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Dady Saleh renouvelle son opposition aux opérations conjointes FARDC-UPDF

Docteur Dady Saleh affiche toujours son opposition aux opérations militaires conjointes entre les armées congolaise et ougandaise.

Par Jeanric Umande

Docteur Dady Saleh, professeur en Économie, analyste politique et notable du Nord-Kivu @Photo Droits tiers.

publié le 17 juin 2022 à 20:44:17

Dans une interview accordée vendredi à Ouragan.cd, l’analyste politique exige des excuses publiques de la part de ceux qui ont soutenu cette coalition pour combattre les Adf. Il dénonce le double jeu des Ougandais qui soutiennent malignement le M23. La chute de Bunagana est une preuve. “Il est prouvé par beaucoup de témoins que l’Ouganda a aidé ou a participé activement à la chute de Bunagana. La prudence devait nous obliger à ne pas collaborer avec l’UPDF. Ils ont eu la chance probablement de mieux connaître nos positions de défense et notre tactique”, a-t-il expliqué. Mais en considérant l’histoire et les réalités de terrain, l’Ouganda a accompli sa mission, sauf que nos autorités continuent à refuser de comprendre cette donne.

Professeur Dady Saleh, vous êtes analyste politique et notable du Nord-Kivu. Pourquoi vous exigez des excuses publiques, pour ceux qui ont encouragé les opérations militaires conjointes FARDC – UPDF ?

J’exige des excuses parce que je pense que désormais les autorités doivent être plus redevables devant la population (art 5 de la Constitution). Je reste convaincu que cette mesure frise la haute trahison. Il faut noter que l’Ouganda a même des dossiers où il doit réparer les dégâts causés en RDC (quelques milliards de dollars) et jusqu’aujourd’hui, ils font la sourde d’oreille. Le général, fils du président Yoweri Museveni a déclaré devant tout le monde qu’ils étaient prêts à envahir la RDC même sans notre permission. Il est prouvé par beaucoup de témoins que l’Ouganda a aidé ou a participé activement à la chute de Bunagana. La prudence devait nous obliger à ne pas collaborer avec l’UPDF. Ils ont eu la chance probablement de mieux connaître nos positions de défense et notre tactique. Mais en considérant l’histoire, les réalités de terrain, les intentions de l’Ouganda sont aussi claires que bonjour, apparemment sauf nos autorités qui, je pense, estiment que le problème commence aujourd’hui et pourtant c’est faux (voir continuité de l’administration). J’estime que nous appliquons une “diplomatie naïve” et une “politique de l’autruche” qui ne semble pas marcher depuis l’indépendance pour l’intérêt du peuple congolais, mais plus pour ces autorités par rapport à leur positionnement. Un parent quand il commet une erreur la moindre de choses est de s’excuser et d’écouter tous les enfants de la maison.

Qu’est-ce qui fonde votre conviction aujourd’hui que vous aviez raison de rejeter cet accord ?

Ma conviction est fondée sur la nécessité de trouver des solutions à court, moyen et long terme. Et je donne ma philosophie de KUJITEGEMEA, TOMILUKELA, TUDJISOSILA, TUSOSANGEMOSI. Seul le Congolais est la vraie solution aux problèmes du Congo et les problèmes qui sont au Congo. La diplomatie, les rapports entre les nations sont basés sur les intérêts et les rapports de force. Une collaboration, je suis bien d’accord mais une collaboration dans une position de faiblesse nous fait perdre énormément. Et il y a des solutions au rabais pour l’intérêt du peuple congolais. Nous devons mettre une organisation “locale”, c’est-à-dire l’intérêt de la nation au centre de tout, corriger la structure politique, la structure économique qui est très extravertie, la structure de la défense, la structure sociale. Au fond, il faut repenser le Congo. Ce que nous vivons aujourd’hui est en deçà de la médiocrité. Quand l’objectif est droit, il est difficile de convaincre que le chemin radicalement à gauche va nous amener au résultat. Il faut vite s’arrêter et rectifier le tir. Le président de la République et le gouvernement doivent accepter sportivement ce point.

Avec la prise de Bunagana, le gouvernement doit-il négocier ou pas avec le M23 ?


