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ODEP : le budget des 16 milliards USD n’est pas crédible

Il faut repenser la gestion globale du cycle budgétaire de la République démocratique du Congo. Florimond Muteba, président du conseil d’administration de l’Observatoire de la dépense publique (ODEP), alerte le gouvernement congolais sur le risque de ne pas pouvoir couvrir les charges spéciales liées à la guerre et aux élections si le budget n’est pas stabilisé et la corruption endiguée.

Florimond Muteba, président du Conseil d’administration de l’ODEP @Photo Droits tiers.

publié le 16 mai 2023 à 05:04:00

Dans un entretien à Ouragan.cd, il annonce des mauvais présages, une fin d’année 2023 très difficile avec des manques de moyens pour les élections, les salaires des fonctionnaires de l’État notamment. Au lieu d’avoir des fonds secrets de recherche et des fonds spéciaux d’intervention, partout, à gauche à droite, le numéro un de l’ODEP, Florimond Muteba pense que cette masse d’argent devrait être remise aux services de renseignements, aux services spéciaux et à l’armée, pour bien défendre l’intégrité territoriale de la RDC.

Ouragan : Depuis que le gouvernement a annoncé un budget des 16 milliards de dollars, les observateurs ne voient aucun indice qui semble montrer que ce montant sera réellement atteint. Est-ce qu’il y a eu surévaluation ?

Florimond Muteba : L’un des grands problèmes que nous avons dans notre pays depuis longtemps, c’est la crédibilité du budget. Telles que les prévisions sont faites, est-ce que c’est crédible ?. C’est là où disons qu’il y a un sérieux problème, parce que, regardez, le budget était préparé par le gouvernement, il a même été augmenté par le Parlement (le Sénat et l’Assemblée nationale), et on est arrivé à 16 milliards. Mais là, le problème, c’est quoi ? Regardez, le budget a été promulgué au courant du mois de décembre. Mais déjà dès le premier mois, nous n’avons mobilisé que 500 millions de dollars et dépensé 730 millions. Comme vous le savez, donc plus de dépenses que de recettes mobilisées. Et du coup, il a fallu l’intervention des Fonds des bailleurs, notamment le FMI pour combler la différence. Vous vous rappelez à l’époque que j’avais craint qu’on ne recourt à la planche à billets. Mais bon, le ministre des Finances avait dit le contraire. Est-ce la cause de la méfiance ou de la dépréciation de la monnaie ?. Au mois de février, nous avons mobilisé 494 millions ; au troisième mois, le mois de mars, nous avons mobilisé environ 600 millions de dollars. Mais si nous voulons atteindre 16 milliards, si on prend la moyenne par mois, c’est un milliard trois cents millions. Regardez le gap, il est chaque mois de huit cents millions. Donc on est déjà à un gap pour le premier trimestre de deux milliards quatre cents millions. On va le combler comment ? Et donc ça, c’est la première réflexion qui est basée sur les chiffres que nous avons reçus. Et donc, on ne dit pas ça parce qu’on est pessimiste ou qu’on ne veut pas que notre gouvernement atteigne ses objectifs en matière de mobilisation des recettes. On aimerait bien. Mais le constat est celui que je suis en train de faire, c’est-à-dire nos prévisions budgétaires, franchement, ne sont pas crédibles. Est-ce qu’au mois d’avril nous allons avoir quatre milliards pour combler le gap du premier trimestre ? Attendons voir. Mais, pour moi c’est la non crédibilité de notre pays.

Comment rendre ce budget réaliste ? Faut-il un collectif budgétaire ?

Il est important de le rendre réaliste parce qu’on arrive pas à mobiliser les recettes comme prévu. Mais actuellement, on dépense comme si on avait un budget d’un milliard trois cents millions, c’est-à-dire le budget de seize milliards était vraiment réaliste. Donc à un certain moment, le gouvernement doit pouvoir revenir à des prévisions réalistes et, en ce moment-là, faire un collectif budgétaire pour corriger là où les prévisions n’étaient pas réalistes. Plus tôt, on s’y prendra mieux ça vaudra.

Est-ce que le problème ne se pose pas en termes de mobilisation des recettes ?

Oui, il n’y a pas que la mobilisation des recettes, il y a aussi l’irrationalité des dépenses comme d’habitude. Comme nous avons le dépassement de deux cent trente millions du mois de janvier. Mais le gros problème, c’est ce que vous-même vous dites, c’est le problème de la mobilisation des recettes. Le problème aussi de la mobilisation des recettes est lié à quoi? Vous voyez le contexte actuel, avec le nouveau gouvernement. Un gouvernement qui ne se résout pas à en finir avec l’impunité. Les ministres qui ont été nommés, je ne veux pas citer leurs noms. Il y en a même qui ont été arrêtés pour détournement. Il y en a qui ont été accusés par l’IGF. Rappelez-vous de notre ministre du Portefeuille, avec l’affaire Cominière. Donc je ne veux pas continuer la liste. Il y a pas mal des ministres dans ce cas ou soit qui avaient déjà été condamnés pour des détournements. Ou soit qui peuvent encore l’être parce qu’ils sont accusés avec preuves par l’IGF dans leur gestion des finances publiques. Et donc, oui il se pose un problème en termes de mobilisation. Mais comment voulez-vous encourager les agents qui mobilisent à partir du moment où vous brillez par l’impunité de ceux qui précédemment ont commis les erreurs. Est-ce que c’est l’exemple qu’il faut donner à ceux qui mobilisent les recettes? On les pousse au crime en sachant qu’une fois, ils ont fait le crime, on va un jour les traiter des hommes sérieux…

Donc, la mauvaise affectation des dépenses est le ventre mou de ce budget ?

