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Mgr Ettore Balestrero : “l’Église cherche à surmonter les difficultés liées à la pauvreté, à la violence…”

Mgr Ettore Balestrero, le nonce apostolique en République démocratique du Congo, évoque le voyage apostolique que le pape François accomplira à Kinshasa à partir de ce mardi 31 janvier. Il parle de la venue du Saint-Père, présente l’Église du Congo et revient sur les conflits qui ravagent l’est du pays.

Mgr Ettore Balestrero est le nonce apostolique à Kinshasa depuis 2018 @Photo Droits tiers.

publié le 30 janvier 2023 à 16:29:00

Mgr Ettore Balestrero est le nonce apostolique à Kinshasa depuis 2018. Il a servi en Corée du Sud et en Mongolie, aux Pays-Bas, avant de revenir travailler au sein de la secrétairerie d’État. En 2009, il est promu au poste de sous-secrétaire pour les Relations avec les États avant d’être nommé nonce en Colombie en 2013. En 2018, il rejoint donc Kinshasa où il succède à Mgr Luis Mariano Montemayor.

Est-ce facile d’organiser cette visite du Saint-Père en terre congolaise ?

Je crois que la joie des fidèles est tellement grande que tout devient plus simple. Le rêve est devenu réalité. Le pape arrive. Bien sûr, il y a beaucoup de défis qui sont gigantesques. On estime qu’à la messe du pape à Kinshasa, il pourrait y avoir 2 millions de personnes. Donc, c’est un défi sécuritaire et logistique pour tout le monde. Des mesures ont été prises en termes de prévention, en termes de contrôle pour minimiser le risque qui est toujours existant et qui existerait même dans d’autres circonstances et d’autres lieux. D’un point de vue logistique, c’est plus simple d’avoir une seule étape ici à Kinshasa que d’aller aussi dans l’est du pays, comme c’était initialement prévu en juillet. Même si le pape ne va pas à Goma, il rencontrera ici les victimes des violences de l’est, ce qui est un moment très attendu, très important pour soulager cette population, pour donner une parole de condamnation de tous les massacres qui ont eu lieu et qui ont encore lieu ici dans ce pays, et pour demander pardon à Dieu pour tout le sang qui a coulé et qui coule encore. C’est un moment important pour inviter les Congolais à tourner la page, à se réconcilier.

C’est le principal message que le pape François veut apporter aux Congolais ?

C’est avant tout donner de l’espace à Dieu dans leur propre vie, c’est-à-dire de vivre avec cohérence leur foi. Ne pas avoir une dichotomie entre la foi, ce que nous croyons et la manière dont nous vivons. Le message devrait dire à l’Église de vivre à la hauteur de leur foi catholique, donc être avant tout missionnaires. Il devrait dire aussi aux prêtres, aux fidèles, d’être proches du peuple, des agents pastoraux, de donner un bon exemple à tous les niveaux. Après, il y a un message à tous les Congolais, pour leur dire que le changement est entre leurs mains. Vous ne pouvez pas le déléguer, regarder le passé plutôt que l’avenir. Vous devez chercher à vous réconcilier, à donner sa chance à l’avenir. Se réconcilier, c’est s’accorder pour construire le futur, construire l’avenir ensemble, avec les autres, pas les uns contre les autres.

Il y a aussi un message important pour la communauté internationale à qui il dira sans doute « Vous ne pouvez pas oublier le Congo, car il y a une urgence morale: les gens ne peuvent pas être négligés et ne peuvent pas être oubliés. »

Qu’attendent les Congolais et qu’attend de son côté l’Église du Congo?

