La Commission européenne et les Etats-Unis se sont dits “préoccupés” par l’adoption par la Pologne d’une loi sur la création d’une commission sur l’influence russe qui pourrait “interférer avec les élections libres” de l’automne, accusations rejetées par Varsovie.
“Nous sommes particulièrement préoccupés par l’adoption d’une nouvelle loi en Pologne sur un comité spécial qui permettrait (…) de priver de leur droit d’être titulaire d’une fonction élective des citoyens sans qu’il y ait de recours en justice possible, a déclaré mardi le commissaire européen à la Justice Didier Reyndersen.
“On peut se poser la question de savoir si on respecte encore les règles d’accès à la justice, les règles d’accès à un juge indépendant lorsqu’on fait l’objet d’une décision administrative”, a poursuivi le responsable, soulignant que la Commission européenne “n’hésitera pas à prendre des initiatives si la loi est effectivement en vigueur et pose ce type de problème”.
De leur côté, les Etats-Unis ont dénoncé une loi “qui pourrait être utilisée de manière abusive pour interférer avec les élections libres et équitables en Pologne”, selon un communiqué du département d’Etat lundi soir.
Washington partage “les préoccupations exprimées par de nombreux observateurs, selon lesquelles cette loi (…) pourrait être utilisée pour bloquer les candidatures des hommes politiques de l’opposition sans procédure régulière”.
– Anticonstitutionnelle –
Lundi, le président polonais a donné son feu vert à la création d’une commission d’enquête sur “l’influence russe en Pologne”, entité qualifiée d’“anticonstitutionnelle” et “stalinienne” par l’opposition et nombre de juristes, à l’approche des élections législatives de l’automne.
Composée de neuf membres choisis par une chambre basse dominée par le camp nationaliste populiste au pouvoir, la commission pourra décider si les responsables politiques du pays ou toute autre personne ont succombé ou non à l’influence russe dans les années 2007-2022, et les condamner, sans contrôle effectif de la justice, alertent les observateurs.
La personne jugée coupable pourra être interdite d’occuper des postes publics liés à l’accès aux finances publiques et aux informations classifiées, et ce pendant dix ans.
Selon le pouvoir populiste polonais, une telle Commission est indispensable pour éliminer l’influence russe en Pologne, allié fidèle de l’Ukraine attaquée par Moscou.
Le vice-ministre polonais des Affaires étrangères Arkadiusz Mularczyk a rejeté mardi les critiques du département d’Etat affirmant que, la commission n’avait “absolument pas” pour objectif “une lutte politique”.
La commission n’a pas pour tâche d’interférer dans les élections ou de limiter le choix des citoyens. Elle vise à examiner les influences soviétiques en Pologne, passées et présentes, qui doivent être révélées et condamnées, a-t-il déclaré à l’agence PAP.
Le chef du bureau de politique internationale de la présidence polonaise Marcin Przydacz a écarté les critiques du département d’Etat estimant pour sa part qu’il manquait “une analyse juridique approfondie de ces dispositions (de la loi sur la commission, ndlr) de la part de l’ambassade américaine”.
L’opposition qualifie le texte de “lex Tusk” (loi Tusk) du nom du chef de la principale formation de l’opposition centriste Plateforme civique (PO), Donald Tusk, ancien Premier ministre polonais dans les années 2007-2014 puis président du Conseil européen, bête noire du pouvoir en place.
Selon elle, la loi est destinée à compromettre les adversaires du pouvoir en place et empêcher M. Tusk de remporter le scrutin d’automne.
Dans son communiqué, le département d’Etat a également appelé “le gouvernement polonais à garantir que cette loi n’empêche pas les électeurs de voter pour le candidat de leur choix et qu’elle ne soit pas invoquée ou utilisée de manière abusive de manière à affecter la légitimité perçue des élections”.
Par Bernard OSSER avec Anne-Laure MONDESERT à Bruxelles/Afp