Les conclusions de Luanda couchées dans le communiqué du 23 novembre, révèlent effectivement que Kigali a été poussé à stopper son expédition militaire en République démocratique du Congo. L’étendu du drame humanitaire de Kanyaruchinya, l’étiquette terroriste de son contingent M23 et le soulèvement populaire contre l’agression rwandaise auront constitué des véritables barrages au complot. Ceux qui avaient ordonné la mise en marche de la balkanisation ont-ils entendu raison pour décréter la fin de l’histoire.
Félix Tshisekedi, le président congolais et Paul Kagame, le président rwandais à couteaux tirés @Photo Droits tiers
Toutes les caméras du monde attendaient d’assister soit à une poignée de main, soit à une fin de réunion en queue de poisson entre Paul Kagame et Félix Tshisekedi à Luanda. Deux amis subitement placés en total désaccord du fait de la guerre du M23. Pour convaincre Félix Tshisekedi, il a fallu compter avant tout sur la persévérance du président français Emmanuel Macron, l’énergie de l’ancien président du Kenya Uhuru Kenyatta, la disponibilité du président burundais Evariste Ndayishimiye et le sérieux du très respecté président de l’Angola, Joao Lourenço. Mais le lead de la mission de concilier les deux frères ennemis Félix Tshisekedi et Paul Kagame a été assuré par le président français Emmanuel Macron. Très critiqué par les Congolais, il a su pertinemment mettre en confiance les Américains et l’ensemble des États européens sur la question actuellement sur la table en République démocratique du Congo. Macron a usé d’une diplomatie souterraine depuis le 21 septembre 2022 à New-York, aux États-Unis d’Amérique à l’occasion de la dernière assemblée générale de l’ONU. Radio Okapi rapportait qu’afin de réunir les conditions d’un dialogue franc et constructif, nécessaire à la relance de la coopération entre les deux pays de la région et conformément au processus de Luanda (Angola), “les trois chefs d’Etat ont convenu d’agir de concert pour obtenir au plus vite le retrait du M23 de toutes les localités occupées et le retour des déplacés de guerre de ces localités à leurs domiciles, avec l’appui des Nations unies et de leurs partenaires de l’Union africaine, de la Communauté de l’Afrique de l’Est et de la Conférence sur la Région des Grands Lacs (CIRGL)”. Ils avaient également convenu d’intensifier durablement leur coopération pour lutter contre l’impunité et mettre un terme à l’action des groupes armés dans la région des Grands lacs, dont les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Des engagements que le président français tente d’obtenir l’exécution rapide.
Paul Kagame est-il frustré par la pression occidentale ?
Le président rwandais qui n’a voulu rater aucun rendez-vous diplomatique international ces derniers mois, s’est drôlement absenté du mini-sommet de Luanda. Paul Kagame a préféré déléguer l’un de ses durs lieutenants en la personne du docteur Vincent Biruta, ministre des Affaires étrangères du Rwanda. Un homme de confiance, plusieurs fois ministre et ancien président du Sénat rwandais. Biruta a porté le pouvoir complet de Paul Kagame lors de la signature du communiqué final du 23 novembre 2022 à Luanda. Paul Kagame ne tolèrerait pas d’être obligé de faire marche en arrière dans son aventure sous le label du M23. Bien plus, ses dernières sorties politiques, diplomatiques et médiatiques autour du même verbiage sur les FDLR passeront pour de la pure comédie aux yeux de la communauté internationale. Paul Kagame s’est tellement virtuellement hissé qu’il n’imaginait pas trouver en Félix Tshisekedi le gabarit politique à même de le faire fléchir. Tshisekedi est donc la plus grande surprise et peut-être même le pire cauchemar de l’homme fort de Kigali ces dernières années bien avant sa retraite politique très attendue.
Habitué à manipuler, soudoyer, intimider et utiliser les Congolais à volonté avec la bénédiction des grandes puissances occidentales, Kagame se sent politiquement essoufflé par l’issue que présente sa dernière tentative avec le M23. Comment comprendre que les mêmes puissances qui le soutiennent soient celles qui demandent avec fermeté un retour au calme et surtout le retrait des troupes rwandaises et ougandaises des territoires envahis? Cette fois-ci, le président rwandais pense avoir été utilisé sans une suffisante contrepartie. Ainsi, aurait-il jugé inopportun de se rendre à Luanda, question de ruminer cette dernière recette qui laisse planer la fermeté entichée de Félix Tshisekedi à recouvrer l’intégrité territoriale de son pays, l’intangibilité des frontières nationales et la souveraineté du Congo-Kinshasa.