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L’Église catholique à l’épreuve de la gratuité de l’enseignement

Les imbrications entre l’Eglise catholique et le pouvoir politique sont à interpréter à l’aune des rapports en dents de scie entre le temporel et le spirituel qui ont émaillé l’ère chrétienne pendant les deux derniers millénaires.

Un élève au tableau à l’école de Mboga à Goma (Nord-Kivu) en République démocratique du Congo. @Credit : PME/Federico Scoppa.

publié le 8 mai 2022 à 23:16:35

Le code religieux étant la référence de l’éthique, de la morale et du droit, il a toujours été difficile d’établir une démarcation nette entre la politique et la religion. Dans toutes les civilisations, les pouvoir spirituel et temporel ont d’abord longtemps convolé en justices noces avant la notion moderne de la laïcité dictée par l’émergence de l’Etat comme gage de la souveraineté des peuples et sujet de droit international. 

En Afrique coloniale, le lien historique qui avait cours en Europe entre les pouvoirs étatique et clérical a rendu possible la domination des populations indigènes adossées à la religion du colonisateur. La complicité entre les Etats coloniaux et les églises tropicales était telle qu’à l’indépendance certains prêtres ont carrément hérité du pouvoir étatique. Ce fut le cas par exemple des Abbés Fulbert Youlou ou Barthélémy Boganda qui devinrent chefs d’Etat respectivement au Congo Brazzaville et en République centrafricaine.  La République démocratique du Congo échappa de peu à ce sort, le prêtre le plus engagé politiquement ayant été ordonné évêque une année avant l’indépendance. Devenu prélat, Monseigneur Joseph-Albert Malula n’en demeura pas moins un pilier des bouleversements politiques intervenus au pays de 1960 jusqu’à sa mort en 1989. 

Le vide laissé par le cardinal Malula fut rapidement comblé par une autre calotte sacrée portée à bout de bras par l’ensemble de la communauté internationale lorsque le pays amorçait sa descente aux enfers à partir de 1990. L’effondrement des industries extractives dont l’outil de production n’avait pas fait l’objet de maintenance ou de renouvellement depuis le départ des occidentaux et la rupture de l’aide au développement consécutive au “massacré” des étudiants sur le campus universitaire de Lubumbashi placèrent le pays en cessation de paiement. Ce qui occasionna des grèves de toutes sortes qui débouchèrent sur des pillages à répétition des commerces et unités de production restantes. 

Quand il pleut à la cité, dit l’adage, il pleuvine au couvent. Un temps soutenue par les Églises nanties d’occident, l’Eglise catholique de la RDC devrait apprendre à survivre par ses propres moyens en raison de l’effondrement de la foi catholique sur le continent européen notamment. N’ayant pas été préparée à voler de ses propres ailes, l’Eglise a dû se résoudre à essayer de survivre en supplantant l’Etat en vue de capter l’aide au développement à travers ses nombreuses ONG et ASBL dont CARITAS, BDOM (Bureaux diocésains des oeuvres médicales) et par la taxation de l’éducation. L’Etat zaïrois de l’époque ne pouvant plus prendre en charge ses préposés à l’éducation nationale, charge fut laissée à l’Eglise catholique spécialement, qui dispose du plus important réseau éducationnel, de percevoir auprès des parents d’élèves des frais de scolarité pour continuer à assurer la formation scolaire. Depuis 1992, la plus-value de cette manne financière, du reste gérée en toute opacité à l’instar du secret du confessionnal, a fait le bonheur d’une Eglise sevrée de l’aide des bienfaiteurs occidentaux.

Pendant les trois dernières décennies, l’Eglise catholique n’a pas vraiment réussi à trouver une alternative pour son fonctionnement et la prise en charge du clergé en dehors des recettes provenant des écoles conventionnées catholiques. Dans plusieurs diocèses, des tentatives de création des unités de production pour assurer l’autonomie financière n’ont pas résisté à la prédation des gestionnaires en soutane. Le retour du financement de l’éducation par l’Etat et le paiement des salaires des enseignants a rendu possible le retour à la gratuité de l’enseignement de base. D’où l’appauvrissement sans fard de la plupart de diocèses où les clercs sont parfois obligés de faire la manche pour survivre, lorsque qu’ils ne déraillent pas dans toutes sortes de scandale. Commencée à la campagne, la gratuité de l’enseignement est devenue générale depuis l’accession au pouvoir du Président Félix Tshisekedi. Les archidiocèses des grandes villes où la prise en charge des frais de scolarité par les parents d’élèves était jusqu’ici tolérée furent du jour au lendemain sommés de s’arrimer à l’exigence constitutionnelle de la gratuité de l’enseignement, privant les gestionnaires catholiques des écoles publiques d’une importante source de financement. A Kinshasa, Lubumbashi, Bukavu, Kisangani et Kananga, la pilule est difficile à avaler comme en témoignent des mouvements de grève des enseignants téléguidées depuis les archevêchés. 

