L’assassinat crapuleux de Chérubin Okende attriste l’ensemble de la classe politique et sociale de la République démocratique du Congo. Corneille Nangaa Yobeluo, président de l’ADCP et Denis Mukwege, prix Nobel de la paix joingnent leurs voix de tristesse à l’ensemble du peuple congolais.
Le corps inerte de l’opposant Chérubin Okende retrouvé jeudi aux premières heures sur la route des Poids Lourds à Kinshasa. @Photo Droits tiers.
Une pluie de messages de condoléances ne cesse d’abonder depuis la découverte jeudi matin du corps sans vie du député national Chérubin Okende Senga mort assassiné à Kinshasa (Poids Lourds) le 13 juillet 2023. L’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et président de l’action pour la dignité du Congo et de son peuple (ADCP) n’a pas retenu ses larmes. Pour lui, il s’agit ni plus ni moins d’un crime d’Etat. Il ajoute que depuis quelques temps, il s’observe une flambée d’insécurité qui ne cible que des personnalités de l’opposition, c’est-à-dire, celles ne faisant pas partie de la majorité présidentielle symbolisée par l’Union sacrée de la nation. “Crime d’Etat ! Flambée d’insécurité contre ceux qui ne sont pas USN (bon côté de l’histoire)! Sic! Modus operandi: Menacer; arquepincer; priver de liberté…; sinon, zigouiller. Etat capharnaüm ! À la famille politique et biologique Okende (fils Lumumba), sincères condoléances!”, a-t-il tweeté depuis l’extérieur du pays où il séjourne en tournée de consultation.
Le leader de l’ADCP reconnaît en l’illustre disparu des qualités ineffaçables. L’acteur politique, porte-parole d’Ensemble pour la République est qualifié de “fils Lumumba” pour ses origines du Sankuru. Nangaa rend hommage à un digne fils du Congo qui a su marquer son temps et son parcours en politique.
Mukwege affligé
De son côté, Denis Mukwege, le prix Nobel de la paix s’indigne de ce crime odieux pour lequel il exige des enquêtes les plus exemplaires. Le toubib présumé candidat à l’élection présidentielle de décembre exige, comme Katumbi, “une enquête indépendante” afin de remonter la filière et mettre la main sur les véritables auteurs de ce forfait. “Choqué par l’enlèvement suivi de l’assassinat odieux du député national Chérubin Okende. Exigeons une enquête indépendante sur ce crime grave commis dans un climat de répression de l’opposition et de rétrécissement des libertés à la veille d’élections générales”, a-t-il réagi jeudi soir.
Peu après, la Mission d’observation des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco) avait salué la décision des autorités congolaises de tout mettre en œuvre pour trouver les coupables et rendre justice. La Monusco a condamné fermement le meurtre de Chérubin Okende tout en adressant ses condoléances aux familles biologique et politique du défunt.
Élections hypothétiques
Pour la journaliste Collette Brackman de “Libre Belgique”, à cinq mois du scrutin, la campagne électorale en RDC dérape déjà. “Alors qu’à Bruxelles, ils prenaient la parole pour dénoncer la détention arbitraire de Salomon Kalonda, le bras droit de Katumbi, arrêté le 30 mai dernier en vertu de la législation sur la sécurité nationale et détenu à la prison militaire de N’Dolo, ils apprenaient que le corps de Cherubin Okende avait été retrouvé dans son véhicule, criblé de balles, sur l’avenue dite des Poids lourds”, écrit-elle. La veille, le parti du député avait fait savoir que ce dernier avait été enlevé sur le parking de la Cour constitutionnelle. Sans doute son corps a-t-il été ramené à sa voiture par la suite. Au moment où les avocats bruxellois communiquaient leurs craintes, Kinshasa était étrangement calme, comme tétanisée par un crime manifestement prémédité, commis de sang froid et rappelant douloureusement la mort de Floribert Chebeya, ce militant des droits de l’homme retrouvé mort dans sa voiture après avoir rendu visite au chef de la police, le général John Numbi, rapporte la journaliste. Okende se préparait à la campagne électorale. Élu du district de la Lukunga en 2018, il était très populaire à Kinshasa où sont nombreux les membres de son groupe ethnique, les Tetela. Très proche de Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga et premier rival du président sortant Félix Tshisekedi, Cherubin Okende avait démissionné de son poste de ministre des Transports à la suite d’un différend portant sur l’avion personnel du chef de l’Etat, révèle Brackman. La détérioration de la situation politique et la perspective de voir Félix Tshisekedi tenté de passer en force, assuré de l’appui des gens de sa coterie ethnique, avait fini par inquiéter son prédécesseur le président Joseph Kabila. Ce dernier était sorti de son mutisme et de ses propriétés terriennes pour s’entretenir du péril avec les « vieux sages » de la région, le président Sassou Nguesso du Congo Brazzaville et Joao Lourenço d’Angola, médiateur dans le conflit qui oppose Kinshasa au Rwanda à propos de l’Est du Congo.