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Lutundula charge le Rwanda de fabriquer des FDLR imaginaires pour justifier l’agression

Peu importent les dénégations de Kigali. Les autorités congolaises sont convaincues que leur voisin soutient le M23, rébellion de nouveau active dans l’Est. Christophe Lutundula, ministre congolais des Affaires étrangères, s’en explique pour Jeune Afrique.

Christophe Lutundula, ministre congolais des Affaires étrangères qui pointe toujours le Rwanda d’agresser son pays en avançant des prétextes fallacieux des FDLR imaginaires @Photo Droits tiers.

publié le 22 juin 2022 à 12:31:47

Réunis à Nairobi, au Kenya, les dirigeants des pays membres de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) ont convenu du déploiement d’une force régionale dans l’Est de la RDC pour tenter de faire cesser les violences. Le Rwanda n’y participera pas : Kinshasa demeure convaincu qu’il est derrière la résurgence des attaques de la rébellion du M23.

Quel serait son intérêt ? De quelles preuves la RDC dispose-t-elle ? Et quel rôle joue l’Ouganda dans cette région aux équilibres historiquement fragiles ? Le ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a répondu aux questions de Jeune Afrique.

J.A : Un incident inquiétant s’est produit, vendredi 17 juin, dans l’Est : un soldat congolais a été tué alors qu’il se trouvait en territoire rwandais. Que s’est-il passé ?

Christophe Lutundula : Selon les informations qui nous sont parvenues, un militaire congolais a ouvert le feu et blessé un soldat rwandais. Les Rwandais ont réagi et le militaire congolais a été tué. Ce déroulé des faits m’a été confirmé, par téléphone, par mon homologue rwandais [Vincent Biruta].

Les autorités congolaises se disent convaincues que l’armée rwandaise est présente sur leur territoire, aux côtés du M23. De quelles preuves disposez-vous ?

En 2013 déjà, la présence de l’armée rwandaise en RDC avait été établie par des rapports du groupe d’experts des Nations unies et du Comité de sanctions. C’est pour cela que les États-Unis et l’Union européenne avaient suspendu leur coopération militaire avec le Rwanda. Les dirigeants du CNDP [Congrès national pour la défense du peuple], comme ceux du M23 ont toujours résidé sur le sol rwandais, il ne faut pas l’oublier. Ces groupes-là, lorsqu’on retrace leurs itinéraires, leurs mouvements, viennent toujours du Rwanda. Comment peut-on encore le nier ?

Est-ce suffisant pour établir la responsabilité du Rwanda aujourd’hui ? 

Il y a aussi le cas de ces deux soldats, qui ont été capturés [en mai, dans le territoire de Rutshuru]. Le président Lourenço [qui fait office de médiateur] en a été informé et le Rwanda n’a jamais contesté les faits. Nous ne sommes pas surpris par les discours du Rwanda qui, depuis pratiquement vingt ans, se victimise et évoque le risque d’un génocide pour s’attirer la sympathie de la communauté internationale.

Pourquoi la diplomatie congolaise peine-t-elle à obtenir que la communauté internationale condamne sans équivoque cette agression dont elle se dit victime ? 

Le fait qu’un médiateur a été désigné est déjà, selon nous, une condamnation adressée au Rwanda. Ceci étant dit, nous savons comment la communauté internationale fonctionne. C’est certes un forum où l’on discute des questions de paix et de sécurité, mais où chacun est souverain et réagit selon ses intérêts.

Vos accusations ont-elles été confirmées par les enquêtes de mécanismes régionaux ?

Le Rwanda reconnaît-il l’autorité de ces mécanismes ? Les respecte-t-il ? Il me semble que non. À chaque fois qu’il y a eu un rapport, même en lien avec le Burundi par exemple, Kigali a émis des réserves, rejeté ses conclusions et parfois même quitté la table des négociations.

Que répondez-vous à ceux qui reprochent à Kinshasa d’aggraver la situation ?

Il y a un groupe terroriste qui opère dans notre pays, qui sème la terreur et la désolation, qui a contraint des milliers de personnes à fuir leur domicile. Il y a un pays, qui utilise ce groupe terroriste pour violer notre intégrité territoriale et notre souveraineté. Nous n’aggravons rien, mais nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous en tirons les conséquences.

Plusieurs débordements à caractère xénophobe ont été rapportés. Au-delà des condamnations verbales, quelles sanctions envisager ?

La xénophobie n’est pas congolaise. Il y a, en RDC, près de 450 tribus. Nous avons accueilli des réfugiés depuis que nous sommes indépendants, et les derniers en date venaient précisément du Rwanda. Nous sommes un peuple hospitalier et il y a des lois ici qui sanctionnent le tribalisme et la xénophobie.

Le Conseil supérieur de la défense a été très clair. Le ministre de l’Intérieur, celui de la Justice, le commissaire général de la police… Tous ont reçu des consignes et [les débordements] seront sanctionnés.

Comment la situation a-t-elle pu se dégrader aussi vite, alors que Paul Kagame et Félix Tshisekedi s’étaient fortement rapprochés ces deux dernières années ?

Nous n’allons pas continuer à collaborer avec un partenaire qui abuse de notre bonne foi !

