Deux forces menacent la ville de Goma. Le M23 et l’armée rwandaise ciblent la capitale provinciale du Nord-Kivu et agitent au même moment le spectre de l’envahir en guise de pression sur Kinshasa afin de le contraindre à négocier alors que la communauté internationale, à travers les Nations unies (Monusco), vient de lever l’option d’aider militairement l’armée congolaise à protéger la ville.

A l’international, les pressions s’accroissent. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken s’est entretenu séparément avec le président Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame. Avec les deux chefs d’Etat, Blinken a exprimé son inquiétude sur la situation instable persistante et surtout l’aggravation de la crise humanitaire le long de la frontière commune entre le Rwanda et la RDC. Le secrétaire d’État américain a plaidé en faveur d’une solution diplomatique aux tensions entre les deux pays et a exhorté chaque partie à prendre des mesures pour désamorcer la situation, notamment en retirant les troupes le long de la frontière commune.

Pendant ce temps, la réunion extraordinaire du sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a eu lieu à Luanda (République d’Angola) le 4 novembre 2023 pour statuer sur la résolution durable de la crise. Sommet ouvert officiellement par le président de la SADC et président de la République d’Angola, João Manuel Gonçalves Lourenço. Plusieurs chefs d’État et de gouvernement ou leurs représentants y ont activement pris part parmi lesquels Félix-Tshisekedi de la RDC, Matamela Cyril Ramaphosa de l’Afrique du Sud, Dr Samia Suluhu Hassan de la Tanzanie, Hakainde Hichilema de la Zambie et Dr Emmerson Dambudzo Mnangagwa du Zimbabwe.

– Tshisekedi et Kagame s’évitent dangereusement –

Félix Tshisekedi et Paul Kagame s’évitent colériquement depuis que les combats se sont intensifiés dans le Rutshuru au Nord-Kivu. Il y a plus d’une année, lors de la 58e réunion du Conseil des ministres le vendredi 17 juin 2022 par visioconférence, Félix Tshisekedi avait qualifié la situation de grave. «La situation est grave, car notre pays fait face à une agression qui viole les traités internationaux”, avait-il dénoncé, en indiquant qu’il est plus que jamais temps de « mettre de côté toutes les divergences et de se mobiliser derrière les forces de sécurité pour défendre l’unité et l’intégrité de notre pays”. Félix Tshisekedi avait, par la même occasion, appelé à un recrutement massif au sein des forces armées congolaises tout en invitant la classe politique à mettre de côté les querelles politiciennes.

De son côté, Paul Kagame a multiplié depuis plus d’une année, des réunions de conscientisation nationale autour du conflit dont il n’est pas innocent dans l’est de la RDC. “Le problème n’est pas entre moi et Tshisekedi, mais entre Tshisekedi et le M23”, avait-il rejeté au cours d’une interview avec le magazine Jeune Afrique en janvier 2023. Depuis, toutes les tentatives de rapprochement se sont soldées par un échec. En mars 2023, Emmanuel Macron en visite d’État à Kinshasa avait tenté de raviver le dialogue entre Tshisekedi et Kagame, sans y parvenir. « Ce n’est pas une agression d’une puissance extérieure, ils sont soutenus par plusieurs puissances extérieures dans une logique de prédation. Ces groupes ont aussi des ressortissants qui sont de votre pays, c’est une réalité », avait-il expliqué.

Samedi dernier, le sommet des chefs d’État de la SADC a exprimé sa préoccupation face à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans l’est de la République démocratique du Congo et à la reprise signalée des attaques et de l’occupation du territoire congolais par le M23, en violation du cessez-le-feu. “Le sommet a fourni des orientations stratégiques sur le déploiement de la Mission de la SADC en République démocratique du Congo (SADC) dans le but de restaurer la paix et la sécurité dans le pays. Le sommet a rappelé qu’il était nécessaire que la SADC prenne le devant des efforts visant à mobiliser des ressources nécessaires à la promotion de la paix et de la sécurité dans la région. Ces efforts incluent la relance des échanges en vue d’établir et de rendre opérationnel le Fonds pour la paix de la SADC ainsi que la concertation avec les partenaires internationaux de coopération”, a-t-on lu dans le communiqué final du 4 novembre 2023.

Le sommet de la SADC a salué les efforts déployés par João Manuel Gonçalves Lourenço en tant que facilitateur désigné par l’Union africaine (UA) afin de rétablir la paix dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). C’est ainsi que “le Sommet a chargé le président de la SADC, avec le concours de la Troïka de l’Organe, de redoubler d’efforts diplomatiques auprès de la République démocratique du Congo (RDC) et de la République du Rwanda afin de parvenir à une paix durable en RDC”, a souligné le communiqué de l’organisation sous-régionale. Autrement dit, les deux chefs d’État, Félix Tshisekedi et Paul Kagame, doivent quitter leurs zones de suspicion et de méfiance réciproques pour se reconnecter, se saluer et parler. Reste à savoir quel sera le format du dispositif de rapprochement entre les deux pays à travers les deux personnalités. Le plus attendu est sans doute une rencontre au sommet entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame.