Canailleries, rapines de préséance. Le budget 2024, en toilettage dans les commissions Écofin du Sénat et de l’Assemblée nationale, compte des actes de délinquance, pour reprendre l’expression de Delly Sesanga. La présidence de la République et la primature se distinguent, en effet, par des empiétements et extorsions des prérogatives revenant aux ministères sectoriels, dont la Santé publique, la Défense, la Décentralisation.
Le bâtiment du gouvernement sur le boulevard du 30 juin à Kinshasa @Photo Droits tiers.
Selon le projet du budget 2024, la présidence de la République va, en effet, gérer la couverture santé universelle. La primature se charge de l’opérationnalisation de l’Autorité de régulation de la couverture santé universelle. Le ministère sectoriel n’a en rien été associé dans ce projet. Ce cas est loin d’être isolé. Pour la présidence, des crédits de l’ordre de 241 522 655 174 FC, soit plus de 95,9 millions de dollars ont été accordés non seulement à la couverture santé, mais aussi à l’Agence nationale pour la protection du patrimoine immobilier de l’État (AN-PPIE). Cette nième nouvelle structure devrait, en toute logique, revenir au ministère de l’Urbanisme et habitat. Autre projet juteux, la réhabilitation et l’équipement de l’hôpital du centre d’entrainement de Kibomango, 37,9 milliards de FC, soit plus de 15 millions de dollars, adjugé à la présidence de la République au détriment du ministère de la Défense nationale. La liste n’est pas exhaustive.
Outre le projet santé sus-évoqué, la primature a repris à son compte la caisse nationale de péréquation. Les deux affaires sont créditées de 8 000 000 000 FC, soit un peu moins de trois millions de dollars. Ce n’est pas tout, le cabinet du 1er ministre reprend également à son compte “le financement des projets pour assurer l’équilibre de développement entre les provinces, 930 424 319 638 FC, environ 370 millions de dollars.
Du temps de Joseph Kabila, la Caisse nationale de péréquation, placée sous tutelle du gouvernement, selon la loi organique la créant, était, en pratique placée sous la gestion du ministre ayant la Décentralisation dans ses prérogatives, alors que le ministre des Finances était censé veiller à son financement à hauteur de 10% du budget. La Caisse a, en effet, pour mission de financer des projets et programmes d’investissement public, en vue d’assurer la solidarité nationale et corriger le déséquilibre de développement entre les provinces et entre les entités territoriales décentralisées.
Curieusement, le cabinet du 1er ministre a fait de la principale mission de la Caisse nationale de péréquation, un poste de dépenses à part entière ! Selon les différentes sources, la Caisse nationale de péréquation a été sacrifiée au profit du projet de développement de 145 territoires. La Caisse n’a même pas été associée à la gestion des fonds de PDL-145T confiée plutôt aux agences d’exécution, PNUD, CFEF et BCECO.
Depuis sa création en 2016, la Caisse a plutôt été sevrée de financement. Selon l’ONG Centre des Recherches en finances publiques et développement local (CREFDL), “entre 2019 et 2023, le gouvernement a prévu de reverser 1 301,1 milliards de dollars à la Caisse nationale de péréquation pour assurer le financement des projets de développement. Malgré l’engagement des crédits, le paiement n’a jamais été effectué en faveur de cette dernière ». Et l’ONG de poursuivre qu’au cours de la même période, sur les prévisions de 2,8 milliards de dollars alignés en faveur des investissements en provinces et aux ETD, 76 millions de dollars ont été débloqués. Ce montant ne représente que 2,7 % des prévisions. De plus, durant les 4 ans , c’est 2 400 projets qui n’ont pas été financés. Car chaque année, il y a au moins 800 projets prévus. Mais l’exécution a toujours posé problème.