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[Tribune] – Suspension du vice-gouverneur du Sud-Kivu : Promotion d’un Etat de droit ou institution d’un Etat de police?

A la suite de la motion de censure initiée contre le gouvernement provincial du Sud-Kivu piloté par le gouverneur Théo Ngwabidje et adoptée par 28 députés provinciaux sur les 48 que compte l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu, le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, sécurité, décentralisation et Affaires coutumières, avait lancé deux messages phoniques respectivement en date du 1èr et 2 décembre 2021 invitant le gouverneur déchu et son vice Malago Kashekere Marc à rejoindre Kinshasa pour consultations, inopportunément, seul le titulaire a répondu positivement à cette invitation.

publié le 13 décembre 2021 à 00:18:14


Conséquemment à ces invitations et en attendant la fin des consultations, c’est le ministre provincial de l’Intérieur qui assume l’intérim du gouverneur. Malheureusement et contre toute attente, le vice-gouverneur a refusé férocement de répondre à cette invitation conformément à sa lettre n°01/1084/CAB/GOUPRO-SK/2021 du 06 décembre 2021 adressée au ministre provincial de l’Intérieur dont le comportement a traduit son opiniâtreté à ne pas répondre à l’appel lancé. Ce qui a, selon le vice-Premier ministre, constitué une faute administrative appelée « insubordination”.
Ceci poussa ce dernier par son arrêté ministériel n°25/CAB/VPM/MININTERSEDECAC/AOK/045/2021 du 08 décembre 2021, à décider de la suspension de M. Malago Kashekere Marc de ses fonctions de vice-gouverneur du Sud-Kivu au mépris manifeste du principe de la libre administration des provinces , matérialisant une illégalité étincelante , qui achemine la RDC à se convertir de l’Etat de droit vers un Etat de police.

Principe de la libre administration des provinces
En République démocratique du Congo, la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 institue deux échelon d’exercice du pouvoir d’Etat : le pouvoir central et la province. Cette dernière demeure une composante de l’Etat dotée de la personnalité juridique et gérée par ses organes locaux (Articles 2 al.1 et 3 al.1 de la Constitution ainsi que l’exposé des motifs de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, telle que modifiée à ce jour).
Suivant les dispositions constitutionnelles, il est institué le régionalisme politique en RDC déterminant, les institutions politiques de la province et la répartition des compétences entre elle et les pouvoir central. Pour affirmer ce vœu du constituant de 2006, la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Provinces, telle que modifiée à ce jour a été mise sur pied.


En effet, le principe de la libre administration des provinces implique que les institutions provinciales et leurs membres soient gérés par les organes locaux, à savoir: le gouvernement provincial et l’Assemblée provinciale. Par ailleurs, aux termes de cette loi, les membres du gouvernement provincial (gouverneur, vice-gouverneur et les ministres provinciaux) ne peuvent engager leur responsabilité que devant l’Assemblée provinciale par le vote d’une motion de censure contre l’Exécutif provincial ou la motion de défiance contre un Membre du gouverneur pris individuellement (lire les articles 41 et 42 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008).


En outre, l’article 198 al. 10 prévoit une seule possibilité pour le président de la République, en cas d’une crise persistance, de relever un gouverneur de province de ses fonctions, et non un vice-gouverneur. Celui-ci, ne peut être déchu que par une motion de défiance ou de censure dirigé contre le gouverneur dont il appartient.
La province étant libre de s’administrer, ces membres ne peuvent être ni relevés ou suspendus de leurs fonctions par une autorité nationale. L’illégalité de l’arrêté ministériel suspendant le vice-gouverneur
Dans l’Arrêté Ministériel n°25/CAB/VPM MININTERSEDECAC/AOK/045/2021 du 08 décembre 2021 portant suspension du vice-gouverneur de la province du Sud-Kivu, le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, sécurité, décentralisation et Affaires coutumières motive sa décision en évoquant quelques textes de lois que nous jugeons incohérents pour justifier à tort, la légalité de son arrêt sus-évoqué et dont nous allons démontrer l’un après l’autre.

  1. La Constitution du 18 février 2006 telle que complétée et modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011
    En évoquant ce premier texte constitutionnel, le vice-Premier ministre n’a indiqué ne fût-ce qu’un seul article qui renseigne les différents pouvoirs auxquels il s’est approprié pour parvenir à la suspension du vice-gouverneur du Sud-Kivu.
  2. La loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Provinces telle que modifiée et complétée à ce jour, en ses articles 63 et suivants.
    Les articles 63 à 67 de cette loi, qui reconnaissent au gouverneur de province les pouvoirs de la représentation de l’Etat en province ne prévoient nullement la faculté pour une autorité nationale, d’ouvrir une action disciplinaire à l’endroit d’un membre du gouvernement provincial. Une aberration impardonnable.
    L’article 63 prévoit que le gouverneur de province représente le gouvernement central en province. Il assure dans ce cadre, la sauvegarde de l’intérêt national, le respect des lois et règlements de la République et veille à la sécurité et à l’ordre public dans la province.
    Dans les matières relevant de la compétence exclusive du pouvoir central, le gouverneur de province coordonne et supervise les services qui relèvent de l’autorité du pouvoir central conformément à l’article 64.
    En revanche, il est prévu à l’article 65 que dans l’exercice de sa mission de représentation du gouvernement central et de coordination des services publics déconcentrés en province, le gouverneur de province répond de ses actes devant le gouvernement central.
    Aux termes de l’article 66, les actes posés par le gouverneur de province dans ces matières sont susceptibles d’annulation. En cas de nécessite, le pouvoir central peut réformer ou se substituer au pouvoir du gouverneur de province.
    Aussi, l’article 67 poursuit qu’en cas de faute graves commises par le gouverneur de province dans l’exercice des missions des services publics déconcentrés, le pouvoir central peut : 1. Saisir l’Assemblée provinciale pour faire appliquer des articles 41 et 42 de la présente loi ; 2. En matière pénale, le déférer devant la Cour de cassation selon la procédure prévue par l’article 68 de la présente loi ; 3. Déférer ses actes administratifs devant la Cour Administrative d’Appel selon la procédure devant les juridictions administratives.
    Cet exercice que nous venons de faire en reproduisant les dispositions légales sus-visées a comme but de démontrer noir sur blanc que, le VPM ASELO les a évoqué sans motif valable car, dans aucune d’entre elles, on reconnait le pouvoir à une autorité nationale de suspendre un vice-gouverneur. D’ailleurs, l’article 67 détermine limitativement la démarche que le pouvoir central peut emprunter pour mettre en cause la responsabilité d’un gouverneur qui s’est mal comporté lorsqu’il accompli les actes relevant du pouvoir central.
    L’insertion de cette loi dans l’arrêté décrié n’est qu’un embellissement, sans la saveur juridique et surtout, pour flouer les non-initiés en droit.
  3. Le Décret-Loi n°082 du 02 Juillet 1998 portant statut des autorités chargées de l’administration des circonscriptions territoriales en son article 7.
    A titre de rappel, l’organisation administrative et territoriale de la République démocratique du Congo fut organisée par le Décret-Loi n°081 du 02 Juillet 1998 et le statut des autorités chargées de cette administration a été encadré par le Décret-Loi n°082 du 02 Juillet 1998.
    Avec l’avènement de la Constitution du 18 février 2006, il ont été promulguées la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, la loi-organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et la province ainsi que la loi-organique n°10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des subsidiions territoriales à l’intérieur des provinces, qui ont abrogées expressément les deux textes juridiques de 1998.
    Pour les trois lois ci-dessus, le législateur a prévu le statut des autorités chargées de gérer les provinces, les entités territoriales décentralisées et les entités administratives déconcentrées (Subdivisions territoriales).
    S’agissant particulièrement des Autorités des ETD (Maire, Bourgmestre, Chef de Secteur et Chef de chefferie), il faut souligner qu’en attendant l’organisation des élections, ces autorités sont gérées conformément aux dispositions du Décret-Loi n°082 du 02 Juillet 1998 (article 126 de la loi-organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et la Province).
    Eu égard à ce qui précède, les autorités des institutions provinciales sont gérées par la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration et non le Décret-Loi n°082 du 02 Juillet 1998.
    C’est donc à tort que le VPM ASELO ait évoqué l’article 7 du Décret-Loi n°082 du 02 Juillet 1998 pour justifier la suspension illégale du vice-gouverneur de la province du Sud-Kivu qui dispose que « le ministre des Affaires intérieures peut, par arrêté motivé, suspendre toute autorité chargée de l’administration des circonscriptions territoriales, pour compromission dans l’exercice de ses fonctions ou manquements aux devoirs de sa charge ». Ce Décret-Loi ne s’applique plus aux autorités provinciales (gouverneurs ou vice-gouverneurs), mais peut s’appliquer contre les autorités des ETD en attendant l’organisation des élections.
  4. Le Décret-Loi n°017/2002 du 03 octobre 2002 portant Code de conduite de l’agent public de l’Etat en ses articles 1èr point 6, 9 point 4, 29 et 30.
    L’article 1è de ce décret-loi prévoit, la liste des agents publics de l’Etat. En effet, un agent public de l’Etat est entendu ici comme toute personne qui exerce une activité publique de l’Etat et/ou rémunérée par ce dernier. En son point 6 tel qu’évoqué par le VPM ASELO, il est cité que les autorités chargées de l’administration des circonscriptions territoriales et les membres des assemblées des entités administratives décentralisées.
    Ici, nous affirmons que les gouverneurs ou vice-gouverneurs de provinces sont des agents publics de l’Etat.
    En son article 9 point 4 tel qu’évoqué par le VPM ASELO, l’agent public de l’Etat doit, éviter dans l’exercice de ses fonctions, de faire obstructions à la mise en œuvre des politiques, des décisions ou des actions des pouvoirs publics.
    Enfin, les articles 29 et 30 prévoient le régime disciplinaire où tout agent public de l’Etat investi, à un degré quelconque, du pouvoir disciplinaire a qualité d’ouvrir d’office ou sur réquisitions de ses supérieurs hiérarchiques ou de l’observatoire du code d’éthique professionnelle, l’action publique à charge d’un agent public placé sous son autorité ou sous ses ordres.
    C’est vraiment à tort que le VPM ASELO puisse recourir à ces dispositions pour procéder à la suspension du Vice-Gouverneur, pour la simple raison que, aucune loi du pays ne prévoit que, le VPM Intérieur est le supérieur hiérarchique des gouverneurs de Province ou leurs vices, placés sous son autorité ou sous ses ordres.
  5. L’Ordonnance n°20/017 du 27 mars 2020 fixant les attributions des ministères
    suivant la répartition des attributions, le ministre de l’Intérieur, sécurité, décentralisation et Affaires coutumières est chargé de la (le, l’) :
  • Politique d’administration du territoire ;
  • Coordination des rapports entre les membres du gouvernement et les gouverneurs de provinces ;
  • Organisation, fonctionnement et enregistrements des partis politiques ;
  • Identification, encadrement et recensement administratif de la population ;
  • Migration ;
  • Statut des réfugiés ;
  • Collaboration avec la CENI ;
  • Coordination de la gestion des catastrophes naturelles en collaboration avec les ministères concernés ;
  • Etc…
    Nulle part, cette ordonnance ne lui attribue des compétences de suspendre un vice-gouverneur de province.
    Partiellement, nous pouvons conclure en ces termes, l’arrêté suspendant le vice-gouverneur de la province du Sud-Kivu, ne trouve aucun fondement juridique et cela chevauche contre le principe de la gestion des provinces par leurs organes locaux.
    La RDC vers un Etat de droit ou Etat de la Police ?
    D’une manière simpliste, l’Etat de droit est un Etat qui, dans ses rapports avec ses sujets et pour la garantie de leur statut individuel, l’Etat se soumet lui-même à un régime de droit et cela en tant qu’il enchaine son action sur eux par des règles. Tel est la volonté exprimée du constituant de 2006, spécialement à l’article 1èr.
    Par contre, l’Etat de police est celui dans lequel l’autorité administrative peut, d’une façon discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par elle-même l’initiative, en vue de faire face aux circonstances et d’atteindre à chaque moment les fins quelle se propose. Dans l’Etat policier, les autorités publiques détiennent des pouvoirs exorbitants affranchis de tout contrôle (Jacob SOUGA NIEMBA, L’Etat de droit démocratique, fédéral au Congo Kinshasa : source de stabilité réelle en Afrique centrale, Harmattan, Paris, 2002, p.39).
    Ici, le droit est instrumentalisé par l’autorité pour à chaque fois atteindre le but qu’elle poursuit.
    Suivant les analyses faites dans cette réflexion juridique, nous n’hésitons pas à affirmer que, la RDC, malgré ses multiples textes juridiques, est loin de prôner véritablement un Etat de droit, par contre, cet arrêté ministériel suspendant le vice-gouverneur du Sud-Kivu, ce qui nous amène vers un Etat de Police où le VPM ASELO a use les textes juridiques sous-développés pour atteindre son but sachant bien qu’il est dans l’illégalité alors que dans une démocratie, il est exigé parmi ses piliers majeurs, le respect d’un Etat de droit.
    Peroraison
    Sans mâcher les mots, nous concluons en disant que l’Arrêté ministériel n°25/CAB/VPM/MININTERSEDECAC/AOK/045/2021 du 08 décembre 2021 portant suspension de M. Malago Kashekere Marc de ses fonctions de vice-gouverneur du Sud-Kivu pour l’insubordination, est carrément illégale, et mérite d’être rapporté.
    Ce comportement des autorités actuelles amène le pays, de l’Etat de droit prôné par le chef de l’Etat vers un Etat de police où les autorités manipulent le droit pour atteindre leurs objectifs contraires à toute légalité.

Me MBOKOLO ELIMA Edmond
Avocat au Barreau de l’Equateur/Mbandaka

Assistant de 2èm Mandat à la Fac de Droit de l’Université de Mbandaka
Chercheur en Droit à la Faculté de Droit l’Université de Kinshasa

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