Des chiffres qui parlent

Les écoles conventionnées catholiques sont des poules aux œufs d’or dont les coordinations sont soigneusement confiées aux hommes de confiance des évêques et archevêques pour des raisons évidentes. L’Abbé Noël Ntungu qui trône au sommet de la Coordination nationale des écoles conventionnées catholiques en sait quelque chose. Dans l’archidiocèse de Kinshasa, deux hommes lige du cardinal Fridolin Ambongo sont aux commandes. Pour ce qui est des écoles publiques, l’Abbé Romain Nyanga est l’inamovible coordinateur diocésain et urbain. Mais l’Eglise catholique de Kinshasa a tellement tiré profit de l’exploitation vénale de l’éducation qu’elle s’est dotée d’un réseau important d’écoles privées qui échappent totalement au contrôle de l’Etat. Pour ces écoles d’élites portant la mention de complexes scolaires, c’est le bien nommé Abbé Maurice d’Oliveira Lumingu qui gère le coffre-fort pour le compte du Cardinal et archevêque Fridolin Ambongo. 

Pour avoir une idée de ce que représente le pactole en jeu, véritable nerf de la guerre, il faut savoir qu’en République démocratique du Congo, 71% d’écoles primaires et 63% d’écoles secondaires sont gérées par le réseau conventionné. 80% de toutes ces écoles conventionnées réunies appartiennent aux catholiques. Selon les us instaurés depuis le début de la prise en charge des frais de scolarité par les parents d’élèves, les frais que les parents d’élèves paient pour la scolarité des enfants dans les écoles catholiques sont répartis de la manière suivante dans la ville de Kinshasa : 

60% destinés au traitement du personnel, prêtres et religieux compris ;

20% pour le ministère de l’éducation répartis entre l’inspection Pool, la division urbaine, la sous-division, la coordination sous-régionale, la coordination provinciale, l’Inspection Provinciale Principale, et l’association des parents d’élèves ;

20% réservés à l’archevêché ;

15% pour le fonctionnement de l’école et

5% pour le fonctionnement du bureau qui gère les fonds.

En pratique, si l’on considère au bas mot la somme de 60 dollars américains par élève, l’archidiocèse de Kinshasa qui scolarise en moyenne 750.000 élèves s’en sort avec une quotité annuelle en cash de 45 millions de dollars américains, dont 5 millions sont consignés dans un compte privé de l’ordinaire métropolitain à la procure de la paroisse Sainte Anne dans la commune de Gombe. 

Avec une telle grille de lecture, l’on peut mieux comprendre pour quelle vraie raison la gratuité de l’enseignement, qui a aidé à recueillir dans le circuit scolaire un supplément de plus de 4 millions d’enfants depuis sa mise en œuvre en mai 2019 par le président de la République, est un véritable cauchemar pour les ambitions petites bourgeoises de certains princes de l’Eglise qui vivent aux dépens des parents en prélevant insidieusement une sorte d’impôt princier indu sur l’éducation. Un comportement aux antipodes du discours officiel de l’Eglise catholique consistant à afficher un soutien apparent à la gratuité de l’enseignement de base, « conforme à la doctrine sociale de l’Eglise qui prône l’option préférentielle pour les pauvres ». La réalité, comme on vient de le voir, est très loin de cette déclaration morale d’intention. C’est l’enfer pavé de bonnes intentions.

Bouc-emissarisation du pouvoir

L’instauration de la gratuité de l’enseignement n’est pas la seule pomme de discorde entre certains prélats catholiques bien identifiés et le pouvoir de Kinshasa. Le gouvernement de la République démocratique du Congo céderait aux chantages de l’Eglise catholique qui exige un financement alternatif de l’éducation par des taxes et impôts spécifiques que le rejet de Félix Tshisekedi par des personnes comme Fridolin Ambongo, Marcel Utembi ou Donatien Nshole ne changerait pas d’un iota. Nous avons évoqué en liminaire les accointances incestueuses devenues systématiques entre les milieux de la haute finance internationale et les dirigeants de l’Eglise catholique nationale depuis les années 90, sur fond de la déliquescence de l’Etat. En effet, plusieurs personnages de premier plan au sein de l’Eglise catholique ont tellement pris goût au fait d’engager le pays auprès des partenaires financiers qu’ils ont de la peine à voir l’Etat congolais renaître de ses cendres en ayant des dirigeants dont la légitimité ne peut plus être remise en cause.

N’ayant été ni de près ni de loin parmi les conspirateurs, Félix Tshisekedi apparait comme un missile non téléguidé par l’Eglise catholique et ses généreux sponsors de la haute finance. D’où la tendance pour l’église catholique de toujours chercher des poux sur le crâne rasé de l’héritier du Docteur Etienne Tshisekedi, dans l’espoir fébrile de l’écarter au profit de leur poulain le mieux positionné.

Il s’ensuit que les convergences parallèles entre les prélats catholiques politisés et le régime de Félix Tshisekedi ne se croiseront jamais. Ce serait donc naïf de miser sur une impossible conciliation des vues, les prémisses d’une réconciliation des cœurs étant foncièrement dépravées.

Cyrille Alongi Kole, auteur de l’analyste phénoménologique de l’activisme politique larvé du clergé congolais

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