Réuni la semaine dernière, le Conseil supérieur de défense a demandé la suspension des accords conclus avec Kigali. Lesquels sont concernés ?

Celui qui porte sur la protection des investissements, ainsi que la convention qui vise à éviter la double imposition en matière d’impôt sur le revenu et à empêcher l’évasion fiscale, et tant d’autres qui ont été signés depuis le début de la présidence de Félix Tshisekedi.

Quid de ceux conclus avant ?

Ce n’est qu’un début. Ce que nous voulons, c’est dire au Rwanda que nous ne sommes pas faibles. Qu’il ne faut pas confondre notre bonne foi, notre engagement en faveur de la paix et la sécurité avec de la faiblesse ou de la résignation.

Quand les présidents Kagamé et Tshisekedi se rencontreront-ils ?

C’est le président Lourenço qui a pris cette initiative et de notre côté, il y n’a aucun problème.

Votre homologue, Vincent Biruta, a affirmé que Kigali avait donné son accord et que c’est la réponse de Kinshasa qui était désormais attendue…

Nous ne répondons pas au ministre mais au médiateur. Il sait que nous avons accepté et qu’il faut maintenant harmoniser les agendas. Il faut que cette rencontre serve à quelque chose, et cela suppose de la sincérité. Le Rwanda doit donc obliger le M23 à retourner d’où il vient.

Que répondez-vous au Rwanda, qui répète que le problème avec le M23 est intra-congolais et qui, dans ses différents communiqués, appelle Kinshasa à négocier ?

Le Rwanda cherche à obtenir que le M23 soit l’unique interlocuteur et que l’on revienne à des négociations comme on a pu en connaître par le passé [quand des groupes armés ont obtenu que leurs combattants soient intégrés à l’armée].

Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que Kigali a exhumé le M23 peu de temps après que nous avons commencé les opérations conjointes avec l’Ouganda. Peu importait que le président Tshisekedi répète qu’il ne s’agissait pas de faire front contre qui que ce soit, et surtout pas contre le Rwanda. Kigali n’était jamais content. Et cela s’est encore accéléré le jour où nous avons entamé des consultations à Nairobi avec d’autres groupes armés.

Le Rwanda aurait voulu mener des opérations conjointes ? Mais un mécanisme de confiance mutuelle a été mis en place après 2019. Il y a eu des équipes conjointes de renseignement installées à Bukavu et à Rubavu ainsi que des échanges d’informations. Les chefs d’état-major de nos deux pays ont signé des mémorandums d’entente.

Et il faut avoir la mémoire de ce qu’il s’est passé : en 2009, le président Kabila a autorisé l’armée rwandaise à venir en RDC combattre les FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda]. Ils sont venus et ils sont restés, longtemps. Il y a eu aussi des opérations conjointes. Mais on s’est aussi rendu compte qu’ils étaient là pour l’or, le diamant et le coltan. Pourquoi le Rwanda n’en a-t-il pas fini, à cette époque-là, avec les FDLR ?

Kinshasa s’est-il inquiété quand Kigali et Kampala se sont rapprochés, ainsi que l’affirme Vincent Biruta ?  

Non. Ils étaient pratiquement ennemis et Félix Tshisekedi, dans le cadre de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL), a travaillé à les réconcilier. Mais c’est un fait qu’aujourd’hui, un pacte a été conclu entre les états-majors de deux pays. Et c’est précisément à ce moment-là qu’on a commencé à nous dire qu’il fallait parler avec tout le monde, et qu’on a laissé dire que la RDC allait finir comme le Soudan [scindé en deux en 2011]. Je n’invente rien !

La RDC considère-t-elle aujourd’hui l’Ouganda comme un allié du Rwanda dans cette crise ?

Nous ne le souhaitons pas, parce que nous sommes tout de même en train de construire une route ensemble. Mais nous ne pouvons être aveugles et sourds.

Pensez-vous que Kampala a joué un rôle dans la chute de la ville de Bunagana, tombée il y a quelques jours aux mains du M23 ?

Nous n’avons pas tous les éléments, mais un certain nombre de questions se pose.

Les opérations conjointes avec l’Ouganda sont-elles destinées à se poursuivre ?

Tout dépendra de leur efficacité. Nous avons fait un temps des avancées, mais cela s’est un peu tassé.

Le Rwanda accuse les FARDC de collaborer avec les FDLR. Est-ce inenvisageable ?

C’est impossible. D’ailleurs, toutes les branches des FDLR ont été décapitées, leurs chefs ont été neutralisés. Il y a dix ans, ils étaient près de 9 000. Aujourd’hui, ils sont moins d’un millier. Des combattants ont été tués, d’autres ont été rapatriés. Mais ils sont ensuite revenus. On en retrouve certains dans les mines ! Nous avons des éléments qui laissent penser qu’ils sont instrumentalisés par le Rwanda.

Que rechercherait le Rwanda en soutenant le M23 ?

Le Rwanda veut une RDC faible et corvéable à merci. Il ne veut pas que nous organisions notre armée, que nous sécurisions l’Est. Il veut profiter du chaos et voler nos ressources naturelles. C’est ça, sa stratégie.

Après une réunion à Nairobi des états-majors de l’EAC, Kinshasa a accepté le déploiement d’une force régionale, mais ne veut pas d’une participation du Rwanda… 

Jeune Afrique

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