Je reste serein et j’ai confiance aux FARDC mais j’ai moins confiance aux autorités politiques et malheureusement ce sont elles qui prennent les grandes décisions (Budget, politique de la défense…). Je pense que le gouvernement peut négocier avec le M23 mais plus directement avec le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi…les USA, la Grande Bretagne, l’Union européenne surtout pour qu’ils cessent de déstabiliser la RDC à travers les pays voisins de la RDC. Mais, la négociation ne doit pas être l’élément essentiel, le gouvernement doit déclarer la guerre (art 86 je pense de la Constitution) et reprendre Bunagana à tout prix, s’il faut appliquer l’article 63 de la Constitution, c’est maintenant le moment. Je ne sais pas si les autorités pensent que ces genres d’articles sont dans la Constitution pourquoi faire, ou juste pour embellir les textes ? On ne fait pas des omelettes sans caser les œufs. Nous avons besoin d’un leadership fort et qui dissuade. On encourage le gouvernement pour certaines actions menées dans ce sens là, mais ils peuvent faire mieux.

Comment jugez-vous l’attitude du Rwanda qui opère désormais à visage découvert ?

La position du Rwanda ne m’étonne pas. Pour moi, ils ont toujours opéré ouvertement mais c’est plutôt le leadership faible congolais qui n’a jamais voulu voir (politique d’autriche) et jamais agir comme il le faut (diplomatie naïve). N’oublions pas qu’on a eu un jour un “chef d’État-major de notre armée” qui était au même moment le chef d’État-major du Rwanda et que beaucoup de nos leaders étaient pratiquement sous emprise de ces pays voisins (1+4 par exemple et toutes les histoires impossibles et ridicules que le Congo a vécu et continue de vivre). Le Rwanda profite de notre naïveté et prend des ailes hélas. Nous devons les aider à reprendre leur place et cela en pratique, en nous organisant et non en ayant des discours ambigüs. Au pouvoir exécutif, nous exigeons des résultats ou à défaut, ils passent la main à d’autres Congolais plus capables.

La communauté internationale est aphone. Elle ne condamne pas l’agression rwandaise mais elle exige des pourparlers au niveau de la région, n’est-ce pas une manière de se moquer du peuple congolais ?

Oui, c’est encore une fois de plus une façon de se moquer du peuple congolais. J’espère qu’une bonne partie de la “communauté internationale” est complice par rapport à cette situation et nous devons le dire à haute voix. Qui a tué Lumumba ? Je pense que c’est connu de tous, qui soutiennent le Rwanda contre la RDC. Je pense que nous le savons tous. Qui empêche à la RDC d’avoir des armes comme il le faut (probable embargo qui continue). Nous le savons…. La liste des évidences est trop longue et claire, mais apparemment notre leadership est seul à ne rien voir. C’est totalement dans le sens de cette “diplomatie naïve”. Mais cela étant, nous encourageons le petit pas du président Félix Tshisekedi et surtout le grand pas des FARDC dans le sens de pointer et traiter comme tel tous les ennemis de la RDC partout où ils sont, même à Washington s’il le faut… . La grande organisation de la RDC est un élément qui fera peur à tous ces gens et va nous permettre de redorer le blason terni. Mais pour cela, il faut plus nous concentrer sur nos propres problèmes et mettre plus d’intérêts aux besoins du peuple congolais (“Le peuple d’abord”) de l’Udps, non comme slogan mais comme mode de vie de la société. Soyons sérieux plus avec nous-mêmes pour notre propre intérêt d’abord, les autres après.

Avons-nous les moyens de faire la guerre au Rwanda ?

Nous avons les moyens, le premier et le plus important moyen est “l’homme congolais avec un esprit congolais/KUJITEGEMEA”. Sans la conviction, il est difficile de gagner. Nous avons les moyens naturels (minerais stratégiques…), les moyens financiers (entre 15 milliards à 20 milliards qui disparaissent, voler chaque année, voir rapport un ancien conseiller du sénateur à vie Joseph Kabila)… .Les moyens se constituent par rapport à l’esprit et à l’objectif à atteindre. Nous avons les moyens maintenant et nous devons encore plus améliorer en nous organisant comme dit.

Le désordre actuel ne va pas contraindre la commission électorale à renvoyer à plus tard les élections ?

Effectivement, tout ceci semble être une sorte de piège comme lors des dernières élections en RDC. Raison pour laquelle, nous demandons au peuple d’exiger cet exercice de redevabilité aux autorités pour ne plus permettre de tels scénarios…Le bien du peuple congolais devait passer au-dessus de tout. Les élections sont un droit constitutionnel et non un don du président de la République et son gouvernement. Nous devrions inscrire dans nos lois que si un président qui est le garant de la Nation et son gouvernement n’arrivent pas à organiser les élections à temps, ils ne doivent pas avoir même un jour de plus à la tête de la nation. Voilà pourquoi nous devons exiger de voir clair dans ce désordre actuel avant que ça ne soit tard. La commission électorale pour moi est un organe technique important mais qui reste technique.

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