C’est à l’étape de la République démocratique du Congo que le président français aura finalement mesuré l’extrême gravité de sa relation avec Paul Kagame. Arrivé au milieu de la nuit vendredi, Emmanuel Macron n’a pas eu les mêmes faveurs d’accueil que le Pape François ou encore le couple royal belge. Après sa poignée de main avec Sama Lukonde et un bref tête-à-tête au salon présidentiel, le long cortège du chef de l’État français a traversé la ville à vive allure au-delà de 23h00.
Emmanuel Macron à l’aéroport international de N’djili acceuilli par le Premier ministre congolais, Jean-Michel Sama Lukonde @Photo Droits tiers.
Emmanuel Macron vient d’entamer un séjour très contesté en République démocratique du Congo ce samedi 4 mars 2023. Le président de la République française s’est vu protocolairement coincé par la forte mobilisation des partis politiques, société civile et des mouvements citoyens qui se sont activement préparés à lui réserver un accueil incidenté. Des messages hostiles à la France et son président, des drapeaux russes imprimés par milliers comme affront vis-à-vis des grandes puissances occidentales, principaux soutiens de Paul Kagame dans la guerre d’agression contre la RDC et des huées très motivées que plusieurs manifestants s’étaient préparés à lui opposer tout le long du parcours de son cortège partant de l’aéroport jusqu’au Palais de la Nation. Un accueil sismique qu’il fallait coûte que coûte éviter. En effet, les services de police des deux pays auraient jugé dangereux tout accueil diurne de l’homme d’État français. Son honneur et son prestige international à l’échelle du continent africain en dépendait. Macron a dû réajuster son programme et s’adapter aux grabuges annoncés dans la ville capitale de la RDC.
Atterrissage et décollage la nuit
Contrairement au souverain pontife qui avait atterri à Kinshasa à 14h35 le 31 janvier dernier et au couple royal belge dont l’avion avait atterri à 15h00 locales le 07 juin 2022, Emmanuel Macron a foulé le sol congolais peu avant 23h00. Le programme du chef de l’État français prévoit son décollage dimanche 5 mars à 00h5. L’homme d’État français n’aura que la journée de samedi pour quelques moments d’échange avec des officiels et leaders congolais. Un agenda comprimé qui contrecarre les manifestants anti-Macron.
La RDC a besoin de la France
Qui a besoin de qui entre la France et la RDC ? Le professeur Lohata Tambwe Okitokosa Paul – René soutient que la RDC a besoin de la France pour mettre fin à l’agression des multinationales et du petit Rwanda. Il rafraîchit la mémoire collective en rappelant que dans le passé, cette puissance a secouru la RDC à Bunia à travers la force d’intervention dénommée Artémis qui permît d’endiguer la menace des groupes armés dans la ville. Lancée le 12 juin 2003, l’opération Artémis avait pour objectif d’empêcher une catastrophe humanitaire en Ituri, déchirée par de violents combats opposant les ethnies Hema et Lendu. Cette intervention s’inscrivait plus largement dans les efforts déployés par la communauté internationale pour sauver le processus de paix en RDC et mettre ainsi un terme à un conflit qui s’était déjà soldé par plus de 3 millions de victimes directes ou indirectes à l’époque. Le professeur Lohata Tambwe Okitokosa Paul – René revient également sur les deux guerres du Shaba. Au cours des mois de mars 1977 et mai 1978, la province zaïroise du Shaba (Katanga) subît des invasions des « Gendarmes katangais », qui avaient leurs bases en Angola voisine. Ces deux offensives menacèrent sérieusement le régime du maréchal zaïrois, Mobutu Sese Seko. En 1977, l’aide viendra principalement des troupes marocaines, avec l’assistance logistique et technique de la France. “La France ne doit pas oublier que si l’Est de la RDC, est instabilisée, c’est en grande partie à cause de la jalousie des pays anglo – saxons qui estiment que la RDC (scandale géologique et écologique) aurait été construite avec leurs capitaux (Vangu Mabuini), et qu’aujourd’hui la France, la Belgique et la Chine qui en tirent grand profit”, souligne le professeur Lohata Tambwe Okitokosa Paul-Réné. C’est l’une des raisons de plusieurs tentatives de balkanisation de notre pays, explique-t-il. En revanche, “la France a besoin de la RDC, car sans cette dernière, on ne parlerait plus de la Francophonie dans le monde”, indique-t-il. Bien plus, sa perte de vitesse au Mali, au Burkina Faso et en Centrafrique, l’oblige à se rapprocher de la RDC, plus viable économiquement que les trois pays réunis. Si le gouvernement congolais joue bien, c’est le moment de zone d’incertitude qui peut stratégiquement profiter davantage au pays de Lumumba, surtout que l’épée de Damoclès de Poutine est suspendue sur la tête des pays occidentaux ! Et d’exhorter que les diplomates congolais jouent bien pour faire pencher la balance de notre côté. “Macron est en position de faiblesse pour avoir abandonné la ligne diplomatique française de ses prédécesseurs en commettant l’erreur de privilégier un petit pays anglophone au détriment d’un plus grand pays francophone, oubliant que nous avons le pouvoir comme les trois pays précités d’élever le lingala en langue officielle”, menace Lohata.