Disons-le sans langue de bois : c’est le meilleur groupe congolais qui excelle dans le hip-hop, précisément dans le genre rap. Au moins jusqu’à présent. A chaque sortie, le MPR, composé de Zozo Machine et Yuma Dash, ne déçoit point. Il place toujours la barre haut dans sa manière de jongler avec les mots et par ses thèmes très ancrés dans la réalité congolaise. Et c’est le cas avec sa nouvelle chanson Keba, qui signifie en lingala “attention”.

– Un poème sombre –

Alors que la campagne électorale a débuté le 19 novembre, MPR a mis sur la toile son morceau un jour avant. Une manière d’alerter la population alors que le vote approche (20 décembre 2023), puisque le morceau interpelle la conscience des Congolais afin de faire le bon choix pour le bien-être du pays.

Si la RDC va de mal en pis depuis trois décennies dans plusieurs domaines, Zozo Machine, celui qui rappe, par son phrasé sombre et mélancolique rend la responsabilité aux politiciens :” nous manquons de tout depuis que les politiciens ont tout pris”, peut-on entendre dès le premier couplet.

Ainsi, le train du verbe et les phrases imagées défilent, bolides lancés à vive allure : “la guerre du Congo est une chanson dont le refrain se trouve dans l’est” ou encore “Ils font tomber la montagne de l’avenir. Ils ont détruit le cœur du futur…” Zozo Machine a l’art de trouver les punchlines dans ce qui fait mal aux Congolais : “les politiciens trouvent de la joie dans les larmes du peuple”, enchaîne-t-il, ajoutant quelques secondes plus tard en ironisant : “le malheur du pouvoir, c’est de voir le peuple heureux”.

– Le duel métaphorique –

La force de ce morceau, au-delà des figures de style comme métaphore, réside dans l’émotion, dans ce que vivent les Congolais “comme cris de douleur”. C’est la mélancolie qui traverse cette chanson de part en part, allant jusqu’à pointer du doigt “une presse attachée”.

Zozo sous-entend que certains journalistes sont corrompus. Ils font de la propagande et non de l’information. D’ailleurs, cette note de tristesse s’accentue avec le refrain chanté par Yuma Dash accompagné d’un chœur d’enfants : “l’habit de honte que vous portez, vous ne sentez pas son fardeau. Tu veux enlever la paille dans mon œil, tandis que dans le tien il y en a toujours”, chantent-ils. Et d’ajouter : “nos ennemis ne sont pas seulement ceux qui sont à l’extérieur du pays, mais vous qui êtes à l’intérieur”.

Le duel métaphorique auquel on assiste à l’intérieur de chaque phrase, fait de ce timbre un morceau tout à fait unique. Si les voix des enfants sont associées à cette chanson, c’est pour décrire un tableau sombre : les enfants subissent aussi les conséquences de l’égocentrisme de ceux qui dirigent ce pays. D’ailleurs, leur regard dans le clip en dit plus, traduisant l’abandon, la solitude, la faim, la souffrance…

– Congolais, c’est
l’émotion –

Comme le rap conscient est caractérisé par un message politique, social…, dans le morceau Keba, le MPR ne tire pas seulement sur ceux qui dirigent le pays, mais aussi sur ceux qui sont dirigés. Ces derniers se plaignent de l’allure morose qu’a pris le pays jusqu’à vouloir à ce que l’ancien président rentre au pouvoir. Pourtant, enchaîne Zozo, “ils oublient les 18 ans passés à subir le gaz lacrymogène, les balles réelles, la censure et l’oppression…”. Cet état montre l’inconstance de certains congolais qui se laissent ballottés facilement par les propos des politiciens sans recourir à la réflexion. “Congolais, c’est l’émotion; Congolais, c’est le sentiment”, rappe-t-il.

Keba est un bon texte. Un sujet qui est commandé par l’actualité. Le visuel est aussi magnifique puisqu’il se concorde avec le morceau. Comme dans leurs morceaux ECM ou Nini tosali te, les deux musiciens qui composent le groupe MPR, ont tout donné. Ils se sont impliqués. C’est l’une de leurs meilleures chansons puisqu’il y a tout ce qui compose un bon morceau.