À la suite d’une offre excédentaire du cobalt, le double des prévisions sur le marché en 2023, le Suisse Glencore a perdu, selon Cobalt Institute, depuis début janvier 2024, son statut de premier producteur mondial de cobalt au profit du groupe chinois CMOC, propriétaire de Tenke Fungurume, la mine la plus fabuleuse du monde, selon Georges Forrest. Qu’a donc gagné la RDC dans la surproduction de deux géants miniers tous opérant au Grand Katanga ?
Une mine de Tenke Fungurume au Lualaba @Photo Droits tiers.
La RDC a, en effet, contribué à 80 % dans cette offre excédentaire, avec notamment l’ajout d’environ 37 000 tonnes de cobalt à sa production de 2022, poursuit Cobalt Institute. La production mondiale du cobalt a donc enregistré une hausse de 23 % en glissement annuel par rapport à 2022, pour atteindre 246 000 tonnes en 2023. Cette augmentation de l’offre congolaise est le fruit du chinois CMOC qui a manqué de peu de tripler sa production de l’exercice 2023, 56 000 tonnes contre 20 000 tonnes en 2022. La production de cobalt de CMOC a augmenté de 170 %, l’an dernier.
La compagnie minière, propriétaire des mines Tenke Fungurume et Kisanfu en RDC, en a profité pour détrôner le suisse Glencore comme premier producteur mondial de ce métal stratégique notamment dans la fabrication des batteries pour des véhicules électriques.
– Super-profit, les calculs biaisés –
Les bénéfices réalisés par les opérateurs miniers lorsque les cours ou des commodités connaissent un accroissement exceptionnel supérieur à 25% par rapport à ceux repris dans l’étude de faisabilité bancable du projet, l’impôt spécial sur les profils excédentaires est de stricte application. Mais des experts notent que l’État congolais ne maîtrise pas assez tous les paramètres sur le calcul du fameux “impôt sur le super-profit”. En 2022, alors que le Trésor ne misait que sur 100 petits milliards de francs, l’impôt spécial a plutôt rapporté plus de 867,7 milliards de FC, nettement 867 684 456 825 FC.
Curieusement, pour l’exercice 2023, alors que les cours mondiaux des mines sont demeurés en hausse et la production a suivi la même tendance, la Direction générale des impôts (DGI) a revu à la baisse sa prévision sur le super-profit à 742 045 890 004FC. Pis, pour l’exercice 2024, si la DGI porte ses prévisions à 910 613 976 227 FC pour l’impôt spécial sur les profits excédentaires, les assignations du ministère des Finances ne se limiteraient qu’à 868 228 923 124 FC. La Fédération des entreprises du Congo (FEC), principal patronat du pays, ne veut pas de l’impôt spécial sur le super-profit. Elle a monté un lobbying qui semble porter des fruits.
– Connivence de la FEC –
À la faveur de son dernier forum, tenu fin octobre 2022, la Chambre des Mines de la FEC a, en effet, proposé au gouvernement, d’envisager une amélioration de la rédaction des dispositions des articles 251 bis du Code minier et 530 bis du règlement minier pour modifier les modalités de calcul et les éléments d’assiette taxable de cet impôt (à ce jour, ces éléments s’avèrent être subjectifs car se basant sur des projections). La FEC/Mines va plus loin en proposant au gouvernement d’imiter “des pays comme le Ghana, la Guinée et la Côte d’Ivoire, qui ont abandonné la perception du super-profit au regard des difficultés qu’il présente par rapport à la fixation de sa base de calcul et les éléments d’assiette objectifs à prendre en compte”. Une lecture comparative trop simpliste, par ricochet, biaisée, selon ce cadre du CEEC. L’apport des mines au Budget de l’État au Congo, fait-il comprendre, n’est pas à comparer avec ces pays lilliputiens miniers. En outre, la RDC a subi une véritable saignée depuis plus de 20 ans suite aux tromperies de mêmes entreprises qui réclament aujourd’hui la suppression de l’impôt sur le super-profit.
Les opérateurs miniers affiliés à la FEC ne s’accordent pas, en effet, avec la DGI sur le calcul de l’impôt spécial sur les profits excédentaires ou l’impôt sur les super-profits chiffrés sur des bases contestables, soutiennent-ils. Pour la FEC/Mines, la perception de cet impôt est devenue un sujet de vive tension entre l’administration fiscale et les entreprises à la suite des interprétations divergentes sur des éléments d’assiette à prendre en compte et les modalités de calcul.
Les études de faisabilité, selon les miniers, étant des prévisions, ne devraient pas être remises en cause par l’administration afin de faire payer à tout prix aux entreprises, un impôt qui n’est pas dû sur un super-profit non réalisé. Le dernier forum des miniers affiliés à la FEC a sollicité une tripartite présidence-gouvernement-FEC pour une harmonisation des vues. Les minings membres de la FEC rejettent également le taux d’humidité pour l’hydroxyde de cobalt qu’ils jugent non seulement exagéré par le fisc mais aussi qu’il a été fixé unilatéralement par l’État. La douane (DGDA), le fisc (DGI), l’administration non fiscale (DGRAD) et même les provinces et ETD accablent les opérateurs miniers des taxes et redevances extralégales, selon la Chambre des Mines de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Les entreprises minières s’opposent sur presque tout, notamment sur l’application de l’article 234 alinéa 3 qui limite le taux des redevances à payer à l’exportation à 1% de la valeur commerciale brute. La Chambre des Mines de la FEC, principal patronat congolais, déplore, en effet, la multiplicité des perceptions dépassant le maximum de 1%. Il est noté une nette divergence entre la douane et les minings sur la base à considérer par les deux parties : valeur mercuriale ou valeur marchande ?
Pour la direction générale des douanes et accises, la valeur mercuriale doit être considérée comme une valeur marchande. Par conséquent, il n’est point question d’appliquer la base utilisée pour le calcul de la redevance minière qui se fonde sur le code minier révisé. Pour 2024, Cobalt Institute note que, bien que les fondamentaux du marché restent intacts, avec une demande mondiale qui devrait continuer à augmenter, l’excédent enregistré sur le marché l’année dernière a impacté les prix du cobalt, qui ont chuté d’environ 30 %.
Alors que le cabinet Rystad Energy prévoit l’un des excédents les plus importants jamais enregistrés en 2024, les prix pourraient encore rester faibles cette année, réduisant les bénéfices des producteurs. Le grand problème pour la RDC est que Glencore et CMOC ont été mis maintes fois à l’index pour dol, minoration des productions, déclarations fiscales erronées, tentatives de corruption sinon avérées…