Pourquoi tant de morts et de blessés pour s’enrôler en République démocratique du Congo ? Dans sa déclaration du jeudi 30 mars 2023, la Commission africaine pour la supervision des élections (CASE) dénonce des cas de morts signalés dans les installations de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) depuis le lancement de l’opération de révision du fichier électoral. Environ cinq personnes ont perdu la vie en cherchant à s’enrôler comme électeurs.
Le Bureau de la Commission électorale nationale indépendante à Kinshasa @Photo Droits tiers.
Des citoyens succombent de fatigue, de fusillade ou d’étranges bousculades orchestrées par des agents électoraux et des agents de l’ordre. La Commission africaine pour la supervision des élections (CASE) est affligée par cette succession des décès en pleine opération d’identification et enrôlement des électeurs, “une étape plutôt pacifique du processus électoral aujourd’hui transformée en véritable attrape-nigaud mortel pour les candidats électeurs”, déplore Simaro Ngongo Mbayo, président de la CASE. Cette organisation se demande pourquoi les institutions compétentes n’agissent toujours pas pour “stopper la CENI qui ne fait que rouler à tombeau ouvert dans la gestion du processus, accumulant une multitude de risques sans la moindre garantie de solution”. À cette allure, rappelle la CASE, cette CENI toujours intouchable fera le « trouble-fête » du processus électoral.
Déjà 5 morts dans des centres d’enrôlement
À l’issue de son monitoring des cas de décès enregistrés dans les centres d’inscription des électeurs, la CASE note que le 17 février 2023, un cas d’un mort et 20 blessés graves a été enregistré au centre d’inscription de l’École primaire Mamboleo de Kindu à la suite d’une attaque ciblant l’acteur politique Salomon Idi Kalonda du parti politique Ensemble pour la République du candidat Moïse Katumbi Chapwe.
Mardi 21 février 2023, “Zodus Mazaumba meurt dans le centre d’Inscription de l’école primaire Lilemo de Kisangani pour avoir beaucoup attendu son enrôlement rendu difficile à cause du monnayage de l’opération par la CENI”, énumère Simaro Ngongo Mbayo. Autre cas de décès signalé le 11 mars 2023, “lorsqu’un militaire tire à bout portant sur un civil au centre d’inscription de Kamirongo, à 4 kilomètres de la cité frontalière de Kasindi, territoire de Beni, dans la province du Nord-Kivu”. La CASE documente également dans la même journée du 11 mars 2023 le cas d’un élément de la police nationale congolaise mort dans une attaque contre un centre d’inscription dans la commune de Bulengera, ville de Butembo à l’école primaire Meso, dans la cellule Mavono au quartier Wayene.
L’organisation spécialisée en matière électorale affirme qu’il s’agirait d’une attaque perpétrée par des inciviques Maï-Maï de l’Union des patriotes pour la libération du Congo (UPLC). Le dernier cas de décès signalé cette semaine est intervenu le mardi 28 mars 2023. “Une femme est décédée dans un centre d’inscription de Lubumbashi à la suite d’une bousculade entre les agents de la CENI et les policiers qui lui réclamaient la somme de 10 000 francs congolais pour son enrôlement”, décrit la CASE.
A ce rythme, l’organisation considère que le processus électoral de 2023 est dans l’impasse et tend à devenir suicidaire si des mesures politiques ne sont pas efficacement engagées. D’autre part, la CASE émet une vive opposition à toute idée de discrimination électorale telle que cogitée actuellement à l’Assemblée nationale sous le prétexte d’une proposition de loi dénommée « Loi Tshiani » de triste référence. “Cette initiative déjà retoquée par les instances techniques de la Chambre basse du Parlement est un poison contre la démocratie en République démocratique du Congo”, estime l’expert électoral Simaro Ngongo Mbayo.