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L’Église catholique en colère

Des cortèges de fidèles catholiques ont envahi les rues du pays. A Kinshasa en passant par Lubumbashi, Mbuji-Mayi, Kisangani et même Beni, les marcheurs ont dénoncé l’hypocrisie, mieux la complicité de la communauté internationale. A l’appel de l’épiscopat congolais, les croyants d’autres Églises ont grossi les rangs de manifestants catholiques, pour dire non à la balkanisation et à l’agression rwandaise.

Par Landry Amisi

A Kinshasa, les marcheurs catholiques ont passé le message que le Congo est un et restera indivisible @Photo Droits tiers.

publié le 6 décembre 2022 à 07:03:36

Ils ont battu le pavé à Kinshasa. Dès la sortie de la première messe, les fidèles catholiques ont pris dimanche la direction du Palais du peuple après avoir été interdits d’atteindre les sièges de quelques ambassades à la Gombe. Chaque cortège était dirigé par un curé-doyen. Crucifix, chapelets et bibles en mains, les chrétiens catholiques entendaient faire passer le message de “dépit” contre les tueries à répétition dans l’Est du pays. Depuis plus de trois décennies, les Congolais sont exterminés sous l’œil complice de la communauté internationale. “Personne ne s’apitoye du sort des innocents congolais massacrés au quotidien par l’armée rwandaise sous l’autel des intérêts mesquins des puissances occidentales”, s’est indigné un prélat. Aujourd’hui, a-t-il ajouté, des millions de déplacés errènt dans la brousse sans eau, nourriture, ni médicaments.

Prière et cantiques

Sur le trajet, le chapelet était récité et les cantiques entonnés. Les plus radicaux en voulaient ouvertement au président rwandais, Paul Kagame qu’ils ont qualifié de “tyran”, “d’Hitler d’Afrique”. Des messages en soutien à l’armée étaient lisibles sur de nombreux calicots et banderoles. “FARDC eloko ya makasi, – l’armée congolaise est trop forte”, “Tous derrière les FARDC”, “FARDC, chassez les envahisseurs rwandais”, “Non à la balkanisation, FARDC toujours debout”.

Bahati et Aselo dans la rue

Le président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo et le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, Daniel Aselo étaient aussi en première ligne. Ils ont marché pour dire non à la balkanisation de la RDC et à l’agression rwandaise. Preuve que le régime Tshisekedi accusé de vouloir étouffer la marche, n’était pas du tout opposée à l’initiative des évêques catholiques. A l’esplanade du Palais du Peuple, siège du Parlement, le mémorandum de la CENCO a été lu par Mgr Carlos Ndaka, vicaire général de l’archidiocèse de Kinshasa. Le prélat a dénoncé l’abandon de la RDC par la communauté internationale face aux différentes crises sécuritaires et humanitaires, pointant l’ONU qui avait, selon lui, demandé à l’Etat congolais d’ouvrir ses frontières. Disant « non à la Balkanisation de la RDC », l’évêque a rappelé que “l’intégrité territoriale du pays n’est pas négociable”. Il a aussi fustigé le récent appui de l’Union européenne à l’armée rwandaise, alors que celle-ci soutient la rébellion du M23.

Kisangani, Lubumbashi, Beni mais Goma, marche annulée

Les rues de Lubumbashi étaient noires de monde comme celles de Beni où les terroristes Adf sèment la désolation depuis plus d’une décennie. Un message fort a été adressé à la communauté internationale à Beni. Mgr Laurent Sondirya, vicaire général et prêtre de la paroisse de Paida, a résumé l’essentiel de ce message des évêques. « La marche consiste à soutenir pacifiquement notre pays pour qu’il ne soit pas balkanisé, qu’il y ait la paix, que la guerre finisse. L’heure est grave. Nous devons nous solidariser pour que notre pays ne soit balkanisé à notre insu. Et pour qu’il y ait la paix, tous ces motifs de guerre c’est pour essayer de disqualifier notre pays, de le partager sans que nous ne le sachions. C’est pourquoi, les évêques invitent les fidèles et les hommes de bonne volonté à prendre conscience que notre pays est en danger ». À Goma, la capitale du Nord-Kivu, la marche a été annulée par les autorités après concertation avec les laics catholiques pour éviter des infiltrations dans les rangs de manifestants. A Kisangani, la déclaration de la Cenco a été remise à Madeleine Mikombo, la gouverneure nouvellement élue de la Tshopo. L’archevêque de Kisangani et président de la Cenco, Mgr Utembi a conscientisé les Congolais que le pays est en danger. A haute voix, il a désapprouvé le silence de la communauté internationale face au drame de l’Est congolais.