Bien sûr que la mauvaise affectation des dépenses, c’est de l’irrationalité comme nous l’avons dit. Malheureusement ça continue. Nous avons l’exemple du mois de janvier. Mais le gros problème, c’est la mobilisation des recettes. Même si on arrivait à mobiliser les recettes comme prévu, si les dépenses aussi sont irrationnelles, ce n’est pas bien. Parce qu’en ce moment-là, on va gaspiller les recettes qu’on a mobilisées dans des dépenses irrationnelles. Le problème, c’est la gestion globale du cycle budgétaire qui pose problème. En recettes comme en dépenses, on doit mobiliser oui, mais on doit aussi rationaliser les dépenses, éviter le dépassement budgétaire, surtout celles des institutions. On a vu l’année dernière, il y avait même des universités, comme l’UNIKIN et l’UPN, qui avaient fait des dépassements pharaoniques. À l’UPN, c’était neuf mille six cents pourcents de dépassement budgétaire. Presque quatre mille à l’UNIKIN, etc. Voilà le type des dépenses qu’on fait et qui sont en dépassement. Même si vous mobilisez, parce qu’il faut voir quel est le fondement de ces dépassements, il faut analyser. D’ailleurs, l’IGF ferait mieux de passer par là, par ces universités qui brillent dans le dépassement budgétaire.

Quels sont les secteurs qui doivent, selon vous, être prioritaires ?

Le secteur prioritaire, c’est la défense nationale. Parce que nous avons la guerre dans l’est et il faut que les dépenses, disons inutiles, soient stoppées pour pouvoir mettre assez de moyens pour défendre l’intégrité du territoire et la souveraineté nationale. Mais viennent ensuite les secteurs comme l’éducation, la santé… Donc ce sont ces secteurs, entre autres, qui doivent être la priorité des priorités. Le développement rural, mais la sécurité, parce que nous avons la guerre qu’il faudrait finir. Les services de renseignements sont aussi un secteur très important en ce moment. Parce que vous savez, ils sont presque traités comme n’importe quel fonctionnaire. Ce qui est grave. Les services spéciaux sont les services spéciaux. Au lieu d’avoir des fonds secrets de recherche et des fonds spéciaux d’intervention, partout, à gauche à droite, ces fonds devraient être remis aux services de renseignements, aux services spéciaux, à l’armée, n’est-ce pas?. Parce que nous sommes en période de guerre. Notre pays est en train d’être occupé. Ces territoires, moi, je les appelle les territoires occupés. Et donc, il faut vraiment libérer notre pays de tout cela.

La réduction du train de vie des institutions doit-elle être considérée comme la priorité du gouvernement ?

Vous vous rappelez que l’ODEP a fait une étude récemment là-dessus. Nous avons même préconisé la réduction des ministères à 10. Mais à notre grande surprise, le gouvernement qui est sorti, a fait passer le nombre de ministères de 54 à 58 si je ne me trompe pas. Vous voyez qu’on est bien loin d’écouter les alertes qui viennent de la société civile et qui vont dans le bon sens pour notre pays. Et donc, oui, la réduction du train de vie des institutions doit être considérée comme une priorité du gouvernement. Parce qu’il faudra dégager les moyens qui sont gaspillés actuellement pour les affecter à la guerre, aux secteurs prioritaires, mais pas en ayant des ministères inutiles qui jusque-là ne justifient même pas leur utilité à continuer à être considérés comme des ministères. Regardez dans le commerce international, nous vendons quoi ? Nous ne vendons que les matières premières. Est-ce qu’il faut toute une direction ? Je ne sais pas, par exemple, le ministère de l’Économie ou de l’Industrie peut suffire pour pouvoir vendre nos matières premières à l’extérieur. Nous, on a érigé ça à un ministère. L’industrie où nous ne produisons rien de bon qui vaut la peine… À part l’artisanat que nous voyons à Delvaux là-bas, est-ce vous, vous connaissez les industries manufacturières ? Donc, nous avons ce qui pourrait très utilement remplacer tout ce que nous importons de la Chine, de l’Inde, des pays d’Asie ou d’Amérique. Voilà, fabriquer un verre aujourd’hui n’est plus un secret, ou une bouteille, quelque chose comme ça. Mais nous, on n’arrive toujours pas à le faire. Mais on a quand même un ministère qui est de çà. Prenons la pêche. Où est notre industrie de pêche qui vaut qu’il y ait un ministère. Bref, il y a beaucoup de choses à faire dans la réduction de vie de l’État.

