Dans un mémorandum d’interpellation publié lundi depuis Chicago aux États-Unis d’Amérique, la Commission africaine pour la supervision des élections (CASE) s’adresse très spécifiquement aux personnalités politiques et sociales ayant déjà manifesté leur ambition de compétir à l’élection présidentielle programmée au mois de décembre de l’année en cours en République démocratique du Congo. Une mise en garde face au décor de tricherie électorale planté par la CENI.
Les 11 candidats présidents de la République interpellés par la CASE @Photo Droits tiers.
Observant très attentivement l’évolution très incohérente du processus électoral actuel, l’inflexibilité de ses animateurs vis-à-vis des impératifs organisationnels des élections, ses faiblesses de bonne réussite et surtout les risques qu’il représente pour la jeune démocratie congolaise, la Commission africaine pour la supervision des élections (CASE) s’est interrogée sur l’état de l’environnement politique du pays à la veille des grandes échéances électorales ; le type d’hommes qui se mobilisent pour participer aux opérations électorales, en dépit de leurs piètreries largement dénoncées aussi bien de l’intérieur de la CENI que par les parties prenantes au processus électoral et ce que sera l’avenir de la gouvernance électorale de la RDC au cas où la société congolaise cautionnait toutes les incorrections, les anomalies et le lot d’irrégularités profondes qui caractérisent ledit processus depuis sa phase consacrée aux réformes électorales, l’étape de la désignation controversée de ses animateurs, leur installation totalitaire et surtout les dysfonctionnements innombrables qui le jonchent.
La CASE répertorie 11 candidats sérieux de l’opposition
La CASE constate qu’en dépit du parcours incertain du présent cycle électoral, les acteurs politiques et sociaux s’y accrochent et se mobilisent pour y prendre activement part. Ainsi, a-t-elle résolu de s’adresser directement aux quelques personnalités dont les portraits de candidature sont soit proclamés par elles-mêmes, soit portés par des structures politiques ou sociales bien connues. “L’objectif étant de placer les présidentiables face à leurs responsabilités devant la nation, devant l’histoire et devant Dieu pour leur choix délibéré d’acquiescer un processus électoral obscur, mal amorcé et sujet à doute”, explique Simaro Ngongo Mbayo, président de la CASE. Cette organisation cite Martin Fayulu Madidi, président national de l’Engagement pour la Citoyenneté et le Développement (ECIDÉ) investi candidat à l’élection présidentielle de décembre 2023 par le Congrès de son parti tenu à Kisangani en juillet 2022 ; Moïse Katumbi Chapwe, président national d’Ensemble pour la République investi officiellement candidat à l’issue du congrès du 22 décembre 2022 à Lubumbashi ; Augustin Matata Ponyo Mapon, président national de Leadership et Gouvernance pour le Développement (LGD) investi candidat le 03 mai 2022 à l’issue d’un Congrès du parti à Showbuzz à Kinshasa ; Frank Diongo Shamba, président national du Mouvement Lumumbiste Progressiste (MLP) qui a annoncé sa candidature à la prochaine présidentielle lors d’un point de presse tenu à Kinshasa le 16 janvier 2023 ; Jean-Pierre Lisanga Bonganga, président de la Convention Chrétienne pour la Démocratie (CCD), coordonnateur de la Dynamique pour une sortie de crise (DYSOC), qui s’est, quant à lui, déclaré candidat à la magistrature suprême le 15 septembre 2022 sous le label de l’Alliance des Pro-Etienne Tshisekedi Wa Mulumba (APETM); Charles Mushizi Mugagga Bashushana, avocat au Barreau de Kinshasa/Matete et directeur du Centre des réformes juridiques et institutionnelles (CERJI) qui s’est également prononcé en 2022 ; Adolphe Muzito Mfumu MPa, ancien Premier ministre et président national de Nouvel Élan annoncé au magazine Jeune Afrique du 24 juillet 2022 pour son ambition d’être candidat président de la République ; Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng, député national et président de l’Ensemble des Volontaires du Congo (Envol) qui a annoncé sa candidature depuis la ville de Lisala le 1er février 2023 ; Jean-Marc Kabund A Kabund, président national de l’Alliance pour le Changement (ACh) qui s’est aussi annoncé candidat depuis 2022 ; Bernadette Tokwawulu, femme politique qui a confirmé son ambition de briguer la magistrature suprême de la RDC dans une interview à la Voix de l’Amérique le 03 février 2023 et Denis Mukwenge Mukengere, prix Nobel de la paix 2018 qui n’exclut pas non plus de se porter candidat.
Aucune condition requise à un processus libre, démocratique, inclusif et apaisé
Dans ses observations, la CASE se dit surprise de la forte mobilisation des prétendants à la présidence de la République sans se rassurer des préalables de crédibilité du processus. “Grande est notre surprise de vous voir souscrire à un cycle électoral épileptique qui ne remplit aucune condition requise à un processus libre, démocratique, inclusif et apaisé”, s’étonne Simaro Ngongo Mbayo qui prend soin tout de même d’encourager les uns et les autres pour leurs ambitions légitimement exprimées. “Nous vous en félicitons tout en espérant que votre combat ne sera pas vain, inachevé et déçu”, écrit-il dans son mémorandum. Tout en attirant l’attention sur la qualité des résultats électoraux attendus du présent cycle, la CASE espère que ces expressions de candidature à la magistrature suprême de la République démocratique du Congo ne seront pas une simple formalité publicitaire de visibilité étant donné qu’aucun acteur politique ne peut prendre le risque de l’échec dans un scrutin de très haute portée politique de cette nature.
CENI, Cour constitutionnelle et CSAC mis en cause
La CASE dit vouloir se rassurer qu’en prenant la décision historique de se représenter à des élections de si faible niveau de transparence et d’un professionnalisme discutable, les différents candidats savent pertinemment à quoi ils s’engagent. “Ceci suppose que vous avez déjà rassemblé les meilleures garanties de crédibilité, de transparence et d’indépendance des institutions chargées de gérer, encadrer et surveiller le processus électoral”, s’inquiète Simaro Ngongo Mbayo. Il cite quelques institutions chargées d’encadrer le processus électoral telles que la CENI. “Vous êtes sans ignorer que la CENI a été installée de manière illégale, sans le consensus de toutes les parties prenantes et sous une forte influence politique de la coalition au pouvoir. Le choix corrompu des animateurs de cette centrale électorale, les nombreuses violations des textes légaux régissant notamment l’Assemblée nationale dans la procédure de désignation et entérinement de ses membres ne peuvent mettre en confiance tout acteur intellectuellement averti”, interpelle gravement le président de la CASE. Critiquant également la Cour constitutionnelle, la CASE rappelle que la haute cour a été abusée dans la procédure de renouvellement de ses juges et même de désignation de son président. “Le spectacle manifesté par cette plus haute instance de notre système judiciaire dénote d’un embrigadement insoutenable et d’une manipulation indécente”, souligne Simaro Ngongo Mbayo qui n’épargne pas le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication. “Chargé de la régulation des médias en période électorale, le CSAC vient d’être investi lui aussi dans un cafouillage qui n’a pas démontré tous les atouts de transparence, d’indépendance de ses membres et de grande cohésion de tous les fils et de toutes les filles de la RDC travaillant dans le domaine des médias”, affirme-t-il.