146 000 km², soit cinq fois la surface de la Belgique.
– Sleeping partner –
Toutefois, le gouvernement a mis plus de 10 ans pour donner son quitus à ce contrat de partage. Il fallait au préalable à l’État de se doter d’une loi nouvelle sur le secteur des hydrocarbures en remplacement de celle de 1981 (ordonnance-loi n°81-013 du 2 avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures) inadaptée au contexte actuel, fait comprendre un expert du ministère des Hydrocarbures. Le 1er août 2015, le chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, a promulgué le nouveau code des hydrocarbures (la loi n°15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures) qui fait obligation à la SONAHYDROC de publier sur son site tous les contrats pétroliers avalisés en République démocratique du Congo.
La loi consacre entre autres le contrat de partage de production. La RDC est censée ne plus être un# – partenaire passif et inactif – dans des contrats pétroliers ne se contentant que des royalties que des pétroliers producteurs veulent bien lui donner. Pouroulis serait également propriétaire de la compagnie sud-africaine Petra Diamonds, pour autant, des observateurs croisent les doigts dans l’espoir qu’il ne soit pas qu’un simple commissionnaire qui finirait par vendre ses parts en bourse, à l’étranger. En tout cas, pour le moment, le pétrole n’est exploité que dans le littoral, à Muanda.