En Ituri, l’évêque du diocèse de Bunia, Mgr Dieudonné Uringi, a demandé aux différents groupes armés locaux de déposer les armes sans conditions. « On en a marre de la guerre, on a tout détruit, on a tué nos enfants, nos pères pour rien », a-t-il dénoncé. A l’occasion, l’homme de Dieu a invité la population congolaise à s’unir pour bâtir la paix et travailler au développement du grand Congo. L’évêque s’est opposé au processus de Nairobi car selon lui, ce ne sont pas les étrangers qui vont trouver la solution au problème de la RDC.

A Mbuji-Mayi au Kasaï oriental, les chrétiens catholiques ont marché par milliers pour s’opposer au projet de balkanisation de la RDC et fustiger l’agression rwandaise. Partie de plusieurs coins de la ville, la marche a chuté à la mairie où la déclaration des évêques membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo a été lue par l’abbé Benjamin Tshiala et remise à l’autorité provinciale. « Le Parlement doit privilégier l’intérêt supérieur de notre pays par rapport aux arrangements politiques qui desservent la population congolaise. Nous encourageons les efforts diplomatiques comme solution éventuelle à la tragédie que nous vivons. Cependant, l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale ne sont pas négociables. Dans ce même registre, il faut éviter les alliances avec ceux qui ont développé une forme de mercantilisme militaire ayant comme vrai motivation, le pillage des ressources naturelles et l’occupation de ces terres ».

Appel au boycott des produits français

Des messages hostiles à la France ont été entendus à Ngaba à Kinshasa. Des jeunes manifestants ont vilipendé Emmanuel Macron. Il soutient Kagame. D’ailleurs, le PDG de Total refuse d’investir au Congo parce qu’il pactise avec Yoweri Museveni, un autre despote. En plus, reconduire Mushikiwabo à la tête de la Francophonie est un acte grave qui démontre que la France a trahi le peuple congolais. Il faut quitter la Francophonie, a-t-on lu sur un calicot. “Nous sommes le plus grand pays francophone. Nous devons quitter la Francophonie”, hurle Nzuzi Albert, la quarantaine révolue, rencontré au niveau de Mopulu non loin du Rond-point Ngaba. Au même moment, d’autres manifestants, eux, ont appelé au boycott de tous les produits français. A l’image de Kisuba qui insiste : “pas d’Orange en RDC, pas de Total en RDC, pas de Canal Sat en RDC, Pas de RFI et France 24, faisons comme au Burkinafaso et au Mali”.

Dans le lot des indésirables, la Monusco figure en tête de liste. A Barumbu, les marcheurs ont exigé le départ immédiat de la Monusco. “Elle joue le jeu des agresseurs pour pérenniser les massacres de Congolais”, lance Omba qui explique que les casques bleus sont devenus des commerçants de coltan dans l’Est du pays. Et Ngoyi Benjamin de Lubumbashi de réaffirmer que “la responsabilité de la communauté internationale est engagée. L’incapacité des forces de l’ONU à faire face aux terroristes du M23 dont le secrétaire général, Antonio Guterres vante l’armement dernier cri, veut tout dire”.

Aucun incident

Sur l’ensemble du pays, aucun dérapage n’a été signalé lors de ces manifestations monstres. Les acteurs politiques n’ont pas affiché leurs couleurs. L’Église se félicite de voir que la majorité et l’opposition, au nom de l’intérêt supérieur de la nation, ont manifesté ensemble. Le Congo passe avant tout, a applaudi un abbé de Kananga.

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