Mais, on constate la poursuite des dépassements par les mêmes institutions ( Présidence, Primature…), n’est-ce pas un mauvais présage ?

Ce n’est même pas une question de présage. C’est tout simplement des fautes de gestion. Parce que nous avons appelé à une réforme. La loi de 2011 sur les Finances publiques ; la loi-cadre. Pour que, ce qu’on appelle les fautes de gestion deviennent des délits. Et donc, nous en appelons à cette réforme là pour éviter que la loi sur les finances publiques soit tout le temps violée. Vous ne pouvez pas dépenser de l’argent que vous n’avez pas, qui n’est pas disponible, et vous faites un engagement pour que ça aille à la liquidation. Et puis à l’ordonnancement pour être payé. Vous voyez donc, c’est très malheureux. Oui, un mauvais présage pour des fins d’années difficiles avec des manques de moyens pour les élections…Pour non-payement des salaires de fonctionnaires de l’État. Oui, un mauvais présage pour tout ça.

Les Congolais se plaignent des prix exorbitants de la douane, faut-il revoir la tarification à la baisse ?

Non, je pense qu’il faut étudier. Je ne peux pas donner une réponse comme ça. C’est une question qu’il faut étudier en profondeur. Mais ce qu’on doit craindre aujourd’hui en ce qui concerne la douane, c’est plutôt la corruption des agents. Même si les tarifs sont ce qu’ils sont, ces agents-là s’arrangent toujours pour exonérer les importateurs ou les exportateurs pour avoir eux-mêmes des rétrocommissions. Je crois que c’est ça qu’il faut combattre. D’abord la question de tarifs élevés exige un examen très sérieux, mérite une étude approfondie avant de se prononcer et de condamner les pratiques qui sont là. Moi, je pense qu’il faut laisser d’abord le problème des tarifs de côté. Ce qu’il faut, c’est d’abord voir si les recettes douanières sont mobilisées réellement ? Où est-ce qu’il y a des coulages de recettes du fait de la corruption ? Je crois que c’est ça le problème qu’il faut d’abord résoudre avant de revoir les tarifs.

Aujourd’hui, selon vous, peut-on considérer le gouvernement comme un bon ou mauvais élève en matière de gestion ?

Moi, j’appelle seulement les Congolais à constater eux-mêmes. Parce qu’on va dire que le Prof. Muteba critique, le Prof. Muteba raconte des histoires. Il y a des gens qui me haïssent à cause de ça. Moi quand ça ne va pas, je le dis. Mais ce que je fais, c’est comme une alerte pour dire au gouvernement attention, attention n’allez pas dans cette direction-là, elle n’est pas bonne, essayez de revoir un peu votre façon de faire pour améliorer la gestion des finances publiques dans notre pays. Parce qu’on dit toujours quoi : l’argent est le nerf de la guerre. C’est un adage et dans notre cas, c’est une réalité. L’argent, c’est le nerf de la guerre que nous avons dans l’est. Et donc, si les finances publiques sont mal gérées, s’il y a des dépenses irrationnelles, s’il y a des dépassements budgétaires permanents faute de gestion, nous nous privons des moyens de pouvoir faire cette guerre-là, vaincre, récupérer les territoires occupés et financer l’éducation, la santé pour tous… et donc tout cela pourrait être possible ; parce que le projet du président de la République sur « la santé pour tous », on avait besoin par an d’environ quatre milliards. Moi, j’ai participé à un atelier où on était en train de voir comment créer des financements innovants au-delà peut-être de deux milliards qu’on peut obtenir dans le budget. Mais regardez, est-ce les deux milliards, on les aura? Avec cette mobilisation vraiment qui n’est pas correcte jusque-là. Donc, mauvais ou bon élève, tirez vous-même la conclusion. Moi je ne veux pas tirer cette conclusion-là.

L’IGF doit-elle tout contrôler pour éviter les coulages de recettes tant décriés ?

Vous savez que la société civile a signé un partenariat avec l’IGF pour justement lutter ensemble en vue de l’amélioration de la gestion des finances publiques dans notre pays. Oui, nous ne pouvons qu’encourager l’IGF à continuer ses patrouilles. Que ça soit pour les dépenses ou pour les recettes à mobiliser. Mais il n’y a pas que l’IGF, il y a aussi la Cour des comptes qui peut faire des audits parce que la loi l’autorise à faire des audits aussi et à contrôler. Oui, les institutions supérieures de contrôle doivent jouer leur rôle. On doit leur donner les moyens pour pouvoir jouer leur rôle. Et ça, c’est sûr que ça va permettre d’améliorer notre gouvernance sur les plans économiques et financiers…

Je vous remercie.

Propos recueillis par Jeanric Umande

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