Les Congolais attendent un message qui puisse les orienter pour vivre leur foi. Le Congo que le Pape retrouvera est différent du Congo qu’a laissé le Pape Jean-Paul II il y a 37 ans. Il n’y a pas que le nom qui est différent, il y a aussi la situation socio-culturelle qui est très différente. Les Congolais ont donc besoin de la foi, de la parole du Pape pour la renforcer. Ils ont aussi besoin de cette parole pour cicatriser les blessures qui sont encore sanglantes dans ce pays, pour avoir le courage et la force de tourner la page, c’est-à-dire pour apprendre à se réconcilier, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas besoin de reconnaître que des crimes ont été commis et sont commis encore aujourd’hui. Des mesures doivent être prises contre ces crimes. Mais le fleuve de la haine, le fleuve de la vengeance, doit se jeter dans un océan beaucoup plus grand, comme le fleuve Congo entre dans l’océan Atlantique. Et c’est l’océan de la réconciliation qui permet aux gens de se regarder avec des yeux différents, de construire ensemble dans le respect des uns et des autres. L’avenir est à partager dans le bien et dans le mal.

Comment percevez-vous l’engagement de l’épiscopat congolais sur la scène publique? Est-ce qu’il n’y a pas le risque que l’Église soit davantage une force politique ou une œuvre caritative qu’une présence d’abord spirituelle ?

L’Église au Congo a comme tâche fondamentale d’annoncer l’Évangile, de dispenser le salut du Christ et de témoigner de la charité. Cela requiert aussi un engagement humanitaire. Et dans l’histoire de ce pays, l’Église a aussi un rôle d’accompagnement, de consolidation de la conscience démocratique et de renforcement de la confiance de la population. J’ai du respect pour son engagement très fort dans la vie dans toutes ses dimensions. Les pasteurs ont toujours été une référence morale pour la population. Quand je pense à ces deux prêtres qui, il y a quelques années, ont été kidnappés, ont été amenés dans la forêt, ont été obligés de creuser leur propre tombe et d’abandonner leur foi catholique et qui n’ont pas voulu le faire et ont donc été égorgés; quand je pense à ces jeunes femmes, à Bukavu, qui ont été kidnappées par des groupes armés, qui ont été violées pendant des mois par quatre ou cinq hommes, qui ont été obligées de manger de la viande humaine, celles des victimes de ces mêmes groupes armés ou de personnes qui avaient tenté de fuir ces groupes, et qui, au nom de Jésus, ont pardonné à leurs bourreaux et qui, au nom de Jésus-Christ, veulent reprendre, malgré une grande douleur et une peine inimaginable, le chemin de la charité, de l’amour; quand je pense à cela, je ne peux pas dire que cette Église est tombée dans le piège de n’être qu’une force politique.

Quelles sont les difficultés que rencontre l’Église congolaise actuellement ou au contraire, quelles sont ses forces ?

La principale difficulté, c’est de faire en sorte d’avoir une relation réelle, personnelle avec Jésus-Christ, de faire en sorte qu’il entre dans la vie de chacun, qu’il ne soit pas une simple référence théorique ou une sorte de superstition. Ensuite, l’Église cherche à surmonter les difficultés liées à la pauvreté, à la violence, à la méfiance qui fait partie de la culture du pays à cause de son histoire. Les fidèles, qui constituent aussi l’Église, souffrent eux aussi de ces problèmes qui sont aussi ancrés dans leur famille. La force, c’est la foi d’un pays qui a été évangélisé depuis 500 ans, une foi enracinée dans la culture des Congolais. C’est aussi le fait qu’il s’agit d’une Église qui est une référence pour les autres Églises africaines, surtout en Afrique francophone, d’une Église capable de trouver des réponses créatives aux problèmes qui affligent la population et une Église qui offre beaucoup de soutien à la Mgr Ettore Balestreropopulation. Il y a par exemple plus ou moins 700 écoles maternelles, 12 500 écoles primaires, 5 300 écoles secondaires gérées par l’Église, ce qui représente environ six millions d’élèves. 15% des services de santé sont assurés par l’Église. Il n’est pas question pour elle de vouloir se substituer à l’État. Les autorités publiques sont d’ailleurs conscientes que l’Église agit mieux qu’elles. L’Église joue aussi un très grand rôle pour soulager les personnes victimes de violences en apportant toutes sortes d’aides humanitaires à 500 000 déplacés autour de Goma depuis novembre dernier. En tout, il y a presque six millions de déplacés internes. Et c’est l’Église qui encourage la population, qui essaie de trouver des sites pour les accueillir.

