Activité populaire à Kinshasa (environ 12 millions d’habitants), si pas la principale. Dans les coins et recoins de la capitale, on peut facilement observer des groupes de jeunes discutant passionnément des derniers matchs de football. Mais au-delà de l’enthousiasme que suscite ce sport lui-même, ces discussions cachent souvent une tout autre réalité : l’addiction aux paris sportifs.
RDC : Plus de 30% des Kinois sont adeptes des paris sportifs selon une étude de Target. @Photo Droits tiers.
Dans cet univers palpitant, l’excitation des matchs se mêle souvent à l’ombre menaçante de l’addiction. Lundi 23 octobre 2023, une enquête du cabinet d’études du marché Target a révélé que des jeunes âgés de 18 à 24 ans sont attirés dans l’engrenage de cette pratique risquée. 4 mois après cette étude, le constat d’Ouragan est plus prononcé car l’intervalle d’âge peut s’étendre jusqu’à 35 ans dans la catégorie des parieurs actifs.
Pour ces jeunes, les paris sportifs ne sont pas seulement un divertissement occasionnel, mais plutôt une porte de sortie des réalités économiques difficiles. Avec le chômage rampant et la pauvreté qui pèse sur leurs épaules, beaucoup voient dans cette pratique de jeu, une lueur d’espoir, une chance de gagner rapidement de l’argent. “Que faire? Le chômage bat son plein, c’est notre mode de vie. On s’adapte par rapport à la réalité du pays”, se défend Camille Ilunga, 26 ans, assis sur une chaise en bois en train de vérifier les scores des matchs pour lesquels il a parié à Bandalungwa.
– Espoir et risque de décrocher le gros lot –
Derrière les promesses de gains faciles se cachent des risques bien réels. L’addiction aux paris sportifs peut transformer une passion innocente en une obsession dévorante, consumant non seulement l’argent mais aussi la santé mentale et les relations sociales.
Des histoires poignantes émergent de cette toile complexe de dépendance. Des jeunes qui dilapident leurs maigres économies durement gagnées dans l’espoir de décrocher la mise, ignorant les signaux d’alarme qui clignotent en rouge. Tel a été le cas de Joël Kazadi, 33 ans, (habitant la commune de Kasa-Vubu), qui se rappelle comment la dépendance à ces jeux a failli lui coûter sa dernière année scolaire.
On m’avait donné l’argent pour que je paie mes frais scolaires à l’école afin de faire les examens d’État. Comme j’étais passionné de pari foot, je me suis dit de miser la moitié de cet argent pour doubler la somme. Malheureusement, je n’avais pas gagné. J’étais obligé d’emprunter l’argent chez un ami pour encore jouer afin de rembourser d’abord la dette de mon ami et ensuite ce que j’avais soutiré de mes frais scolaires. Ça n’avait pas aussi marché. Toutes les stratégies ont échoué. J’étais obligé, à quelques jours des examens d’État, de dire la vérité à la famille. C’était une honte pour moi. Mais malgré cela, ces jeux m’attirent toujours, a-t-il raconté.
Des familles sont déchirées par les dettes et les mensonges, incapables de briser le cycle destructeur de l’addiction de certains parents. “Je n’ai pas de choix. L’argent qu’on nous paie à la fin du mois ne suffit pas à combler les besoins de ma famille. Alors je tente ma chance en pariant sur des matchs. J’ai déjà gagné à plusieurs reprises mais j’échoue aussi très souvent et ça crée des tensions entre moi et ma femme”, a témoigné Benjamin Booto, père de famille.
– Prévenir le danger –
Le pouvoir public, les organisations de santé et les éducateurs sont appelés à sensibiliser surtout les jeunes face aux dangers que représentent les paris sportifs et offrir surtout un soutien aux personnes touchées par la dépendance aux jeux. “Dans ce monde d’adrénaline et de risques, il est crucial de se rappeler que les paris sportifs ne sont pas un remède miracle contre les difficultés de la vie. Seule une approche équilibrée, basée sur l’éducation, le soutien et la prise de conscience, peut aider à détourner les jeunes de ce chemin périlleux et à les guider vers un avenir plus sûr et plus prometteur”, a conseillé Jonathan Tshiabenda, coordonnateur du Collectif jeunes actifs (CJA).
Mais la bataille est loin d’être gagnée. Avec l’avènement des paris en ligne et la facilité d’accès aux plateformes de jeu sur internet, le piège se referme de plus en plus rapidement sur de parieurs en herbe