Tribune. Pour une surprise, c’en est une. Nul n’avait vu venir une telle sortie de presse de la part d’un Martin Fayulu qui se voit pourtant président de la République tous les matins devant son miroir. Se défiler face à l’exigence légale de présenter des listes suffisamment représentatives pour être déclarées recevables est un aveu d’impuissance mal dissimulé dont les causes profondes constitueront la toile de fond de la présente dissertation.
Les faits
En réalité, Fayulu est tout simplement en train de faire face à la réalité de son véritable maillage politique. Certes, par un certain effet de mode lié au rejet massif du régime de Joseph Kabila, Martin Fayulu, sans envergure nationale aucune, avait pu être porté par une coalition de néocolinisés à Genève, à la surprise générale. Un peu comme par enchantement, l’illustre inconnu – légitiment qualifié à l’époque de souris naine par l’ancien porte-parole du gouvernement et président de la CCU, Lambert Mende Omalanga, fut porté à bout de bras par tous les relais des supprematistes occidentaux en République démocratique du Congo, jusqu’à se hisser dans le duo de tête des meilleurs élus à la présidentielle de 2018, derrière le président élu Félix Tshisekedi Tshilombo.
Mais si le président de la République en exercice pouvait à bon escient se prévaloir d’un encrage populaire authentique, de par la lutte menée par son parti politique, l’UDPS, Fayulu, qui n’était que président fondateur d’un parti malette, ne devait sa subite popularité que respectivement aux mouvements citoyens d’inspiration néolibérale, à une certaine pègre de prélats stipendiés de l’Eglise catholique, ainsi qu’à ses compères candidats présidents invalidés que furent jadis Adolphe Muzito, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi.
La fin du rêve éveillé
Or, il se trouve que tous les trépieds qui avaient donné à Fayulu une épaisseur de présidentiable ont peu ou prou recouvré leur autonomie, sevrant ainsi Fayulu de sa gloire éphémère de 2018. La réalité est que le parti de Fayulu n’a jamais été véritablement implanté ailleurs que dans la capitale et dans son territoire d’origine de Bagata, en province du Kwilu.
Le brutal retour à la Canossa
D’aucuns n’arrivaient pas à cerner une certaine agitation qui s’était emparée dernièrement de Martin Fayulu en pleine année électorale. Telle la cigale ayant chanté tout l’été, Martin Fayulu ne s’était manifestement pas donné le temps et les moyens de préparer les élections qu’il espérait en voie d’être renvoyées aux calendes grecques. De toute évidence, la détermination du pouvoir d’organiser coûte que coûte les élections dans les délais constitutionnels en a surpris plus d’un dans les oppositions, surtout parmi ceux qui avaient tout misé sur le dialogue devant découler d’un glissement putatif.
Face à la détermination de la CENI dont la fiabilité du fichier électoral a convaincu la représentation nationale à voter la loi sur la répartition des sièges, Martin Fayulu n’avait pas d’autres choix que de faire cette fuite en avant à laquelle les Congolais ont assisté, ébahis, ce lundi 19 juin 2023, en matinée.
Des faux-fuyants démodés
Fidèle à son schéma de conciliabules polititiciennes pour continuer à bénéficier d’un peu de vent dans ses voiles, Martin Fayulu a réchauffé sans convaincre une vieille rengaine de ”fichier électoral corrompu”, du reste apanage de l’opposition tshisekediste. Pendant que tout le monde sait qu’à l’ère du numérique et du VSAT, il n’est pas possible de prendre des libertés avec les chiffres et les empreintes digitales.
La vieille stratégie usitée par les assermentés de Genève, consistant à diaboliser la machine à voter dans la perspective de la recherche d’un chaos généralisé, semble n’avoir pas quitté l’esprit de Fayulu, toujours à l’affût du raccourci le plus bref pour s’adjuger le top job dans le dos du souverain primaire.
Le bal des chauve-souris
Tout compte fait, depuis qu’il poursuit le fauteuil présidentiel comme une ombre, Martin Fayulu ne s’embarrasse guère des principes éthiques et républicains. Tout porte à croire que pour lui, qu’importe le chemin emprunté, l’essentiel est de demeurer en embuscade au cas où… Certains diraient même que l’ancien restaurateur de “Faden bouffe” est devenu un curieux disciple de Nicolas Machiavel pour qui tous les moyens sont bons pourvu que l’objectif visé soit atteint.
Sinon, comment croire que Fayulu puisse s’acoquiner avec Matata Ponyo Mapon, après l’avoir ostensiblement accusé d’avoir détourné les fonds du cheval blanc que fut l’initiative du parc agro-industriel de Bukangalonzo ? Qui pouvait imaginer un seul instant que le prétendument intransigeant Fayulu pourrait convoler, sans transition ni justifications, en justes noces avec Moïse Katumbi, celui-là même qui avait récemment fait faux bond à Lamuka pour rejoindre l’Union sacrée à sa genèse ? La réponse la plus plausible à ces deux questions est que Fayulu est prêt à tout pour se vendre à quiconque tient du bon bout le coordon de la bourse. Inutile de chercher loin les raisons de sa séparation d’avec son frère siamois Adolphe Muzito, certainement fatigué d’avoir été cyniquement pressé comme une canne à sucre…
Cette fois-ci, mal semble lui en avoir pris. Car à peine a-t-il relayé sa déclaration politique sur Twitter en claironnant naïvement : “nous avons décidé de ne pas déposer les candidatures de nos membres à tous les niveaux des élections, tant que le fichier électoral, c.à.d la liste des électeurs ne sera pas refaite dans la transparence et auditée par un cabinet extérieur compétent en la matière” ; le leader du parti ECIDE a aussitôt été repris de volée par la caisse de résonance de Moïse Katumbi. Réponse du berger à la bergère, Olivier Kamitatu a d’emblée recadré sans ambages Fayulu en des termes clairs : “nous ne sommes pas naïfs. Nous les affronterons tête haute ! Ensemble-MK & alliés présentera des listes à tous les niveaux. Jusqu’au bout nous lutterons pour des élections démocratiques et inclusives, & nous vaincrons” . Fayulu n’a même pas eu besoin d’une repartie musclée de la majorité au pouvoir pour s’écrouler comme un château des cartes. Ses concurrents de l’opposition, avec lesquels il pensait pouvoir faire bon ménage pendant un moment, se sont visiblement chargés de le dénuder publiquement.
Il est clair que Fayulu pensait créer un effet domino dans l’opposition avec sa déclaration politique ratée de boycott, à la suite de l’un de ses sponsors tapi à Kingakati, qui était le premier à enfourcher la rengaine du sabotage du processus électoral.
Est pris qui croyait prendre. Au lieu des émules escomptées par son refus d’aller aux élections, Fayulu s’est lui-même tiré une balle dans les pieds en se dépouillant lui-même de sa superbe. Il va certainement expérimenter seul son nanisme politique à la taille de son parti ECIDE, nanti de seulement 3 députés nationaux. Et l’opinion d’observer, médusée, l’explosion en plein vol d’une baudruche de seconde main.
Jean Thierry Monsenepwo Mototo, Cadre de l’Union sacrée