Vous disiez que l’Église du Congo peut apporter beaucoup aux autres Églises africaines, notamment dans les pays francophones. Selon vous, que peut apporter l’Église du Congo à l’Église universelle ?

Elle peut apporter beaucoup sous plusieurs niveaux. Avant tout, je dirai qu’au niveau des fidèles, elle nous apprend qu’on peut vivre sur la croix sans désespérer, sans dramatiser et découvrir la foi, non comme un anesthésiant, mais comme la vraie réponse pour surmonter les drames qui nous crucifie. L’Église au Congo peut apprendre à l’Église universelle la joie d’exprimer la foi, notamment lors de la liturgie. Il y a aussi un épiscopat uni qui est un exemple. Exemple aussi d’une Église qui envoie des hommes et des femmes missionnaires partout dans le monde et qui sont capables de s’adapter dans les différents milieux culturels où ils se trouvent. Cette Église nous apprend aussi à être concrets, à ne pas nous perdre dans des polémiques loin des besoins réels de la vie, de la foi, de la joie. Elle nous encourage, nous qui venons de pays où la tradition catholique est millénaire, à rendre grâce pour la beauté de nos temples, pour la profondeur de notre pensée catholique qui peut nous paraitre un luxe inutile et lourd, mais qui est en réalité une richesse qui aide à vivre la foi et à cultiver le sens de Dieu et de la substance de sa transcendance. Nous avons évidemment en filigrane beaucoup parlé de ce qu’il se passe dans l’est du pays, dans la région de Goma particulièrement. Les dernières nouvelles ne sont pas bonnes. Le pape aurait dû se rendre sur place.

Qu’est-ce que vous pouvez nous dire du drame que vit la population congolaise dans la région de Goma ?

Le drame, c’est qu’il y a 500 000 déplacés, parmi lesquels 250 000 se trouvent autour de Goma. Ils ont besoin de manger, ils ont besoin de vêtements. Beaucoup parmi eux se trouvent sur la route et sont décédés. Il y a des maladies qui se développent, comme une épidémie de choléra. Dans ce contexte, l’Église reste là-bas, les prêtres et les sœurs n’abandonnent pas leur poste. Il y a deux mois, j’ai passé quatre jours à Bunagana auprès de sœurs qui habitent dans un secteur maintenant sous le contrôle du M23. On leur a demandé d’évacuer, d’abandonner l’hôpital où elles habitent et de se réfugier. Mais elles ont dit : « si nous laissons l’hôpital, les gens ici vont mourir parce qu’il y a des femmes qui doivent accoucher, il y a des patients qui doivent être soignés ». Alors elles sont restées. Cette communauté est composée d’une Polonaise, sœur Agnès, d’une sœur congolaise et d’une sœur rwandaise. Elles sont à elles trois une prophétie pour le Congo, parce qu’elles font ensemble ce que les Congolais ne sont pas capables de faire. Le problème dans l’est vient de la richesse du sol congolais qui est une bénédiction, mais aussi une malédiction dans le sens où nombreux sont ceux autour et dans le Congo à vouloir s’emparer de ces richesses. Et c’est pour cela qu’il y a une économie de guerre qui perdure. On doit garantir la souveraineté de l’État, du territoire des Congolais. C’est pour cela que l’Église a même organisé une marche il y a plus ou moins un mois dans tous les diocèses du pays pour encourager la population à rester unie et à demander que la souveraineté de leur territoire soit respectée.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Vaticannews.com

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